Des cépages résistants sous pression
Selon les observations réalisées à ce jour sur les variétés de vignes résistantes au mildiou et à l'oïdium, les cas d'attaques fortes sont très limitées, indiquent plusieurs chambres d'agriculture dont celle de la Drôme, qui souhaitent contrecarrer « de fausses informations ».

Lancé en 2000, le programme ResDur de l'Inrae(1) et l'IFV(2) a permis la création d'une cinquantaine de variétés polygéniques offrant une résistance durable aux principales maladies fongiques que sont le mildiou et l'oïdium, et dans une moindre mesure au black-rot, responsables à elles seules de 80 % de la consommation de produits phytosanitaires en viticulture. Plusieurs de ces variétés ont été inscrites au catalogue officiel français en 2018 (Floreal et Voltis en blancs, Artaban et Vidoc en rouges), puis en 2022 (Coliris, Lilaro et Sirano en rouges ; Opalor et Selenor en blancs). D'autres arriveront d'ici 2025.
Observations en Drôme et sur l'arc méditerranéen
Cette année, avec un climat très humide engendrant une forte pression fongique, le comportement de ces variétés résistantes est particulièrement scruté par les vignerons et les chercheurs. Fin juin, l'Inrae et l'IFV donnaient l'alerte après avoir identifié des symptômes importants de mildiou sur des variétés résistantes, dans le Gard et le Vaucluse. De quoi susciter des interrogations sur la pérennité des cépages dits résistants ou tolérants.
« Toutes les variétés* que nous étudions sur le département ont une bonne résistance, affirme Isabelle Méjean, responsable du pôle viticulture à la chambre d'agriculture de la Drôme. On observe juste une moindre tolérance au mildiou et à l'oïdium sur Palatina, variété de raisins de table. Cette année, avec la pression très forte, on a observé très ponctuellement du mildiou sur Artaban. De façon générale, même si elles sont résistantes, on fait traiter au moins deux fois en encadrement de floraison. Avec la pression de cette année, nous avons conseillé un troisième traitement après la floraison. »
Plus largement et afin d'avoir une vision objective, les chambres d’agriculture de huit départements de l'arc méditerranéen (Drôme, Ardèche, Vaucluse, Gard, Bouches-du-Rhône, Hérault, Aude et Pyrénées-Orientales) ont déclenché, ces dernières semaines, une vaste campagne d’observations sur 155 parcelles toutes plantées en variétés résistantes au mildiou (32 variétés différentes), et dans des zones avec des pressions de maladies très diverses. Objectif : « Récolter des renseignements factuels », soulignent-elles, tout en rappelant que « ces résistances sont toujours partielles ».
9 parcelles impactées sur 155
©cdb69
Le 12 juillet, elles ont présenté leurs résultats. Sur les 155 parcelles observées, 9 présentent des dégâts notables sur grappes et seulement 6 avec des pertes de récoltes sensibles (supérieures ou égales à 30 %), indiquent-elles. Ces six parcelles sont constituées de « trois Artaban sur 26 observées, une Vidoc sur 24 observées, une UD 32-078 (cabernet volos) sur trois observées et une UD 55-100 (sauvignon rytos) sur deux observées », précisent les huit chambres d'agriculture de l'arc méditerranéen. « Les parcelles les plus atteintes se trouvent dans des situations très vigoureuses et des bas-fonds humides, avec une pression de mildiou très forte. »
Avec une pression sanitaire exceptionnelle sur ces secteurs - jamais vue de mémoire de vigneron - une question se pose cependant : s'agit-il d'un contournement de résistance ou d'un simple débordement lié à la pression très forte de la maladie ? « Ce sera l’Inrae de nous renseigner grâce aux prélèvements envoyés », indiquent les huit chambres d'agriculture. D’autres observations intéressantes sur des degrés de sporulation, par exemple, ont aussi été répertoriées.
« Il faut que la recherche progresse encore »
« Si le nombre d’observations est conséquent, il n’a pas la prétention de dresser un bilan exhaustif », tempèrent les huit chambres d'agriculture de l'arc méditerranéen. Pour la vice-présidente de la chambre d'agriculture de la Drôme, Sandrine Roussin, viticultrice à Tulette, « les plants de vigne résistants ou tolérants aux maladies sont un avenir. Cependant, il faut être réaliste dans la mesure où les traitements phytosanitaires restent à ce jour nécessaires, et encore plus avec le climat humide de cette année 2024 où l'on arrive au bout de nos limites. Pour supprimer les traitements, il faut que la recherche progresse encore. Il faut donc continuer à étudier et à planter et je note qu'un cépage pas assez connu est particulièrement prometteur en blanc : le Floreal. Plus globalement, poursuit-elle, les résultats sur le secteur du bordelais devraient être interessants à analyser pour l'ensemble des cépages, car dans cette région ils en sont à deux années consécutives de grosse pression de mildiou. Il faut aussi accentuer la recherche sur le black-rot. »
Christophe Ledoux
(1) Inrae : Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.
(2) l'IFV : Institut français de la vigne et du vin.
Vigne Climat'ic : évaluer le vignoble de demain

Depuis 2021, sur la plateforme des techniques alternatives et bio (TAB) de la station expérimentale d'Étoile-sur-Rhône, la chambre d'agriculture a installé un vignoble sur 0,5 hectare rassemblant vignes de cuve, vignes de table, pêchers, et haies diversifiées. Baptisé Vigne Climat'ic, l'essai a pour objectif de réduire la consommation en eau par l'ombrage apporté à la vigne et et en produits phytosanitaires par l'utilisation d'un cépage résistant aux maladies, tout en favorisant l'action de la biodiversité fonctionnelle sur les bioagresseurs. Le dispositif Vigne Climat'ic a été conçu par des conseillers viticulture de la chambre d'agriculture, avec l'appui des chargés de mission de la plateforme TAB et de la station expérimentale fruits Rhône-Alpes (Sefra).
Le 19 juillet, une visite de ce vignoble a été réalisée. « C'est un projet d'expérimentation qui me tient à cœur, indique Sandrine Roussin, première vice-président de la chambre d'agriculture. Car il s'agit d'évaluer ce que pourrait être le vignoble de demain dans un contexte de changement climatique. »
C. L.
8 août, 20 et 23 août : journées techniques viticulture
Plusieurs journées techniques en viticulture sont prochainement organisées en Drôme :
- jeudi 8 août à 14 h 30 à Pierrelongue - Les Bluyes sur la thématique de la variété Resdur2 ;
- mardi 20 août à 14 h 30 à Tulette - Le Plan sur le projet « Adaptenuer » pour combiner les leviers d’adaptation et d’atténuation au dérèglement climatique (engrais verts, mulch, barrière physique,
irrigation, ombrage) ;
- vendredi 23 août à14 h 30 (à confirmer) à Mercurol La Négociale pour la présentation de l'essai de porte-greffes tolérants à la sécheresse.
Plus d'infos auprès de Mathilde Carra, chambre d’agriculture de la Drôme (06 07 36 41 41 - [email protected]) et Isabelle Méjean, chambre d’agriculture de la Drôme (06 22 42 53 87 - [email protected]).