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Société

Des jeunes ruraux confiants malgré la crise

Un an après le début de la crise sanitaire, le moral des jeunes semble au plus bas. Comment vit-on cette crise quand on vient du monde rural et que l’on a choisi de poursuivre ses études dans le domaine agricole ou agroalimentaire ? Rencontre avec cinq étudiants en BTS au lycée du Valentin à Bourg-lès-Valence.

Des jeunes ruraux confiants malgré la crise
Noémie, Mathis et Florian, étudiants en BTS, partagent certaines inquiétudes pour l'avenir, mais ils sont aussi confiants dans les possibilités d'emplois dans la filière agroalimentaire.

« Ce qui me dérange le plus, c’est pour les jeunes... ». Cette petite phrase se glisse régulièrement dans les conversations sur la crise sanitaire. Mais comment les jeunes vivent-ils cette crise ? Noémie, Mathis, Florian, Simon et Quentin, étudiants en première année de BTS au lycée agricole du Valentin, ont accepté de répondre à cette question.

Depuis septembre, ils ont repris les chemin des cours. Chaque semaine, ils retrouvent leur classe. Le lycée du Valentin a opté pour le 100 % présentiel. La configuration de l’établissement et ses vastes espaces permettent, pour le moment, d’accueillir l’ensemble des élèves en respectant les directives sanitaires. « Le présentiel, c’est une chance. Il nous permet de garder un minimum de lien social », confient Noémie 18 ans, Florian 19 ans, tous deux en BTS sciences et technologies des aliments, et Simon, 20 ans en BTS agronomie productions végétales. Mais, après 18 heures, la vie devient moins drôle. « Je vis en résidence étudiante sur Valence. Je rentre dans mon 20 m² et je ne croise personne jusqu’au lendemain », raconte Noémie.

Les stages menacés

Ont-ils peur pour l’avenir ? « Oui et non, répondent Noémie et Florian. Nous savons que dans l’agroalimentaire, il y aura toujours besoin de main-d’œuvre. » Simon et Quentin, qui ont choisi la filière productions végétales, sont encore plus confiants. « Ce qui m’intéresse, c’est le secteur des semences. C’est un domaine en perpétuelle évolution avec des opportunités professionnelles. Et puis je compte poursuivre mes études après le BTS, donc j’ai le temps de voir venir pour un emploi », explique Simon. Quentin, originaire de Grâne et fils d’agriculteur, envisage de revenir sur l’exploitation. « Si j’ai besoin de travailler à l’extérieur avant mon installation, je sais que le secteur agricole recrute, je ne suis pas inquiet », affirme le jeune homme.

Une angoisse plane cependant sur ces étudiants : celle de ne pas trouver de stage. « Nous sommes à la veille du début de notre premier stage et seulement un tiers de notre classe a obtenu une réponse positive », rapportent Noémie, Mathis et Florian. En cause, les risques liés au Covid qui rendent les entreprises très frileuses pour intégrer dans leurs effectifs des stagiaires. Sans oublier la menace d’un nouveau confinement. « Je crains parfois qu’on nous annonce que notre stage n’est pas maintenu, alors qu’il compte vraiment pour l’obtention de notre diplôme », s’inquiète Noémie. Elle reconnaît que, depuis le bac l’année dernière, elle a la désagréable impression que ses diplômes seront obtenus « au rabais », faute d’avoir pu suivre l’ensemble des enseignements pratiques, notamment durant le confinement du printemps 2020. « C’est vrai que la pratique et l’expérience en entreprise, c’est le plus important », témoigne Mathis, déjà diplômé d’un CAP en boulangerie et qui travaillait sur Saint-Etienne durant le premier confinement. 

« Inventer un nouveau modèle »

S’ils ne redoutent pas leur entrée dans la vie active, ils sont bien conscients que les années à venir s’annoncent compliquées d’un point de vue économique. « Depuis qu’on est tout petit, on entend parler de la dette publique. Avec la crise du Covid, tous les secteurs perçoivent aujourd’hui d’énormes aides de l’Etat. Mais on ne peut pas sortir de l’argent indéfiniment, ça va finir par créer de sérieux problèmes, souligne Simon. Il va falloir inventer un nouveau modèle. » Tous savent aussi que cette crise va laisser des traces dans la société.

Alors, qu’est-ce qui leur paraît le plus important pour leur avenir ? « La réussite de mes études et trouver un boulot stable », résume Noémie. « S’épanouir dans tous les domaines : sportif, associatif, avoir une vie familiale, sociale, un boulot », poursuit Simon. « Que chacun puisse réussir à faire ce qu’il avait prévu avant cette crise », renchérit Quentin. Un peu plus âgé que ses camarades, Mathis, 23 ans, pose un regard plus critique sur ce qu’il traverse : « Depuis un an, on a appris à mettre des réserves sur ce qu’on imagine pour la suite ». Vivre au jour le jour, c’est un peu ce qu’ils retiennent de cette difficile expérience. Ils savent aussi qu’ils sont privilégiés, de par la possibilité de poursuivre leurs études en présentiel ces derniers mois et aussi parce que leurs familles vivent à la campagne. « C’était une vraie chance d’avoir un extérieur durant le confinement. Ça change tout », acquiescent-ils. Quentin, qui a passé le printemps 2020 entre ses cours à distance et la participation aux travaux de l’exploitation avoue même qu’il n’a « pas ressenti le confinement ». « J’ai eu la liberté de pouvoir faire autre chose. Je crois pouvoir dire que c’est le cas de tous mes amis fils d’agriculteurs qui ont le projet de s’installer », explique-t-il.

