Dans les entrailles du jeu vidéo

La Cité du design le revendique fièrement : jusqu'au 8 mars, elle accueille dans ses locaux (3 rue Javelin-Pagnon à Saint-Étienne) et pour la première fois en France une exposition consacrée au game design, c'est-à-dire la conception du jeu vidéo. « Au départ, on m'a sollicité par rapport à Game, que j'avais montée à Paris en 2017 autour de l'histoire du jeu vidéo, explique Jean Zeid, commissaire de Design-moi un jeu vidéo. Je trouvais cela un peu dommage par rapport au nom du lieu et j'ai donc proposé de se concentrer sur le game design. En 50 ans, le jeu vidéo est devenu l'un des divertissements préférés en France et dans le monde entier. Mais sa conception reste méconnue, très peu médiatisée par rapport à celle du cinéma par exemple. L'objectif était donc de présenter les différentes facettes de ce processus créatif et technologique. » Celui qui était jusqu'à tout récemment la voix du jeu vidéo sur France Info a organisé les 700 m2 du site en quatre espaces symbolisés par autant de couleurs : « L'esthétique, ce que l'on voit en jouant ; la narration, ce que l'on nous raconte ; les mécaniques de jeu et la technologie. » Au total, on navigue parmi 45 thématiques et 30 jeux jouables issus de toutes époques et de tout genre. Pêle-mêle, on peut citer Pong (1972) et son ancêtre, Tennis for two (1958), Space invaders (1978), Sonic the hedgehog (1991), Street fighter II turbo (1992), Crash Bandicoot (1996), Tomb Raider (1996) ou, plus près de nous, Assassin's creed (2007), Detroit : become human (2018) et, bien évidemment, Fortnite (2017), le plus populaire au monde avec ses 250 millions de joueurs. « Il y a ce qu'il faut pour les hardcore gamers », glisse avec un sourire le spécialiste qui recommande de prévoir trois à quatre heures pour en profiter pleinement.
Le but de ce melting-pot ? « L'idée, c'est de pouvoir faire échanger grands-parents, parents et enfants autour de cette pratique, aujourd'hui banale, qu'est le jeu vidéo », indique le commissaire de l'exposition. De fait, pas besoin d'être un joueur averti pour prendre plaisir à slalomer entre les panneaux réalisés par l'illustrateur Erwann Terrier.
« En ne jouant pas, on passe à côté d'une partie de l'exposition, mais on a créé un parcours du débutant avec une dizaine de thématiques pour y aller doucement et pas mal de choses à picorer (interviewes de concepteurs, documents de travail, dessins, etc.) », assure Jean Zeid. À ses yeux, les personnes qui n'y connaissent rien, ou pas grand-chose, constituent même le principal public visé. À cet effet, le jargon technique a été expurgé pour ne pas les perdre en route.
Retrogaming et cloud gaming
Si Design-moi un jeu vidéo ravit les amateurs de jeux anciens, ce que l'on appelle le retrogaming, avec par exemple ce Game boy géant (console portable des années 1990), cette exposition évoque également l'avenir. Quelle sera la prochaine grande avancée ? Pour Jean Zeid, le cloud gaming va révolutionner les choses : « D'ici trois ou quatre ans – et encore... –, on pourra jouer depuis l'arrêt de bus à un jeu dernier cri, époustouflant visuellement sur son smartphone connecté à la 5G. » Et la France, dans tout cela ? « Notre pays commence à reprendre des couleurs après des années 2000 assez effrayantes en raison de la concurrence, canadienne et québécoise, par exemple, pour des raisons de dumping social. On a vu partir pas mal de monde alors qu'on a des écoles reconnues. Les gouvernements ont pris le taureau par les cornes, l'emploi commence à revenir et on redevient un pays très attractif en la matière. Je ne crois pas qu'on puisse parler de french touch, mais il y a une grande richesse et un sens artistique assez développé qu'il est chouette de pouvoir montrer ici à Saint-Étienne. »
Et peut-être ailleurs, à l'avenir, puisque l'exposition ne devrait pas manquer de séduire d'autres institutions.
Franck Talluto
Expo à voir jusqu'à dimanche, de 10 à 18 heures. Infos pratiques (prix du billet d'entrée, formules de visites guidées, etc.) sur citedudesign.com.