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Droit rural

Foncier : une annulation de la vente dans un délai de six mois

En votre qualité de preneur par bail à ferme, le notaire chargé de préparer et d’établir la vente d’une parcelle que vous exploitez doit vous notifier le projet d’acte de vente conformément à l’article L 412-8 du code rural.
Foncier : une annulation de la vente  dans un délai de six mois

Question : Je viens d'apprendre par courrier qu'une parcelle que je loue par bail à ferme écrit enregistré venait d'être vendue par son propriétaire à une autre personne. A ma connaissance, l'acquéreur, qui n'est pas agriculteur, n'a aucun lien de famille avec le vendeur. J'aurais aimé acheter cette parcelle qui est incluse dans un îlot de 30 hectares dans un seul tenant, surtout que le prix de la vente fut raisonnable. Aujourd'hui, le nouveau propriétaire vient m'expliquer qu'il veut mettre des chevaux. Je crains que la situation se dégrade. Quels sont mes droits ?

Réponse : En votre qualité de preneur par bail à ferme, le notaire chargé de préparer et d'établir la vente (en terme juridique on parle « d'instrumenter la vente ») aurait dû vous notifier le projet d'acte de vente conformément à l'article L 412-8 du code rural.
A priori, aucune exemption à votre droit de préemption n'existant dans vos explications, rien ne s'opposait au bénéfice de ce droit qui est conféré au preneur en cas de vente à caractère onéreux. Ainsi, vous auriez dû recevoir un projet d'acte de vente du notaire et vous auriez ainsi disposé d'un délai de deux mois pour prendre votre décision.
A défaut d'avoir été informé de la vente, vous avez le choix entre rester preneur par bail à ferme puisque votre bail (enregistré) est opposable à l'acquéreur, négocier à l'amiable le rachat de la parcelle ou engager une action afin de faire annuler la vente par voie judiciaire.
Dans cette dernière hypothèse, l'article L 412-12, alinéa 3, du code rural prévoit les conditions de mise en œuvre d'une telle procédure. En effet, il est prévu que « le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages et intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente est connue, à peine de forclusion... ».
Cet alinéa nous apprend plusieurs choses.
La première, c'est que l'action doit obligatoirement être engagée dans un délai de six mois. Cependant, le point de départ de ce délai n'est pas la date de la vente mais la date à laquelle le preneur a eu connaissance de la vente. Ainsi, bien que la vente ait eu lieu, il y a de cela plusieurs années, vous pouvez toujours être fondé à agir en justice si vous venez tout juste d'en avoir connaissance.
La seconde, c'est que ce délai est un délai de forclusion et non de prescription. Ainsi, à compter de la connaissance de l'acte, le délai court mais ne s'interrompt pas. Dès lors, il est essentiel que la saisine du tribunal paritaire intervienne durant ces six mois. Faites attention à des démarches de conciliation des autres parties au litige qui n'auraient que pour seule raison celle de vous faire patienter pendant plus de six mois.
La troisième est liée au fait qu'en plus de faire annuler la vente, vous pouvez solliciter des dommages et intérêts auprès du vendeur défaillant mais aussi éventuellement auprès de l'acquéreur qui aurait agi en parfaite connaissance de cause, au risque d'engager sa responsabilité délictuelle.
Enfin, le tribunal compétent est le tribunal paritaire des baux ruraux.
Il convient d'ajouter à ces remarques un principe rappelé par la jurisprudence : puisqu'une vente est soumise à publication au fichier immobilier, la demande en nullité du fermier doit être formée devant le tribunal paritaire des baux ruraux par un acte d'huissier en justice avec une publication de la demande auprès du bureau des hypothèques.
Seul petit bémol, vous n'avez pas la faculté, dans ce cas de sanction, de vous substituer à l'acquéreur. Ainsi, si vous obtenez l'annulation de la vente, rien n'obligera à ce moment-là le bailleur de vous notifier le projet d'acte de vente : retour à la case départ. 

Le service juridique rural
de la FDSEA 26
Nathalie Kotomski