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Justice

De la prison ferme pour un loup mort empoisonné

Au tribunal correctionnel de Valence, la procureure de la République a requis huit mois de prison ferme pour le jeune éleveur de Crupies suspecté d'avoir empoisonné un loup.

De la prison ferme pour un loup mort empoisonné
Au tribunal de Valence, le 10 septembre, des éleveurs sont venus spontanément soutenir moralement les quatre éleveurs inculpés. ©ET-AD26

Dans la salle d'audience du tribunal correctionnel de Valence, mardi 10 septembre, la tension était palpable. Du milieu d'après-midi jusque tard en soirée, un jeune éleveur de 24 ans, originaire de Crupies, était jugé pour avoir tué un loup le 4 mars 2022, à l'aide d'un gigot empoisonné au carbofuran (matière active pour insecticide interdite depuis 2008 en France). L'animal avait été pris en photo par des randonneurs. Trois autres prévenus comparaissaient : le cousin et l'oncle du jeune éleveur, tous deux poursuivis pour avoir transporté puis enterré la carcasse du loup, ainsi qu'une élue municipale, également éleveuse, suspectée de tentative d'empoisonnement de loup. À la barre, tous trois ont nié en bloc les faits qui leur sont reprochés. Un cinquième prévenu, un octogénaire, était également jugé pour avoir fourni l'insecticide.

Des protecteurs du loup parties civiles

Leur procès pour « pour destruction et transport illicites d'espèces protégées et usage inapproprié de produits phytopharmaceutiques » est le résultat d'une enquête des forces de l'ordre menée entre 2022 et 2023. Des écoutes téléphoniques mises en œuvre dans le cadre d'une autre affaire concernant le jeune éleveur (une bagarre ayant mal tourné) avaient alors permis d'identifier les prévenus.

À la barre, Thomas, le jeune éleveur inculpé, a tenté de s'expliquer, évoquant « être à bout » devant les attaques incessantes de loups sur son troupeau, tout en regrettant son geste.

Dans la salle d'audience pleine à craquer (beaucoup ont dû rester à l'extérieur), on notait la présence des représentants d'une dizaine d'associations de protection des animaux et de l’environnement (Aspas, Ferus, One Voice, Klan du loup, Fondation Brigitte Bardot...), constituées partie civile pour réclamer réparation du préjudice et « marquer le coup ». Leurs avocats respectifs ont dénoncé tantôt « l'acharnement contre le prédateur », tantôt « une violation de la loi » ou encore « une mafia », évoquant par ailleurs les indemnisations et les aides importantes dont bénéficient les éleveurs.

Un soutien moral aux éleveurs inculpés

Des éleveurs drômois étaient également nombreux à l'audience. « Même si nous ne sommes pas d'accord avec l'usage du poison, nous sommes venus soutenir moralement les quatre éleveurs inculpés, confie Edmond Tardieu, éleveur à Vesc. Cela s'est fait spontanément, sans appel à mobilisation. »

Leur attention a notamment été retenue par la plaidoirie des avocats des éleveurs, lesquels estiment que l'enquête a été bâclée. « Le cadavre du loup pris en photo par des randonneurs en mars 2022 est-il mort empoisonné au carbofuran ou d'autre chose ? S'agissait-il vraiment d'un loup ou d'un hybride, voire d'un chien-loup ? Pour la défense, les interrogations demeurent car le cadavre de ce loup, pris en photo par des randonneurs, n'a pas été retrouvé malgré les moyens mis à la disposition des enquêteurs par l'oncle et le cousin du jeune éleveur inculpé. Thomas a reconnu avoir empoisonné un gigot mais pas le loup », rapporte Edmond Tardieu.

Décision de justice le 24 octobre

Selon l'article L415 du code de l'environnement, la destruction ou tentative de destruction d'un loup est punie de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende, le loup étant une espèce protégée selon la Convention de Berne.

« On est ici pour faire appliquer la loi », a souligné la procureure de la République, évoquant un « dossier symbolique ». Elle a requis huit mois de prison ferme à l'encontre du jeune éleveur. Pour son cousin, la procureure a requis huit  mois de prison avec sursis simple. Pour le père et l’élue locale, six mois de sursis simple. Avec, pour tous, l’interdiction de détenir un permis de chasse et une arme pour une durée de trois à cinq ans. L'octogénaire qui aurait fourni l'insecticide écope d'une amende. La décision de justice sera rendue le 24 octobre.

C. L.