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Vins de messe

Des vins locaux sur l’autel  ?

Lors de chaque office religieux, le prêtre consacre la coupe de vin et invite à boire le « sang du Christ ». Quelle est la symbolique de cet instant ? Quel vin se trouve dans le calice ? Provient-il d’un vignoble drômois ? On a posé la question à des religieux et des paroissiens.

Des vins locaux sur l’autel  ?

Certains restaurants ou collectivités n'hésitent pas à mettre à l'honneur les produits drômois dans les assiettes. Mais qu'en est-il dans les églises catholiques ? Lors de chaque célébration eucharistique, le prêtre offre le pain et le vin. Ils deviennent dans la foi chrétienne « le corps et le sang du Christ ». Concrètement, il s'agit d'une hostie ainsi que d'un calice rempli de vin, auquel un peu d'eau est ajouté. Un geste symbolique très fort.

Le diocèse de Valence est composé de 22 paroisses. Il est difficile de connaître le volume précis de vin consommé dans les églises sur une année.

Du « vin naturel de raisins et non corrompu »

Le fidèle honore tout d'abord la vie ordinaire (les fruits de la terre, in fine ceux de la Création) ainsi que le travail des hommes. Ce geste fait également écho au dernier repas de Jésus qui, selon la tradition juive, a partagé le pain et le vin. Le croyant y reconnaît et accueille la présence du Christ et sa vie donnée.
Michel Maxime Egger, sociologue et théologien, a écrit plusieurs essais sur la dimension intérieure de l'écologie. L'un d'entre eux est consacré à l'écospiritualité. Selon lui, ce vin devient un véhicule de la présence de Dieu par l'action de l'Esprit saint. « On reçoit le raisin de Dieu et de la terre. On leur dit merci, on le transforme en vin par le travail, on invoque la grâce divine et on le partage. Spirituellement, cela montre aussi que nous ne pouvons pas nous accomplir seuls et que nous avons besoin de la Création. À l'inverse, la nature a besoin de l'être humain pour réaliser son potentiel de transfiguration », explique-t-il.
Voilà pour les symboliques et les représentations associées. Mais d'un côté plus pratique, le code de droit canonique précise quel vin peut être utilisé lors d'un office et à quelles conditions. On retiendra ainsi que ce doit être du « vin naturel de raisins et non corrompu ».

Du muscat à Génissieux, le vin des Baronnies plus au sud

En Drôme, difficile de connaître en tout cas le volume précis de vin consommé dans les églises sur une année. Pour percer ce mystère, l'économat du diocèse ne peut être d'aucun secours. L'achat des bouteilles de vin est en effet du ressort des seules paroisses, voire même des paroissiens. Contactée, la paroisse du Haut-Nyonsais confirme que ces derniers apportent des vins qu'ils consomment chez eux. « Du vin blanc ou rosé », précise-t-on. Impossible d'obtenir une liste de producteurs en particulier. Toutefois, un certain nombre de personnes achèteraient des vins produits localement, à savoir les vins des Baronnies. L'approvisionnement est similaire en la paroisse Saint-Jacques-en-Pays-de-Romans. Mais d'après le curé, Christophe Rivière, le choix se porte ici plutôt sur du muscat. « Car cela se conserve », indique-t-il.
Benoît Pouzin est prêtre à Valence. Pendant plusieurs années, il a exercé son ministère à Livron-sur-Drôme. « Quand les personnes offrent du vin et du bon, je suis toujours preneur. Surtout quand il est produit dans le coin, comme quand j'étais à Livron avec le Brézème. D'une manière générale, c'est du vin blanc, doux, qui se conserve mieux », explique-t-il. Du bon, c'est aussi l'avis du père Eric Lorinet, à Montélimar. « C'est vachement important, il ne faut pas se moquer de ce que l'on fait ». Lequel recommande aussi l'utilisation du blanc. « Le rouge n'est pas pratique en raison des possibles tâches », avance-t-il.

