FCO : les éleveurs au pied du mur
Dans le contexte actuel de propagation du sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine parmi les élevages de ruminants, le GDS de la Drôme a organisé deux réunions d’informations, à Vaunaveys-la-Rochette puis à Jaillans. Les interrogations des éleveurs ont été nombreuses, tant sur la maladie que sur la gestion de la crise.

Alors que le sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine (FCO-8) poursuit sa propagation dans les élevages drômois, l'angoisse est immense chez les éleveurs confrontés à des mortalités d'animaux. L'angoisse mais aussi la colère face à une épizootie qui semble hors de contrôle. Deux sentiments largement exprimés lors de la première réunion d'information du Groupement de défense sanitaire de la Drôme (GDS 26), le 26 août à Vaunaveys-la-Rochette, organisée en association avec la chambre d'agriculture et la direction départementale de la population (DDPP). On notait également la présence de la direction départementale des territoires (DDT). Une seconde réunion s'est tenue le 28 août à Jaillans. Cette épizootie de FCO-8 « est une difficulté majeure et le prélude, sans doute, à d'autres complexités, a prévenu le président du GDS 26, Philippe Crosset-Perrotin en évoquant l'arrivée probable d'autres maladies telles que la MHE et la FCO-3. L'objectif est de tout mettre en œuvre pour limiter les pertes. »
Une épizootie qui rappelle celle de 2007-2008
L'angoisse mais aussi la colère face à une épizootie qui semble hors de contrôle, deux sentiments largement exprimés lors de la réunion d'information du GDS, le 26 août à Vaunaveys-la-Rochette. ©CL-AD26
L'épizootie actuelle de FCO-8 rappelle que la France avait connu, entre juillet 2007 et avril 2008, une vague similaire. Le virus apparu pour la première fois le 17 août 2006 aux Pays-Bas, s'était ensuite propagé en Allemagne, Belgique, France et Luxembourg. 32 000 foyers avaient été déclarés en France en 2008 (85 départements réglementés). On parlait alors de « diffusion explosive » et de « plus grande crise sanitaire que la France ait jamais connue depuis la crise de fièvre aphteuse ». Une vaccination obligatoire avait permis d'endiguer la maladie.
Qu'en est-il en 2024 ? Comme l'a indiqué Martin Brusselle, vétérinaire conseil du GDS 26, la nouvelle souche de FCO-8, apparue dans le Cantal fin août 2023, est très virulente. Elle s'est propagée vers le Sud-Ouest du pays avant d'être signalée en Isère en juillet 2024 puis en Drôme avec un premier cas confirmé le 13 août dernier.
Depuis, la FCO-8 progresse à grande vitesse, propagée d'un animal infecté à un autre par les piqûres d'un moucheron du genre Culicoïdes, plus petit qu'un moustique et actif tant que les températures ne descendent pas en-dessous de 15°C. Au 24 août, la maladie était confirmée dans une vingtaine de cheptels drômois, ovins et bovins, du Royans-Vercors au Crestois et jusqu'au Grand-Serre ainsi qu'au nord des Baronnies.
Des symptômes à surveiller
À la tribune de la réunion de Vaunaveys-la-Rochette : Christophe Hugnet (vétérinaire à La Bégude-de-Mazenc et représentant des vétérinaires indépendants de France), Fabrice Lainé (vétérinaire à Nyons), Martin Brusselle (vétérinaire conseil du GDS 26), Philippe Crosset-Perrotin (président du GDS 26), Jean-François Gravier (directeur de la DDPP 26) ainsi que des représentantes de la DDT et de la DDPP de la Drôme ont répondu aux questions des éleveurs. ©CL-AD26
Ainsi que l'a expliqué Martin Brusselle, la nouvelle souche de la maladie touche prioritairement les ovins et les bovins et dans une moindre mesure les caprins qui restent cependant porteurs du virus mais semblent être moins impactés pour l'instant. Les symptômes débutent par une grosse fièvre accompagnée chez les ovins d'un gonflement de la face (œdèmes), phénomène plus rare chez les bovins. Un autre symptôme est l'hypersalivation avec des animaux qui bavent du fait de la présence d'ulcères dans la gueule. Chez les moutons particulièrement, la langue fait une cyanose et tourne au violet voire au bleu, d'où le surnom de la “maladie de la langue bleue”. Chez les bovins, on note la présence d'ulcérations au niveau des nasaux provoquant parfois des croutes et des écoulements de pus. On peut aussi observer des œdèmes voire des ulcérations au niveau des pattes provoquant chez les moutons une démarche raide et chez les bovins des boiteries franches. Aux effets immédiats de la maladie, s'ajoutent ultérieurement des problèmes d'avortement. Chez les ovins, la FCO peut aboutir à la naissance de jeunes ayant des malformations au cerveau, lesquels ne survivront pas longtemps après la mise bas.
