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Assurance multirisque climatique des récoltes

En cas de coup dur, garantir la viabilité de l’expl­oitation

Aucun agriculteur n’est à l’abri d’un sinistre climatique, il est même plus fréquent qu’un incendie. Et quand le ciel nous tombe sur la tête avec un orage de grêle, une tempête de vent, une pluie torrentielle ou une forte gelée, c’est toujours un coup dur. Les conséquences peuvent être dramatiques et mettre en péril le fonctionnement de l’activité agricole. S’il est impossible de lutter contre les caprices de la nature, l’assurance multirisque climatique est un moyen de garantir la viabilité de l’outil de travail après de gros dégâts. Explications.
En cas de coup dur, garantir  la viabilité de l’expl­oitation

Une journée nationale « Assurances et aléas climatiques », a été organisée à Paris, par le Conseil de l'agriculture française, pour redonner une impulsion à l'assurance multirisques récolte et développer des outils pédagogiques pour en expliquer le fonctionnement. Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA et président du fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux (FMSE), était présent.

 

Quels enseignements retenez-vous de la journée nationale « Assurances et aléas climatiques » ?
Joël Limouzin : « Cette journée a été très instructive et nous a permis de développer un certain nombre de supports pédagogiques, comme des vidéos, qui donnent des explications techniques sur les assurances multirisques climatiques. Ces outils, disponibles à tous sur internet vont permettre d'expliquer sur le terrain le fonctionnement des contrats d'assurance mais aussi de chasser l'idée, trop répandue, que les assurances coûtent trop cher. Quand on assure un bâtiment contre le risque d'incendie, on espère ne jamais y être confronté mais on s'assure en cas de coup dur pour ne pas perdre son outil de production. Pour le volet climatique, c'est la même chose : on paye entre 10 et 25 euros l'hectare, selon son contrat, afin de s'assurer en cas de sinistres climatiques. Ces derniers sont bien plus fréquents que les incendies et peuvent mettre en péril le fonctionnement d'une exploitation. L'objectif de cette journée était donc bien de responsabiliser tous les acteurs des filières. Nous avons également débattu de la possibilité de rendre l'assurance obligatoire. La FNSEA ne défend pas ce point de vue. Mais, si demain, pour avoir accès à un prêt, ou pour contractualiser avec une coopérative ou une entreprise privée, l'assurance est obligatoire, peut-être que plus d'agriculteurs s'assureront. Il faut que chacun se prenne en main. Il est aussi essentiel de rendre le dispositif plus compétitif et d'avoir des conseillers qui soient capables de fournir une vraie expertise pour chaque exploitation et ainsi de pouvoir adapter l'offre de manière plus fine. »

Joël Limouzin, président du fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux (FMSE).©hauteloirepaysanne

Comment inciter les agriculteurs à souscrire un contrat d'assurance multirisque climatique ?
J. L : « Aujourd'hui, 25 à 35 % de la SAU en grandes cultures et en viticulture sont assurés mais on plafonne. L'idée est donc de redonner une impulsion à l'assurance et de passer au niveau supérieur. Pour pousser les agriculteurs à s'assurer, il est intéressant de s'appuyer sur des sinistres passés, comme les inondations de 2016. Elles ont été calamiteuses pour les agriculteurs touchés qui n'étaient pas assurés. Les sinistres climatiques sont de plus en plus violents, de plus en plus fréquents et ils entraînent des pertes importantes. Ils peuvent mettre les exploitations agricoles en grand danger financier. Quel que soit le système de production, l'assurance est un moyen fiable d'assurer la viabilité des exploitations. L'assurance multirisque climatique existe depuis 2005. Mais il y a deux ans l'État a remis en cause son engagement en faisant passer les taux de subventions de 65 % à 49 %. Cette action a envoyé un mauvais signal aux exploitants agricoles. Il était donc nécessaire de les inciter à s'assurer en faisant évoluer l'assurance multirisque climatique avec la mise en place du contrat socle. Il est composé d'un niveau palier (le socle) et de deux autres niveaux, apportant des garanties complémentaires. Ce contrat permet de répondre à la situation de chaque agriculteur, de celui qui veut s'assurer en ne payant pas trop cher à celui qui est convaincu par l'assurance et qui veut des extensions de garanties. Le contrat socle au niveau de base est, de plus, subventionné à 65 % par les pouvoirs publics par le biais des crédits FeaDer. Il existe une vraie panoplie de garanties qui peuvent s'adapter aux territoires, aux systèmes de production... Il existe ainsi des contrats socles filière par filière. En cette veille de fin d'année, nous sommes au moment de la négociation des contrats d'assurance pour l'année prochaine. J'appelle donc tous les agriculteurs à prendre contact avec des sociétés d'assurances. Toutes les régions sont concernées, on n'est jamais à l'abri d'un sinistre climatique. »

 

