« Dès suspicion de FCO, prévenir de suite son vétérinaire »
La fièvre catarrhale ovine sérotype 8 ((FCO-8), maladie virale présente en France depuis 2017, se répand à grande vitesse dans les élevages. Le point sur la situation en Drôme avec Martin Brusselle, vétérinaire conseil au GDS 26.

La FCO gagne du terrain depuis quelques semaines. Qu'en est-il dans la Drôme ?
Martin Brusselle : « Des suspicions de FCO sérotype 8 sont apparues dans le secteur du Royans-Vercors ainsi que dans la Drôme des Collines depuis deux semaines. Le GDS de la Drôme en a été informé le 12 août. Le lendemain, mardi 13 août, l'infection a été confirmée dans quatre élevages d'ovins et un élevage de bovins. Quatre sont situés dans le Royans-Vercors et un dans le Nord-Drôme. D'après les informations du laboratoire, une soixantaine d'élevages sont en cours de confirmation. »
Qu'est-ce qui explique cette propagation soudaine ?
M. B. : « La maladie ne se transmet pas par contact entre animaux mais uniquement d'un animal infecté à un autre par une piqûre d'un moucheron du genre Culicoïdes. Et c'est en ce moment qu'il est le plus actif du fait des conditions météorologiques propices à sa propagation. C'est un moucheron qui agit surtout la nuit, aux heures plus fraîches, et que le vent peut porter jusqu'à plusieurs kilomètres, ce qui explique son passage d'un territoire à l'autre rapidement. »
Quels sont les symptômes de la FCO ?
M. B. : « La nouvelle souche de la maladie touche prioritairement les ovins et les bovins et dans une moindre mesure les caprins, qui restent cependant porteurs du virus. Mais chez les caprins, en général, la maladie est moins impactante. Elle débute avec une grosse fièvre accompagnée chez les ovins d'un gonflement de la face (œdèmes), phénomène plus rare chez les bovins. Un autre symptôme est l'hypersalivation avec des animaux qui bavent du fait de la présence d'ulcères dans la gueule. Chez les moutons particulièrement, la langue fait une cyanose et tourne au violet voire au bleu, d'où le surnom de la “maladie de la langue bleue”. Chez les bovins, on note la présence d'ulcérations au niveau des nasaux provoquant parfois des croutes et des écoulements de pus. On peut aussi observer des œdèmes voire des ulcérations au niveau des pattes provoquant chez les moutons une démarche raide et chez les bovins des boiteries franches. J'ajoute que la maladie peut entraîner ultérieurement des problèmes d'avortement. Chez les ovins, la FCO peut aboutir à la naissance de jeunes ayant des malformations au cerveau, lesquels ne survivront pas longtemps après la mise bas. »
Comment doivent réagir les éleveurs ?
M. B. : « Les éleveurs doivent bien surveiller leurs animaux et à la moindre suspicion clinique alerter leur vétérinaire. La FCO est une maladie à déclaration obligatoire. La confirmation des suspicions de FCO est prise en charge par l’État : déplacement du vétérinaire et prélèvement sanguin, analyses du laboratoire (dans la limite de trois prélèvements par élevage). Il faut que le vétérinaire remplisse la fiche commémorative que lui a transmis la DDPP.
Par ailleurs, si les symptômes sont apparents et même avant la confirmation du laboratoire, mieux vaut traiter de suite les animaux malades. En l'absence d'antiviraux, le traitement consiste principalement à administrer des anti-inflammatoires pour calmer la douleur et la fièvre notamment. En cas d'ulcérations, le vétérinaire peut aussi prescrire des antibiotiques pour limiter les surinfections, des diurétiques pour essayer de drainer les œdèmes… Cela se fait au cas par cas.
Plus les traitements seront faits tôt, plus les dégâts seront limités. Car la situation peut très vite devenir problématique lorsqu'un animal n'arrive plus à s'abreuver. »
Peut-on craindre que l'ensemble des élevages de la Drôme soit atteint dans les prochaines semaines ?