Des questions, des critiques
À Vaunaveys-la-Rochette, des éleveurs ont pointé du doigt une gestion trop lente de la crise sanitaire. Ce dont s'est défendu le président du GDS, en rappelant avoir régulièrement incité à vacciner les animaux depuis plus d'un an. « Nous avons lancé l'alerte 48 heures après la confirmation du premier cas en Isère », a de son côté indiqué le directeur de la DDPP 26, Jean-François Gravier, tout en rappelant que la FCO est une maladie à déclaration obligatoire. Le GDS a également rappelé que peu d'éleveurs avaient répondu à son enquête de l'hiver dernier sur les besoins en vaccin contre la FCO-8. L'épidémie en plein mois d'août fait aussi apparaître des difficultés liées aux congés d'été : manque de vétérinaires, laboratoires d'analyse en sous-effectif… Maintenant que l'épizootie est là, « on est beaucoup à vouloir vacciner à l'arrache, a reconnu un éleveur. Tous les services sont débordés. Il faut réformer le processus en place car il ne fonctionne pas. »
Dans l'immédiat, le message délivré par les vétérinaires est clair : « Il faut vacciner sans attendre car cela aide les animaux à acquérir de l'immunité et limite la circulation du virus ». Encore faut-il que les doses de vaccins soient disponibles. À noter, aucune prise en charge du vaccin contre la FCO-8 n'est prévue à ce jour. Cependant, la confirmation des suspicions de FCO est prise en charge par l’État : déplacement du vétérinaire et prélèvement sanguin, analyses du laboratoire (dans la limite de trois prélèvements par élevage). D'autres moyens de lutte sont préconisés (voir encadré « recommandations »).
Bien d'autres interrogations subsistent, en particulier sur la prise en charge des pertes économiques, le bon fonctionnement de l'équarrissage ou encore les conséquences de la mortalité des bêtes sur les aides Pac. Le président de la chambre d'agriculture, Jean-Pierre Royannez, a indiqué avoir saisi le préfet (voir encadré). Selon la représentante de la DDT, une dérogation au ratio de l'aide ovine sera appliquée pour cas de force majeure. Mais pour l'ICHN, la question reste entière lorsque les effectifs d'animaux ne sont plus suffisants.
Si l'épizootie cessera avec la baisse des températures vers la fin octobre et début novembre, la crise sanitaire, elle, devrait hélas perdurer de longs mois et fragiliser de nombreuses exploitations.
Christophe Ledoux
Épizootie de FCO « Être à l'écoute des éleveurs »

Dans un courrier adressé le 23 août au préfet de la Drôme, le président de la chambre d'agriculture de la Drôme, Jean-Pierre Royannez, attire l'attention des services de l'État sur plusieurs conséquences liées à la propagation de la FCO-8 dans les élevages drômois : la disponibilité des vaccins « au plus vite et en quantité suffisante » ; la mobilisation sans faille des services d'équarrissage « afin d'éviter aux éleveurs l'effet psychologique désastreux du maintien de cadavres sur les exploitations » ; les conséquences des mortalités d'animaux sur l'éligibilité à certaines aides de la Pac car « les éleveurs auront du mal à maintenir leur engagement de taille de cheptel et de chargement (aides directes ovines et bovines, ICHN) ». Autre point, l'importance des soutiens économiques pour les exploitations fragilisées.
