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Fiscalité

Gérer son patrimoine sans gêner son activité agricole

Transmettre son exploitation, céder son outil de travail est la dernière étape d’une vie professionnelle réussie. C’est un temps fort qu’il convient de préparer tôt, pour optimiser au mieux la succession, partir l’esprit tranquille en passant le relais à son successeur dans les meilleures conditions possibles.
Gérer son patrimoine sans gêner son activité agricole

Si les revenus des agriculteurs font le yoyo depuis dix ans en fonction des aléas climatiques, des cours mondiaux ou des crises sanitaires, le patrimoine des agriculteurs a, quant à lui, légèrement reculé sur les douze dernières années. Il s'élève à 487 900 euros en 2015 contre 489 724 en 2003. On parle ici de patrimoine brut qui inclut à la fois les biens à usage professionnel que le patrimoine privé. « Le patrimoine est une conséquence de l'accumulation de revenus, à l'échelle d'un ménage mais aussi par héritage de l'histoire, indique l'Insee. Les taux d'épargne les plus élevés permettant donc de se constituer un patrimoine privé se rencontrent dans les catégories socioprofessionnelles dont les revenus sont aussi les plus élevés : cadres et professions libérales. La moitié seulement des agriculteurs exploitants épargne plus de 20 % de leurs revenus. Chez les autres indépendants, les disparités sont très fortes : un quart d'entre eux y consacre plus de 21 % de leurs revenus déclarés, quand près d'un autre quart épargne plus de 40 % de ses revenus annuels. »

Neuf agriculteurs sur dix possèdent leur logement

Si on ne s'intéresse qu'à la valeur du patrimoine privé des agriculteurs qui regroupe l'épargne, la résidence principale, les autres biens immobiliers non professionnels ou encore les valeurs mobilières telles que les actions, elle s'élève en moyenne à 274 489 euros en 2015. Elle était de 235 000 euros en 2003, soit une hausse de 17 % en douze ans. À noter que la moitié des agriculteurs possède un patrimoine privé brut inférieur à 198 800 euros en 2015. Au regard des autres indépendants comme les chefs d'entreprise et les professions libérales qui possèdent un patrimoine privé brut de 798 000 euros, les agriculteurs disposent de 2,5 fois moins. Cependant, ils bénéficient en moyenne d'un patrimoine plus élevé que les autres ménages dont le patrimoine privé s'établit à 188 300 euros en moyenne. Cela s'explique notamment par le fait que 89 % des agriculteurs sont propriétaires de leur logement contre 58,7 % des Français dans leur ensemble, ce taux tombe à 34 % pour les ouvriers et employés. Pour les cadres, les chefs d'entreprise et les professions libérales, la détention de la résidence principale dépasse les 67 %. Parmi les différentes catégories socioprofessionnelles, les agriculteurs sont également très bien dotés en assurance vie (54 %) contre une moyenne de 36 %, seules les professions libérales ont un taux de détention plus élevé (60 %). Enfin, un tiers des agriculteurs détient des valeurs mobilières, le même taux que les cadres. Ce patrimoine privé génère pour certains agriculteurs des revenus, comme la location de biens immobiliers par exemple ou les dividendes d'actions ou les intérêts de parts sociales. D'après l'Insee, en 2015, 27 % des agriculteurs possèdent d'autres logements que leur résidence principale générant des revenus locatifs.

Un patrimoine professionnel en baisse sur douze ans

Le patrimoine professionnel a quant à lui fortement baissé. Sa composition est fortement liée à la nature de l'activité puisque pour les agriculteurs le patrimoine professionnel est constitué pour moitié de terres agricoles ou de cheptel. Ainsi, dans l'étude Insee « Le patrimoine des indépendants de 2015 », on apprend que les agriculteurs possèdent un patrimoine professionnel moyen évalué à 213 300 euros. Il était de 274 573 euros en 2003. Là encore, il y a de grandes disparités, car pour 50 % des agriculteurs, la valeur totale de leur outil professionnel est inférieure à 46 000 euros. Cette même médiane était de 179 900 euros il y a douze ans. Expliquer cette baisse de la moyenne et de la médiane du patrimoine professionnel des agriculteurs est complexe. D'un côté, les patrimoines professionnels de certaines catégories d'agriculteurs augmentent régulièrement du fait des investissements de plus en plus lourds pour les bâtiments, les mises aux normes, de la hausse du prix du foncier et de l'amélioration du cheptel. C'est le cas des éleveurs, des viticulteurs ou des céréaliers. Et de l'autre, on assiste depuis dix ans à une arrivée en nombre d'agriculteurs hors cadre familial principalement sur des activités de maraîchage, de PPAM ou de petits élevages nécessitant moins d'investissements. Cette catégorie d'agriculteurs est rarement dotée en biens agricoles comme des terres ou des bâtiments. Leur patrimoine professionnel est ainsi beaucoup plus faible.

