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Pulvérisation

Drones de pulvérisation : les limites de la réglementation

En France, l’utilisation du drone est strictement réglementée. Quelles sont les limites de la réglementation ? Comment se porte le marché ? Éléments de réponse.
Drones de pulvérisation :  les limites de la réglementation

Ce petit hélicoptère à la forme d'insecte futuriste attire de plus en plus les professionnels. Les agriculteurs aussi ont bien compris l'utilité de cette machine très discrète pour développer leur activité. Seulement, le drone est soumis à une réglementation très stricte. Considéré comme un aéronef, il doit respecter des règles de base inscrites dans le Code des transports. La principale : ne pas descendre à moins de 50 mètres d'une agglomération.

Interdiction formelle

« Le drone peut être utilisé uniquement dans l'épandage d'engrais. La pulvérisation aérienne des produits phytosanitaires est interdite par l'article L 253-8 du Code rural », explique Christophe Marie, chef de l'unité phytopharmaceutique au service alimentation de la Draaf. Ces pesticides peuvent donc s'appliquer que par voie terrestre à condition de respecter l'AMM, l'autorisation de mise sur le marché. Les produits autorisés sont répertoriés dans une base de données élaborée par l'Anses(1). Problèmes : parmi la multitude d'engrais existants, la composition de certains peut être proche de celle des produits phytosanitaires comme le cuivre. Un flou qui peut mettre les agriculteurs dans une position délicate. Certains pensant utiliser un engrais autorisé pourraient donc se retrouver à épandre un produit nocif. D'autres pourraient profiter de ce flou pour augmenter leur rendement.

Pression sociétale

« Aucune étude à l'échelle européenne n'a été menée sur les traitements aériens », précise Jean-Claude Douzals, chercheur à Irstea. Les instituts de recherche commencent à peine à se pencher sur la question. Quelles conséquences ces pratiques pourraient-elles avoir sur la santé des Français ? Difficile de le prédire. « Ce qui est remis en cause, c'est la proximité avec les habitations. Nous ne savons pas vraiment si les dérives causées par un drone ou un hélicoptère sont plus importantes que celles causées par un tracteur ». « On estime qu'un drone pourrait voler deux à trois mètres au-dessus de la culture et disperser une quantité très importante de produit. Ce serait d'une violence extrême, au-delà des limites acceptables pour la santé », reprend Christophe Marie. Les autorités effectuent des contrôles sur le respect des règles de base de la circulation aérienne des drones mais il n'existe pas vraiment de contrôles stricts sur « cette technique abusive ». « Certains professionnels contournent la loi mais nous ne pouvons pas être derrière chaque parcelle pour le vérifier », regrette-t-il.

Un marché menacé

Conquis par la vitesse d'exécution des drones - cinq fois plus rapide qu'un tracteur, les agriculteurs français trouvent cette technique intéressante mais un nombre dérisoire d'entre eux passe à l'acte, selon Damien Blairon. « Cinq devis dans l'année. Vendu : 0 », lâche ce concepteur de drones vauclusien. « Dans l'agriculture de précision, il y a un petit marché mais tout le monde n'en fait pas. Il y a une sorte de nébuleuse, de fantasme sur l'objet », explique-t-il. Il constate un « libéralisme à outrance » qui pourrait ouvrir la porte à une autre dérive : la perte du marché français. Dans les pays asiatiques, aucune réglementation n'existe sur les drones. Des produits chinois sont d'ailleurs vendus sur internet à des prix très compétitifs. Ce qui pourrait inciter dans les années à venir les agriculteurs à se fournir massivement en Asie ou à faire appel à des prestations chinoises délocalisées en France. « Une prestation française coûte 30 000 euros. 10 000 euros pour la Chinoise », précise le concepteur. Alors que l'entreprise française Parott licencie, le Japon, la Corée et les États-Unis viennent aussi concurrencer le marché. La France ne compte pas pour autant assouplir sa législation. Ses peines sont lourdes. Un an d'emprisonnement et jusqu'à 45 000 euros d'amendes pour l'infraction au Code des transports. Deux ans d'emprisonnement et jusqu'à 75 000 euros d'amende pour l'usage d'un produit non homologué. 
Alison Pelotier
(1) Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.