Si ces cinq jeunes encaissent la situation avec une certaine philosophie, la crise révèle aussi d’autres réalités, parfois avec des conséquences lourdes d’un point de vue social et psychologique. Près des trois quarts des 18-25 ans déclaraient lors d’une enquête Ipsos* en juillet dernier avoir rencontré des difficultés financières depuis le début de la crise, et avoir été affectés au niveau psychologique, affectif ou physique.

S.Sabot

* Enquête Ipsos pour la fédération des associations générales étudiantes (Fage).

La crise rebat les cartes pour l’insertion des jeunes

La crise rebat les cartes pour l’insertion des jeunes
La crise a fait sombrer moralement certains jeunes déjà fragilisés. Crédit : Pixabay

Présentes sur l’ensemble de la Drôme, les missions locales ont vocation à accompagner les 16-25 ans dans leur insertion professionnelle et sociale. Elles sont en première ligne pour mesurer les effets de la crise du Covid sur la situation des jeunes. Priscilla Vasseur, conseillère en insertion professionnelle pour la mission locale de la vallée de la Drôme, signale que la situation se complique ces derniers mois. « Nous voyons arriver des étudiants qui décrochent de leur parcours universitaire à cause des cours en distanciel. C’est un public nouveau. Habituellement, nous accueillons plutôt des jeunes qui ont décroché dès la classe de 3e ou au lycée, précise la conseillère. Nous avons aussi constaté une augmentation de la fréquentation des consultations avec la psychologue de la mission locale, notamment pour des jeunes déjà un peu fragiles que la crise a fait sombrer vers un mal-être voire un burn out », ajoute-t-elle. Pour certains, le Covid a remis totalement en cause un choix d’orientation professionnelle, notamment dans les métiers de la restauration et de l’hôtellerie. Selon les bassins d’emplois, les possibilités pour concrétiser une entrée dans la vie active sont également très variables. « Sur notre territoire,  nous avons la chance d’avoir des opportunités dans l’industrie agroalimentaire, les métiers du cuir, l’agriculture et le service à la personne », souligne Pierre Brillaud, directeur de la mission locale de Romans, qui intervient sur le Nord-Drôme, de Saint-Rambert-d’Albon jusqu’à La Chapelle-en-Vercors. Comme ses collègues de la vallée de la Drôme, il compte sur la montée en puissance en 2021 du plan « 1 jeune 1 solution » déployé par l’État face à la crise. Des moyens supplémentaires sont prévus pour accompagner davantage de jeunes dans le cadre du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) et au travers de la « garantie jeunes ». Ces deux dispositifs permettent à ceux qui s’engagent dans un projet d’insertion professionnelle et sociale de bénéficier, sous certaines conditions, d’une allocation. Partout en Drôme, les 16-25 ans peuvent se rapprocher de leur mission locale sur ces questions. « C’est hyper important de passer ce message aux jeunes qui pourraient se trouver en situation de précarité sur nos territoires ruraux », conclut Pierre Brillaud.

S.Sabot

MSA / Coup de pouce en cas de difficultés

Dans le cadre de sa politique d’action sanitaire et sociale, la MSA Ardèche-Drôme-Loire accompagne les jeunes dans leur prise d’autonomie personnelle et professionnelle. Elle propose notamment certaines prestations qui peuvent être utiles en cette période de crise sanitaire. 

- Le prêt « Jeunes », sans intérêt, accordé aux 16-30 ans adhérents au régime agricole depuis au moins six mois. Ce prêt peut atteindre 4 500 € et 90 % d’une dépense engagée en matière de mobilité (permis de conduire, acquisition ou remise en état d’un véhicule…), entrée dans un logement (caution…), reprise d’études, acquisition de mobilier ou électroménager de première nécessité... 

- Aide aux études supérieures pour les étudiants de 18 à 22 ans, sous conditions de ressources, versée sous forme de chèques « alimentation, hygiène, habillement et culture » pour acquérir des produits chez un réseau de commerçants partenaires. Montant : 375 € si l’étudiant a des frais d’hébergement ; 180 € si l’étudiant est hébergé à titre gratuit.

- Soutien psychologique pour les actifs agricoles de plus de 18 ans, via la prise en charge financière de consultations auprès d’un psychologue diplômé pour les actifs agricoles de plus de 18 ans. Cette prestation, d’un montant maximum de 250 €, vise à lever le frein financier pour ceux qui traversent une période délicate et souhaitent être accompagnés. Elle est proposée à la personne par un travailleur social ou un médecin du travail de la MSA.