« Il va y avoir des conséquences dramatiques sur les élevages et il est de notre devoir d'être à l'écoute des éleveurs afin de regarder toutes les situations et d'aider à passer les difficultés », insiste Jean-Pierre Royannez. Le président de la chambre d'agriculture de la Drôme redoute des « problèmes économiques énormes » du fait de mortalités potentiellement massives d'animaux ou de leur affaiblissement physique. « Des brebis vides du fait de la stérilité des béliers, des pertes d'agnelles, des vaches et des chèvres qui vont avorter... Il faudra sans doute plus d'une année pour que les élevages les plus touchés puissent se remettre de cette épizootie, prévient-il. On peut donc craindre d'importantes baisses de production. » Pour faire face aux difficultés, les besoins seront évalués au fur et à mesure de l'avancée de la maladie. « Bien entendu, nous nous efforcerons de trouver des solutions pour tous les éleveurs touchés. Mais je souhaite que nos équipes portent une attention accrue à la situation des jeunes éleveurs », souligne Jean-Pierre Royannez.
Ch. Ledoux
Lutte contre la FCO : des recommandations
Dans un communiqué commun du 26 août, les groupements de défense sanitaires (GDS France), la Fédération nationale ovine (FNO), la Coopération agricole et Races de France ont livré leurs recommandations aux éleveurs pour lutter contre la fièvre catarrhale ovine de sérotype 3, 4 et 8. « Très virulent » et très « rapide », le sérotype 8 peut être soigné avec trois vaccins ayant prouvé leur efficacité et dont « deux sont combinés à la protection vis-à-vis du sérotype 4 », qui pour l’heure reste cantonné en Corse. La vaccination contre le sérotype est gratuite dans la zone réglementée : Hauts-de-France, Ile-de-France, Grand-Est, Centre, Bourgogne-Franche-Comté, Normandie. Pour les autres départements, dont la Drôme, l’achat des doses s’effectue auprès de son vétérinaire référent. Les quatre organisations recommandent fortement de surveiller les animaux matin et soir ; de soigner les signes cliniques dès leur apparition : fièvre, plaies, aphtes, défaut d’hydratation… ; de limiter la densité des culicoïdes (moucherons piqueurs) et enfin de limiter et sécuriser les mouvements d’animaux.
De son côté, Martin Brusselle, vétérinaire conseil du GDS 26, insiste : « Il faut contacter son vétérinaire rapidement en cas d’apparition de symptômes, même sur un seul animal ». Il conseille aussi de confiner les malades en bâtiment fermé pour éviter une propagation par les moucherons. Si possible, rentrer les animaux en bâtiment fermé pendant la nuit (activité nocturne du moucheron, pic au crépuscule et à l’aube), traiter avec des insecticides répulsifs type Butox/Deltanil afin de réduire le risque de piqûre. Autre conseil : gérer les zones de ponte près de l'élevage (zone humide riche en matière organique) en curant la litière, en stockant le fumier loin du bâtiment… Enfin, Martin Brusselle incite à contrôler la qualité de l’aliment, l’apport vitamines/minéraux, le parasitisme car « un troupeau en bonne santé subira moins l’impact de la maladie ».
Pour en savoir plus : www.gdsfrance.org/fievre-catarrhale-ovine-serotype3/ et www.gdsfrance.org/fievre-catarrhale-ovine-s8/?highlight=fco
Vaccins FCO et MHE : un appel à l’État
Dans un communiqué du 23 août, les JA, la FNSEA et ses associations spécialisées d’éleveurs de ruminants* appellent une nouvelle fois l’État à « commander en masse et [à] prendre en charge des doses de vaccin » pour la maladie hémorragique épizootique (MHE), ainsi que pour les deux sérotypes de la fièvre catarrhale ovine (FCO-3 et FCO-8). « Seul l’État peut aujourd’hui déclencher auprès des laboratoires la production de ces vaccins en large quantité et avec un délai minimal de livraison », justifient les syndicats. Les seuls vaccins pris en charge actuellement sont ceux contre la FCO-3, sérotype émergent en France depuis début août, et seulement dans la « zone de vaccination volontaire » (six régions). Comme l’a expliqué le cabinet du ministre de l’Agriculture à la presse le 23 août, cette stratégie vise à « freiner autant que faire se peut la progression de cette maladie et à protéger au maximum nos éleveurs ». Et de rappeler que la France est « le premier et le seul pays [européen] à prendre en charge la vaccination à 100 % » contre la FCO-3. Une stratégie qui n’a pas été retenue pour la FCO-8, arrivée en France en 2007 et désormais endémique, ou pour la MHE, arrivée en septembre 2023, a expliqué en substance l’entourage du ministre de l'Agriculture.
* FNB (bovins viande), Fnec (chèvres), FNO (ovins) et FNPL (producteurs de lait).