Protéger son patrimoine privé

Pour beaucoup d'agriculteurs, le patrimoine privé et le patrimoine professionnel sont très fortement imbriqués. Mais il existe des solutions pour protéger son patrimoine privé en cas de difficulté de l'exploitation agricole. Attention, un agriculteur qui exploite de manière individuelle, répond de ses engagements professionnels sur tout son patrimoine qu'il serve ou non à son activité. Des créanciers non payés peuvent venir se payer sur le patrimoine financier privé. Depuis le 8 août 2015, la loi Macron a instauré l'insaisissabilité de droit de la résidence principale de l'exploitant individuel, sans aucune formalité. Plus besoin d'aller chez le notaire pour protéger son habitation, c'est automatique. Cependant, l'insaisissabilité ne vaut qu'à l'égard des dettes professionnelles postérieures à la date de la publication de la loi. Un autre moyen plus connu et très utilisé pour différencier les patrimoines est la création d'une société qui exerce l'activité professionnelle, c'est le cas des différentes sociétés agricoles comme les Gaec. Un associé d'un Gaec voit sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers engagée dans la limite de deux fois la fraction de capital qu'il possède, sauf si les statuts prévoient une responsabilité plus grande. Cependant, ces protections peuvent gêner l'octroi de crédit d'investissement. Ce sont les garanties proposées aux banquiers qui détermineront l'accord d'un crédit. Si le patrimoine est limité ou les crédits en cours déjà importants, la banque cherchera des garanties complémentaires, surtout depuis que la résidence principale n'est plus saisissable. Elle pourra proposer à l'agriculteur de renoncer à cette protection. Une décision à ne pas prendre à la légère. 
Camille Peyrache

 

Juridique / Transmission de parts des sociétés agricoles

La création d'une société est souvent évoquée comme un moyen de faciliter la transmission. Pourtant, le moment venu, la vente de l'entreprise reste toujours délicate du point de vue juridique et fiscal. On appelle part sociale le droit déterminé dans les statuts et attribué à chaque associé en fonction de ses apports. La cession de ces parts entre l'associé vendeur (le cédant) et l'acheteur (le cessionnaire) va permettre de réaliser la transmission à la fois de la propriété et de la direction de la société. À travers la vente des parts, c'est l'ensemble de l'actif qui va être transmis (bâtiments, matériel, cheptel, stocks). Cette transmission universelle suppose de réaliser un inventaire exhaustif du patrimoine de la société afin que les parties s'engagent en connaissance de cause.
Garantir le passif
En acquérant des parts sociales, le nouvel associé reprend également les emprunts et les dettes. Il n'est pas rare qu'après l'acquisition des parts sociales, de nouvelles dettes, issues des agissements de l'ancien associé, soient révélées. Pour faire face à ce risque, il est prudent d'assortir la cession des parts d'une clause de garanties de passif. La vente des parts d'une société n'impose pas la rédaction d'un acte notarié. De plus, l'enregistrement d'une cession de parts sociale de société civile agricole (Gaec, EARL ou SCEA) n'est pas soumis à un droit d'enregistrement proportionnel, mais au droit fixe de 125 euros.
Un héritage encombrant
La société a une existence propre et distincte de celle de ses associés. Lorsqu'elle est vendue, le nouvel associé va devoir supporter les options et choix fiscaux réalisés par le précédent propriétaire. Pour l'acquéreur, cet héritage peut se révéler très couteux en impôts et charges sociales. Il en est ainsi par exemple des déductions fiscales et déductions pour aléas qui ont profité à l'ancien associé, mais que le nouveau va devoir réintégrer dans son résultat. De même, la valeur des actifs restant à amortir au bilan de la société peut être très inférieure à la valeur ayant servie de base à la transaction. L'acquéreur doit veiller à intégrer ces éventuels surcoûts dans la négociation du prix d'achat des parts sociales. La vente de parts sociales demande davantage d'explications et de conseils car, souvent, les associés ont tendance à confondre leur propre patrimoine avec celui de la société. 
Nathalie Kotomski - service juridique rural FDSEA 26

Novembre, mois de la transmission agricole 
N’hésitez pas à prendre contact avec les conseillers des Points accueils transmission des chambres d’agriculture. Ils sont à votre disposition pour vous accompagner dans l’ensemble de votre démarche de cessation-transmission :
-  réfléchir à votre projet sous tous ses aspects (économiques, patrimoniaux, personnels…),
- prendre les contacts nécessaires avec les différents organismes et rencontrer de futurs repreneurs….
 Pour en savoir plus : www.transmettrenagriculture.fr.