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Elevage caprin

Des locaux performants pour un fromage fermier de qualité

L’ambiance des locaux, en particulier d’affinage, est un élément primordial dans le processus d’élaboration des fromages de chèvres fermiers de type lactique
Des locaux performants pour un fromage fermier de qualité

Durant la phase d'affinage, le fromage fermier lactique perd en masse et sa croûte se forme grâce à l'implantation de flores de surface. Il apparaît nécessaire de maîtriser l'environnement de travail. « L'affinage [ressuyage, séchage et affinage au hâloir, NDLR] a été assez peu étudié pour ce genre de technologie à la ferme. Pourtant, il conditionne le goût, la texture et l'aspect », explique Sabrina Raynaud, ingénieur à l'Institut de l'élevage.
Le programme Lactaff (1), commencé fin 2012 et qui s'achève cette année, a justement permis d'évaluer l'incidence des conditions d'ambiance sur la production fromagère, afin d'améliorer la qualité des produits et proposer des solutions aux éleveurs qui valorisent ainsi leur lait de chèvre.
Isoler les sols
et les huisseries
Tout au long de sa fabrication, « le fromage respire », rappelle Sylvie Morge, technicienne fromagère au Pep caprin. La température, l'hygrométrie, le renouvellement de l'air, mais aussi sa teneur en gaz et sa vitesse influent sur le résultat final. « L'isolation des locaux est une nécessité afin d'éviter les flux de chaleur » et assainir les bâtiments, rappelle la technicienne. Les échanges entre l'intérieur et l'extérieur sont notamment de 25 à 30 % par la toiture, de 10 à 15 % par les vitrages et les châssis et de 15 à 20 % par les murs. La ventilation permet d'évacuer de 15 à 20 % de l'air circulant dans la fromagerie. « Le sol est assez rarement isolé », souligne Sylvie Morge, alors qu'il occasionne 15 à 20 % des flux. Et de préciser : « L'épaisseur de l'isolant en fonction de la conductivité thermique et de l'écart de température souhaité entre l'intérieur et l'extérieur importe surtout de l'air circulant dans la fromagerie ». La taille des locaux doit être adaptée. Les expérimentations menées dans le cadre du Lactaff ont permis de proposer un exemple de calcul des superficies nécessaires pour un producteur transformant 120 l de lait/jour, soit 240 fromages. La taille préconisée pour le séchoir est de 3 m2 (dont 1 m2 pour circuler) ; 7 m2 pour le hâloir. Pour celui-ci, plusieurs équipements de climatisation existent. Les évaporateurs statiques fonctionnent par convection naturelle (sans ventilation) et permettent de conserver une hygrométrie (HR) élevée. Les évaporateurs dynamiques, à circulation d'air forcée, améliorent les performances de froid et le brassage de l'air (déplacement des spores). Les produits dessèchent davantage et l'HR est moindre. Une climatisation efficace passe par des équipements performants. Le recours à un frigoriste professionnel permet d'évaluer au plus près ses besoins.

Des conditions adaptées à chaque étape de transformation

Mais ceux-ci varient, selon les espaces et les étapes de transformation. Au moment du ressuyage, les levures et le géotrichum demandent de l'oxygène pour se développer. La température doit être plutôt chaude, de 18 à 24 °C, et l'HR comprise entre 60 et 90 %. La pièce doit être aérée. Au séchoir, la température et l'HR chutent, et peuvent respectivement varier de 12 à 18 °C et de 65 à 85 %. La vitesse de l'air à la surface du fromage doit être 0,2 à 0,5 m/s. Ces données « sont importantes pour faire perdre de l'eau au fromage » et donc une part importante de son poids, indique Sylvie Morge. Avec une HR de 75 % et 17 °C, la perte est de 35 % en 48 h. « Plus la température est élevée et l'HR basse, plus la perte de poids sera conséquente ». Et plus cet air « chaud » circule vite, plus le séchage sera rapide. L'eau doit être évacuée de façon homogène.
C'est au hâloir que se développent les caractéristiques organoleptiques du fromage et le pénicillium (fromages bleus). Température faible, de 10 à 14 °C, HR plus élevée, de 80 à 95 % et vitesse de l'air inférieure à 0,2 m/s y sont recommandées. La perte de poids devant à ce stade être limitée (en particulier pour le blanc moelleux), il est possible d'y apporter de l'humidité, notamment grâce à un humidificateur d'air ménager. 

 

Tiphaine Ruppert
1. Le programme Lactaff a été mis en place dans le cadre du compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural (casdar), alimenté par la taxe sur les exploitations agricoles. Il est piloté par l'Institut de l'élevage, en partenariat avec, par exemple, le Domaine Olivier-de-Serre, la FNPL, le Pep caprin, AgroParisTech... Son objectif est de rassembler des connaissances issues du terrain (professionnels et techniciens) et d'expérimentations en laboratoire.

 

Procédé technique / Lors de la journée portes ouvertes du Pep caprin, les participants ont pu assister à un atelier sur l’implantation de la flore de surface.

Fromage fermier lactique : favoriser le géotrichum et le pénicillium

Les deux intervenantes, Sylvie Morge et Sabrina Raynaud, ont concentré leurs explications sur les fromages « blancs-ivoires » et « bleus » et la formation des géotrichum et pénicillium. Le premier commence à apparaître en salle de fabrication lors de l’égouttage (environ 20°C) et se développe ensuite au ressuyage. À l’issue de 24 ou 48 h, la flore doit être bien présente et la surface mate. Le géotrichum ne survient pas spontanément : il est présent dans le lait ou le lactosérum. S’il  reste absent à la fabrication, l’ensemencement par vaporisation (vieux lactosérum, croûte émiettée ou en glaçon, ou encore souche commerciale) est nécessaire pour éviter la colonisation par le mucor notamment. La surabondance n’est pas souhaitable non plus et risque d’engendrer l’effet « peau de crapaud », qui peut aussi indiquer une contamination du lactosérum. Sur ce type de fromage le salage doit être tardif sinon il empêche le géotrichum de coloniser la surface. Le sel doit être sain.Pour s’en assurer, on peut le passer au four 20 minutes à 120°C afin de faire éclater toutes les spores. Le pénicillium, lui, met quatre jours à pousser. Afin d’éviter le mucor, il faut veiller, avant son apparition, à la présence légère de géotrichum. L’égouttage se fait entre 18 et 22°C ; le ressuyage est facultatif, sinon entre 12 et 24 h maximum. Le salage peut se faire dès le premier retournement afin d’orienter vers la moisissure souhaitée. Du pénicillium en excès peut donner un aspect cartonneux à la croûte du fromage qui peut aller jusqu’à se séparer totalement du cœur. 
     T. R.