M. B. : « En termes d'épidémiologie, tous les élevages risquent d'être exposés à la maladie à un moment ou à un autre. Heureusement, tous ne seront pas malades et ceux qui auront des animaux atteints n'auront pas tous des catastrophes sanitaires majeures. Les éleveurs qui ont vacciné contre le sérotype 8 auront toutes les chances d'avoir moins d'impacts que ceux qui n'ont pas vacciné. »
Est-ce que ça vaut encore le coup de vacciner ?
M. B. : « Pour les élevages n'ayant pas de symptômes et éloignés d'autres élevages eux-mêmes sans symptômes, la vaccination est possible au cas par cas, c’est une discussion que l’éleveur doit avoir avec son vétérinaire*. Néanmoins, il faut que les éleveurs comprennent que l’immunité vaccinale ne s’obtient qu’au bout d’un certain temps, environ cinq à six semaines dans le cas de la FCO. Si le virus infecte un animal de l’élevage avant cette date, la vaccination présente quand même un intérêt car une partie des animaux pourra acquérir une immunité suffisante pour les protéger le temps que le virus se propage à l’ensemble de l’élevage. Cela peut donc permettre de diminuer le nombre d’animaux malades dans le cheptel. »
Peut-on imaginer que les deux sérotypes de la FCO, le 8 et le 3, se rejoignent ?
M. B. : « Tout à fait, la question étant de savoir quand le sérotype 3 va arriver chez nous. Malheureusement, dans cette famille de virus, le vaccin contre le sérotype 8* ne protège pas contre le sérotype 3. Il faudra donc bien surveiller ses animaux, les symptômes étant identiques. Le vaccin contre le sérotype 3 a été développé il y a peu de temps. Et celui contre le sérotype 8, développé l'an dernier, fonctionne encore bien sur la nouvelle souche. »
Qu'en est-il de la maladie hémorragique épizootique (MHE) ?
M. B. : « À ce jour, aucun cas n'a été signalé dans la Drôme. La maladie reste pour l'instant déclarée dans le sud-ouest et l’ouest de la France, principalement dans les Pyrénées. De nouveaux foyers de MHE apparaissent mais sans changer le zonage depuis décembre dernier. Toutefois, vu la propagation actuelle des deux virus de la FCO, et sachant que la MHE est un virus de la même famille que la FCO, propagé par le même moucheron, il faut rester prudent. À noter, la MHE touche essentiellement les bovins, lesquels sont aussi atteints par le sérotype 8 de la FCO. Et le vaccin contre le sérotype 8 de la FCO ne protège pas contre la MHE**. »
Propos recueillis par Christophe Ledoux
* non pris en charge par l’État.
* Le vaccin Hépizovac contre la maladie hémorragique épizootique (MHE) a reçu une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) le 6 août, afin de pouvoir envisager une vaccination des bovins à l’automne.
Qu’est-ce que la fièvre catarrhale ovine ?
La fièvre catarrhale ovine (FCO), également appelée maladie de la langue bleue ou en anglais « blue tongue » (BT), est une maladie virale touchant majoritairement les moutons et qui peut également affecter les bovins, les chèvres et d'autres ruminants sauvages. Le virus responsable de la FCO est un orbivirus de la famille des Sedoreoviridae. Il existe 36 types différents de ce virus, appelés sérotypes. Le pouvoir pathogène du virus varie considérablement d’une souche à l’autre. La maladie est une arbovirose : les sérotypes 1 à 24 du virus sont transmis d'un animal infecté à un autre par une piqûre d'un moucheron du genre culicoïdes.
Source : Anses
FCO-3 : la propagation s’accélère
Le nombre de nouveaux cas de fièvre catarrhale ovine de sérotype 3 (FCO-3) a fortement augmenté ces derniers jours aux Pays-Bas, selon le dernier bilan publié le 15 août par le ministère de l’Agriculture. Depuis le début de l’année, 3 807 cas ont été confirmés en Hollande (dont 1 054 sur signes cliniques et 2 753 par PCR).
En France, le dernier bilan fait part de 41 foyers déclarés de FCO-3. Six départements sont maintenant touchés: l'Aisne, les Ardennes, la Marne, la Moselle, le Nord (où le premier cas a été découvert début août) et l'Oise. La campagne de vaccination volontaire a démarré le 12 août dans six régions du nord-est de la France.