Convention climat : le gouvernement ménage l'agriculture
Le 8 décembre, le ministère de l'Agriculture a dévoilé les mesures retenues pour le futur projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Les citoyens déplorent une ambition réduite. Lors d’une rencontre le 14 décembre avec les membres de la CCC, Emmanuel Macron a annoncé un référendum afin d'inscrire la lutte pour le climat dans la Constitution.

« Mitigé », voilà le bilan que Mélanie B., membre de la Convention citoyenne sur le climat (CCC), tire de la rencontre du 8 décembre lors de laquelle la Rue de Varenne a présenté aux citoyens et aux parlementaires le détail des mesures retenues pour le projet de loi à venir. La redevance sur les engrais azotés, que les citoyens désiraient déjà pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, ne sera ainsi appliquée qu'à partir de 2024, assorties de conditions. Lors d’une rencontre le 14 décembre avec les membres de la CCC, le président Emmanuel Macron s’est de nouveau montré ferme sur cette mesure. Toute aussi symbolique, l'obligation pour les cantines scolaires de proposer un menu végétarien a été, elle, transformée en une expérimentation « sur la base du volontariat ». La déception est d'autant plus grande que les citoyens avaient déjà rencontré une première fois les services du ministère le 19 septembre pour défendre leurs propositions.
De son côté, Matignon assure que « le projet n'est pas finalisé à ce stade ». La première version devait être envoyée au Conseil d'État le 10 décembre, puis aux différentes instances dont le Cese, le Conseil national d'évaluation des normes ou le Conseil pour la transition écologique. L'examen du texte débutera ensuite à l'Assemblée en février prochain. « Avant de juger des arbitrages, j'attends d'avoir le texte final », tempère Jean-Charles Colas-Roy, député LREM de l'Isère, référent de la majorité sur les questions d'écologie, et auteur d'une tribune de soutien aux citoyens aux côtés de 265 autres parlementaires LREM en juin 2019.
Un renforcement d’Egalim
Le rapport remis par le ministère de l'Agriculture aux citoyens lors de la réunion du 8 décembre donne le ton des échanges, en s'ouvrant sur un satisfecit : « Les agriculteurs français se sont engagés depuis de nombreuses années dans cette transition agroécologique ». L'argument s'entend entre les lignes : de la loi Egalim au plan de relance, le ministère de l'Agriculture n'a pas attendu les citoyens pour agir. Au-delà des rappels de ses succès, le ministère semble tout de même prêt à s'appuyer sur la loi sur le climat pour renforcer Egalim et son application. L'exception est notable : le gouvernement a choisi d'intégrer telle quelle, « sans filtre », la mesure proposée par les citoyens d'étendre dès 2025 « les dispositions de l'article 24 de loi Egalim relatives à l'approvisionnement durable et de qualité à toute la restauration collective privée ».
Face à la nécessité d'avoir un « recul sur l'impact qu'il pourrait avoir en termes de santé publique », la proposition des citoyens d'imposer un menu végétarien par jour dans les cantines scolaires a en revanche été écartée. Elle sera transformée en expérimentation « accompagnée d'une évaluation sur plusieurs éléments clés que sont ses impacts sur les apports nutritionnels, sur le gaspillage alimentaire, sur le coût pour les usagers et sur la fréquentation de ces restaurants ». « Avoir une mesure coercitive était justement pour nous cohérent avec l'extension à la restauration privée », commente Mélanie B.
Compatibilité climat des politiques
L'un des aspects du projet des citoyens, sur lequel le gouvernement et le ministère de l'Agriculture tombent parfaitement d'accord n'aura peut-être pas de conséquences concrètes à court terme, mais il est structurel. La loi à venir garantira, comme la Convention l'avait demandé, la compatibilité du Plan Stratégique National, future déclinaison française de la Pac, avec un ensemble d'autres politiques, dont la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), la Stratégie nationale biodiversité, la Stratégie environnement santé ou encore la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.
Alors que les citoyens demandaient une réforme du Plan national nutrition santé (PNNS) pour y ajouter un volet alimentation, le gouvernement leur soumet même une contre-proposition « plus large et plus ambitieuse ». Un nouveau Programme national de l'alimentation, de la nutrition et du climat (PNANC) sera ainsi inauguré, prenant en compte « l'ensemble des sujets en lien avec l'alimentation (gaspillage, éducation, culture...) ».
Satisfaction sur l’artificialisation
Côté artificialisation, les citoyens ont aussi obtenu satisfaction, au moins en partie. « Nous inscrivons aussi dans la loi la division par deux du rythme de l'artificialisation galopante des sols » et « souhaitons interdire l'implantation de nouveaux centres commerciaux sur des espaces naturels avec une dérogation possible en dessous de 10 000 m2 », a précisé Barbara Pompili dans une interview avec le quotidien Le Parisien le 8 décembre. En revanche, devant les citoyens de la CCC le 14 décembre, le président de la République a refusé d’étendre aux plateformes logistiques le moratoire prévu sur les zones commerciales de plus de 10 000 m2. « Il faut avoir une approche différenciée sur les plateformes logistiques. Si l’on souhaite développer le fret ferroviaire ou fluvial, nous aurons besoin de ces plateformes, et nous travaillerons donc au cas par cas », a plaidé Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat a également reconnu qu’en matière d’artificialisation, « le sujet est intercommunal ».
Des concessions le 14 décembre
Sur de nombreux autres volets, le gouvernement a brandi l'épouvantail européen. La proposition des citoyens de supprimer tous les produits classés cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), sera portée au niveau bruxellois, mais ne sera pas retenue « afin que nos agriculteurs ne voient pas leur compétitivité réduite ». De même, la création d'une redevance pour pollution diffuse sera appliquée en 2024 uniquement « si cette taxe n'est pas adoptée au niveau européen », ou si les objectifs nationaux ne sont pas atteints.
Le 14 décembre au soir, lors de l’échange prévu avec les membres de la CCC, le président de la République est tout de même revenu sur le « chèque alimentation saine » proposé par les citoyens. « Je suis d’accord sur le chèque alimentaire, on va le faire, il faut qu’on le fasse », a soutenu le président de la République devant les citoyens. La nouvelle majeure de la soirée a également été l’annonce par Emmanuel Macron d’un référendum afin d'inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. D’après le site de France Info, « le président de la République a indiqué qu'il allait soumettre une modification de l'article 1er de la Constitution au Parlement et qu'il y aura un référendum si l'Assemblée nationale et le Sénat acceptent de la voter ».
I.L. / S.D.
Cantine
