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Détruire des prairies sans labour ni phyto : des machines mais pas que...

Une démonstration de matériels de destruction des prairies, sans labour ni phyto, a été organisée à Saint-Bardoux.

Détruire des prairies sans labour ni phyto : des machines mais pas que...
Les participants ont observé avec attention le passage du déchaumeur. ©ME-AD26

Détruire des prairies sans avoir recours aux produits phytosanitaires ou au labour, une prouesse que peu d’agriculteurs ont pu expérimenter jusqu’à présent. Mathieu Razy, agriculteur en bio dans le Rhône et expert machinisme, fait partie de ceux qui ont trouvé « une partie de la réponse » pour y parvenir. C’est dans ce cadre-là qu’il a été convié par Adice*, la chambre d’agriculture de la Drôme et la fédération drômoise des Cuma pour une démonstration de matériels, le 26 septembre à Saint-Bardoux. « Il y a une vraie recherche de technique simplifiée pour assurer la conservation des sols de manière efficace et tout en restant sur un travail en surface. C’était une demande des adhérents et des membres du bureau », explique Émilie Ollion, chargée de mission agroécologie au sein d'Adice. L’association accompagne et fait réfléchir les agriculteurs sur les pratiques agroécologiques qui visent à assurer une durabilité des systèmes et à s’adapter au changement climatique. 

Du matériel pour travailler en surface 
L’une des caractéristiques communes des machines présentées s’avère être le travail en surface du sol ou superficiel. Le scalpeur Treffler TGA 430, mis à disposition par le concessionnaire Banc, permet de couper la racine pour détruire la plante de manière superficielle grâce à ses dents en ailettes ou pattes d’oie en période séchante. La fraise rotative celli Tiger 190, montrée par Guillaume Robin, agriculteur drômois, possède des rotors équipés de fraises qui arrachent et brisent les mottes. Avec son broyeur frontal, ce matériel détruit un couvert haut en un seul passage. Le déchaumeur Cénius à dent Amazone et le déchaumeur à disques Khun, ont été prêtés par les Cuma de la Basse-Galaure et des Feytas. Le premier permet de casser et enfouir les résidus dans le sol. Il possède un système de nivellement avec disques ou lames et des rouleaux simples pour travailler de 5 à 30 cm. Le second, qui peut aller à une profondeur de 10 cm, découpe à l’horizontale et à la verticale le sol pour l’enfouir et détruire les résidus. Le choix du disque doit être adapté au type de sol.

Ces matériels, aux coûts importants, peuvent être acquis pour entretenir d’importantes surfaces ou via un achat collectif en Cuma. Certains agriculteurs font le choix de l’occasion pour obtenir un prix plus bas. Une quinzaine d’agriculteurs ont assisté à la démonstration malgré une météo plus qu’incertaine. « Le scalpage a un vrai effet de dessèchement avec ses lames qui sont les plus plates possible. On a l’impression d’avoir mis du glyphosate », assure Mathieu Razy. L’occasion pour les participants d’obtenir plus de précisions sur le matériel choisi, notamment sur la vitesse ou la complémentarité et les particularités des machines, ou encore sur la combinaison avec le climat.

Mathieu Razy montre le résultat du travail du sol effectué avec la machine. ©ME-AD26

Améliorer la conservation des sols
Pour mener à bien ces rencontres avec ses adhérents, Adice a pu compter sur le soutien financier de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. L'organisme appuie ce projet dans un objectif de réduction de l’impact des pratiques agricoles, notamment sur la qualité de l’eau. En effet, la technique de conservation des sols permet d’éviter l’érosion des sols, d’économiser des intrants et de limiter les risques de lessivage et les rejets de CO2. Un sujet que connaît bien Mathieu Razy, devenu expert sur la question. Lui et sa compagne Magalie ont repris deux fermes qu’ils ont converties en bio en 2014. L’une des deux ne pouvait supporter le labourage par risque d’érosion. « On a donc décidé de faire à manger aux vaches sans glyphosate et sans charrue », rapporte-t-il. Rotation de prairies temporaires, des cultures d’été fourragères et de céréales ont mis en exergue un autre problème : la destruction des prairies. « On s’est cassé les dents à faire beaucoup de travail du sol avec les déchaumeurs. On a partagé cette problématique avec des collègues de la Cuma. Pas mal de gens cherchaient à réduire l’érosion et d’autres avaient déjà basculé en non-labour mais ils étaient consommateurs de chimie », se rappelle-t-il.

« Au début d'une transition »
Après la labellisation de la Cuma en groupement d'intérêt économique environnemental (GIEE), Mathieu Razy et ses confrères ont travaillé sur plusieurs thématiques : production de fourrage à base de légumineuses, réduction du travail du sol et valorisation des haies en apport de carbone aux champs. Concrètement, pour avoir du blé en automne, l’agriculteur prépare sa parcelle dès fin juin. Il récolte la prairie et utilise le scalpeur pour l’effet dessèchement avant de replanter tout de suite derrière (sorgho ou couvert végétal par exemple). Début octobre, la prairie commence à se dégrader. Grâce au système racinaire, le terrain a été travaillé : il sera plus propice à l’implantation du blé. Pour Mathieu Razy, le recours à ces matériels agricoles est « un début » pour continuer à produire tout en conservant la qualité du sol. « On a remarqué une augmentation du taux de matière organique qui est aussi liée au changement de pratiques, pas juste aux outils », estime-t-il. Après analyse microbiologique de son sol, les pratiques agroécologiques de Mathieu Razy lui ont permis de rééquilibrer le ratio champignons et bactéries. Si cette solution porte ses fruits, le professionnel estime toutefois que « nous ne sommes encore qu’au début de cette transition ».

*Adice : Ardèche Drôme Isère conseil élevage.

Les conseils de l’expert

Mathieu Razy conseille d’être attentif à différents paramètres. Pour les déchaumeurs, « attention au système de réglage et au système de contrôle de pression de terrage (roue de jauge ou rouleaux par exemple). Il faut mettre en place le bon réglage pour ne pas aller trop profond. En plus, la facture de carburant sera allégée ». Autre conseil : « on ne décide pas de détruire une prairie deux jours avant de semer, cela s’inscrit dans un calendrier, notamment de rotations ». Pour des raisons économiques et sociales, le professionnel encourage le collectif pour « se motiver, expérimenter ensemble, être dans les mêmes dynamiques et garder le matériel ».

Morgane Eymin