Quels sont les principaux freins à la souscription d'un contrat d'assurance multirisque climatique ?
J. L. : « Une des critiques fortes des agriculteurs à l'encontre des assurances est le seuil de déclenchement, qui est actuellement trop élevé. Les avancées obtenues sur le règlement Omnibus, pour la simplification de la Pac à la prochaine réforme, permettront de faire passer le seuil de déclenchement des indemnisations de 30 à 20 % de pertes. Cette demande était portée par la FNSEA afin de rendre les assurances plus attractives. Nous n'avons pas encore de confirmation mais la Commission européenne semble aussi favorable à l'idée de faire passer le taux de subvention pour le contrat socle de 65 à 70 %, permettant ainsi de baisser le prix payé par les agriculteurs. Pour le moment, les agriculteurs payent la totalité de leurs cotisations et sont remboursés un an ou un an et demi après, entraînant parfois des problèmes de trésorerie. Il faut évoluer sur ce sujet en passant, par exemple, par des systèmes d'avances. Ces avances de frais sont un frein énorme à la souscription d'un contrat d'assurance. Pour rendre l'assurance plus attractive, nous souhaiterions aussi faire évoluer le système de référencement du rendement (servant de base à l'indemnisation) qui est basé sur la moyenne olympique (moyenne de rendement quinquennale, moins la moins bonne et la meilleure année). Ce calcul est parfois considéré comme injuste par les agriculteurs. » 

 

ASSURANCES / Si de plus en plus d’agriculteurs décident d’assurer leur production, ils se posent un certain nombre de questions avant de franchir le pas. Voici quelques éléments pour y voir plus clair.

Vos questions, nos réponses


Comment le rendement assuré est-il calculé ?
D’après la réglementation européenne, le rendement assuré des contrats subventionnables correspond à la moyenne triennale de la production annuelle de l’agriculteur au cours des trois dernières années, ou à la moyenne olympique de la production annuelle de l’agriculteur (moyenne des cinq dernières années, dont on a enlevé l’année la plus faible et l’année la plus élevée). Si les données ne sont pas disponibles pour au moins trois années, le rendement assuré est une moyenne triennale à partir des données disponibles (années d’existence de l’exploitation ou de la production) complétées par des références statistiques objectivables et extrapolables au cas concerné.

Peut-on assurer les pertes de qualité ?
Ces pertes sont assurables dans un niveau complémentaire de garantie, avec un taux de subvention intermédiaire de maximum 45 %. Dans le cas particulier des prairies, seules les pertes de production du fourrage sont assurées, à l’exception des pertes qui se traduisent par un brunissement ou un jaunissement, détectables par l’indice, et qui sont couvertes par le contrat d’assurance.  
Quel est le prix assuré ?
Le prix assuré est prévu dans le contrat, fixé dans la limite du prix de vente réel. Ce prix de vente réel peut être défini par le prix de la campagne précédente, celui de la moyenne des deux campagnes précédentes, celui de la moyenne olympique ou celui mentionné au contrat individuel de commercialisation de la production s’il existe. Le contrat socle fixe par ailleurs un niveau maximal de prix assuré.

Quelle différence entre seuil et franchise ?
Le seuil de déclenchement correspond au niveau de perte de production pris en compte pour le déclenchement des indemnisations. La réglementation européenne le fixe à au moins 30 % pour qu’un contrat puisse bénéficier d’une subvention. La franchise correspond à la part de dommage restant à la charge de l’assuré et vient en déduction de l’indemnité d’assurance. Des extensions de garanties sont possibles pour réduire le seuil de déclenchement et la franchise ; mais la partie de la prime d’assurance correspondant à l’extension de garantie n’est pas subventionnable.

Précision sur le dispositif des calamités agricoles
Les risques considérés comme assurables ne sont pas pris en charge par le dispositif de calamités agricoles, notamment les pertes de récolte liées au climat en ce qui concerne les céréales, les protéagineux, plantes industrielles, et vignes, tout comme les pertes de récolte liées à la grêle et au vent sur toutes les cultures végétales. Pour les autres risques et cultures, l’agriculteur qui fait le choix de s’assurer ne pourra pas être éligible au dispositif des calamités agricoles, mais il sera indemnisé de façon plus avantageuse.

Le cas particulier des prairies
Pour protéger la récolte de fourrage, essentielle en élevage, l’assurance récolte a été adaptée aux prairies. Les contrats s’appuient sur un indice calculé à partir de données satellites, l’Indice de production fourragère (IPF) qui détermine la production de biomasse tout au long de la campagne. L’IPF de la campagne assurée est comparé à l’IPF historique de l’exploitation, de sorte à assurer la perte de production de fourrage liée à un ou plusieurs évènements climatiques. Actuellement, les excès d’eau, les inondations ou les conséquences d’une impossibilité de récolter ou de pâturer ne sont pas mesurés par l’indice. Il n’existe, dans ces contrats, qu’un seul niveau de garantie, subventionnable à 65 %, avec un seuil de déclenchement de 30 % et une franchise de 25 %. 

Consultez le coût indicatif de l’assurance récolte