Ni whisky, ni gniole

Ce qui est sûr, et ce dans les vingt-deux paroisses que composent le diocèse, c'est que le vin doit être naturel. Mais quelle définition derrière ce terme ? Pour Michel Maxime Egger, ce vin devrait être produit d'une manière écologique, respectueuse de la terre. « Sans pesticide... mais aussi en payant correctement les gens qui participent à son élaboration », précise-t-il. Éric Lorinet apporte pour sa part d'autres éléments : « Il ne faut pas qu'il y ait d'ajout. On ne peut pas célébrer avec du champagne car il y a un ajout de sirop de sucre. En revanche, on peut le faire avec de la clairette de Die. Pas de whisky, pas de gniole non plus ! », ajoute-t-il encore. Le vin n'est pas forcément bio. « Le vin bio, c'est récent. La messe, cela fait 2 000 ans », note-t-il aussi. Avant de conclure : « Le vin doux naturel sucré, c'est quand même plus sympa le matin ». 

Aurélien Tournier

A la paroisse Saint-Jacques-en-Pays-de-Romans, « le choix se porte ici plutôt sur du muscat », indique le père Christophe Rivière.

 

ÉCONOMIE /  Quand Nicolas commercialise du vin de messe

En 1937, l’entreprise avait un accord spécifique avec l’archidiocèse de Paris. Aujourd’hui, le produit vendu sous la marque « vin de messe » existe toujours en écho au souvenir de cette époque. Selon l’entreprise, les ventes restent toutefois minimes et seraient très probablement davantage le fait de quelques particuliers plus que d’églises. Le vin respecte du mieux possible le cahier des charges posé par le droit canon. Il emploie en ce sens le moins d’additifs possibles ; il n’en est cependant point vierge. Il s’agit en tout cas d’un vin blanc sec et légèrement sucré, provenant de France. 

 

INITIATIVES / Une paroisse qui utilise par exemple un vin local peut prétendre au label « Église verte ».

Un label pour les communautés qui se mettent au vert

C’est dans le sillage de la Cop 21 que les Églises chrétiennes en France (catholique, orthodoxe et protestante) ont décidé de créer le label « Église verte ». Il s’agit concrètement d’accompagner et d’encourager différents types de publics chrétiens (une paroisse, un établissement, une œuvre, un monastère...) à mettre en place des initiatives écologiques. Un éco-diagnostic permet dans un premier temps de se positionner : quelles actions déjà menées, comment réduire l’empreinte carbone, les produits de nettoyage sont-ils éco-responsables, etc. Le choix d’un vin local est aussi l’un des critères d’obtention du label « Église verte ». Cet outil permet ainsi de faire un état des lieux à un moment donné et de définir des axes de progression.
Des démarches dans la Drôme
Dans l’Hexagone, 96 communautés sont déjà engagées dans cette démarche. Quatre d’entre elles sont situées dans la Drôme, à l’instar de la paroisse Notre-Dame-du-Rhône à Montélimar, ainsi que de l’Église protestante unie de Romans. « L’écologie est un sujet de préoccupation dans la société civile. Le croyant est également concerné. Il faut donc donner à cette problématique plus de place dans nos sermons ou à travers des actions dans le temple », note Robin Sautter, pasteur de l’Église protestante unie de France, à Romans-sur-Isère.
L’église locale organise chaque année, à l’automne, un « culte des récoltes ». « C’est un moment où l’on remercie Dieu pour les fruits qu’il nous donne à travers la nature et le travail des hommes », précise-t-il aussi. Avant de poursuivre : « C’est quelque chose d’intéressant même quand on est en ville, nécessaire même. Cela permet de ne pas perdre contact avec la nature et revaloriser la relation avec celle-ci et l’agriculture ». Mais avec le label « Église verte », ce sont de nouvelles réflexions qui ont été menées. La vaisselle jetable a par exemple été bannie ; le temps de la vaisselle est par ailleurs mis à profit. Le tri sélectif a été mis en place, tout comme le compostage ou encore le covoiturage. Lors de repas partagés, la communauté privilégie également des produits locaux et de saison, voire même issus de l’agriculture biologique.
A. T.