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Changement climatique

Climalait anticipe les besoins face au changement climatique

Étudier l'évolution du climat et son impact sur les exploitations laitières à l'horizon 2050, c'est l'objectif du programme Climalait, financé par le Cniel en partenariat avec l'Idele, Météo France, l'Inra, les chambres d'agriculture, le BTPL et Arvalis.
Climalait anticipe les besoins face au changement climatique

Climalait vise à informer et préparer les éleveurs au changement climatique sur le long terme. Ce programme propose des pistes d’adaptation possibles pour les différents systèmes d’élevage sur la base du scénario climatique RCP 8,5 élaboré par le Giec, groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Il s’agit du scénario le plus pessimiste en termes de concentration en CO2. Pessimiste, mais c’est le plus probable, selon les scientifiques.

Le rami fourrager, un jeu pour simuler les conséquences

Le réchauffement climatique que le météorologue Franck Souverain constate depuis des décennies pourrait s’avérer inquiétant dans un futur pas si lointain. « À partir des années 1990, toutes les températures annuelles ont été largement supérieures à la moyenne annuelle », explique cet ingénieur d’étude à la division agriculture au sein de Météo France. À l’aide de modèles climatiques régionaux et grâce à des outils numériques, le service officiel de la météorologie et de la climatologie en France a pu établir une projection climatique sur une trentaine de zones du territoire français grâce à ses données mises à disposition du programme Climalait. « Pour la période 2021-2050, la température moyenne augmenterait de 1° à 1,5 °C en France. En 2070, nous serions à 2 °C de plus qu’aujourd’hui et presque 3 °C de plus sur le Nord-Est de l’Hexagone », explique-t-il. De leur côté, quelques chercheurs de l’Inra de Toulouse ont élaboré un premier outil de réflexion collective : le « rami fourrager », un jeu de simulation. Le principe est simple : fourrages, animaux et rations sont assemblés en fonction des besoins d’une exploitation réelle ou fictive dans un cadre de contraintes choisies par les joueurs. « Un module informatique intègre l’ensemble des informations et fournit instantanément des indicateurs et des graphes permettant d’évaluer de façon intégrée les performances (agronomiques, zootechniques, économiques, charge de travail) de l’élevage conçu », affirme Jean-Christophe Moreau, chef de projet au service fourrages et pastoralisme de l’Idele. Les joueurs peuvent ainsi tester une large gamme d’adaptations sur les moyens de production, leur organisation et leur gestion. Une manière d’anticiper leurs futurs besoins imposés, entre autres, par le changement climatique. « Un premier groupe peut travailler sur la faisabilité de fauches précoces et l’anomalie des précipitations en automne. Un autre peut se focaliser sur la portance et les conditions météo du début de printemps ». Pour pratiquer en conditions réelles, une cinquantaine de sessions ont rassemblé plus de 200 agriculteurs, animateurs et conseillers depuis la création du prototype.

Le maître mot : anticiper

En Maine-et-Loire, la commission lait composée de dix éleveurs s’est prêtée au jeu sur le territoire des Mauges en choisissant une année type sèche au printemps, un printemps chaud et un déficit hydrique très prononcé en été. Une situation comparable à celle de 2017 dans cette zone. « Face à une réduction de production de fourrage, au déficit d’ensilage d’herbe, de foin et de maïs, on pourrait, par exemple, décider de faire partir des vaches en anticipant les réformes. Il faudrait alors garder plus de génisses que nécessaires pour revenir à l’effectif de vaches rapidement. On pourrait aussi imaginer de garder un deuxième troupeau que l’on pourrait arrêter en cas de manque de fourrages. Tout cela implique un changement d’habitudes pour sortir et rentrer ses animaux à des dates différentes », argumente Céline Marsollier, conseillère à la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire. Cet exercice suscite forcément des questions de la part des éleveurs. Comment les animaux vont-ils s’adapter à ces changements ? La profession est-elle vouée à se diviser en producteurs de lait d’un côté et éleveurs de génisses de l’autre ? Les dates des récoltes vont-elles être anticipées ? Les animaux devront-ils être abrités à l’intérieur de bâtiments réaménagés l’été en raison de températures trop élevées ? Autant d’interrogations auxquelles les instituts techniques devront apporter des réponses, en vérifiant qu’elles soient toujours bien adaptées à la politique de réduction de gaz à effets de serre.
Alison Pelotier

Le blé est la première culture de France. Mais la filière est mise à mal face à des changements climatiques extrêmes, de plus en plus récurrents. Pour remédier à ces pertes de rendements, des acteurs de la filière se sont unis autour du projet d’investissement d’avenir BreedWheat.

Des variétés de blés plus adaptées à leur environnement

Après une année 2016 catastrophique record pour la production de blé française, à cause de la sécheresse au printemps et de l’augmentation de jours échaudant (où la température dépasse les 25 degrés) qui ont, entre autres, pour conséquence de bloquer le remplissage des grains, le projet BreedWheat représente plus que jamais un espoir pour la filière blé française. BreedWheat, qui a vu le jour en septembre 2011, a pour objectif de sélectionner des variétés adaptées aux contraintes environnementales, afin d’augmenter les rendements pour faire face à une demande croissante des populations, tout en contribuant à une agriculture plus durable en limitant les intrants. « C’était le bon moment au niveau technique et financier pour pouvoir créer une dynamique autour de ce projet et soutenir la filière française. Aujourd’hui, plusieurs centaines de personnes travaillent dessus grâce à un partenariat public-privé », révèle Catherine Feuillet qui a impulsé le projet, alors responsable pour la recherche en biotechnologie à l’Inra. En effet, la demande mondiale est toujours plus forte et, pour rester compétitive face à ses concurrents de l’Est, la filière blé française, qui exporte 50 % de sa production, doit donc s’adapter à ces changements climatiques de plus en plus problématiques.
Un projet hors normes
La particularité du projet BreedWheat est certainement son envergure : il est porté par 28 partenaires publics et privés (laboratoires de recherche publique, sociétés privées, instituts techniques, pôles de compétitivité…) et son budget global est de 34 millions d’euros pour une durée de neuf ans. Ce plan d’amélioration des variétés ne concerne que le blé tendre, c’est-à-dire le blé panifiable. Sur la collection des 11 960 blés tendres, originaires de 108 pays et présents au Centre de ressources biologiques céréales à paille de l’Inra Aura, une sélection de 450 blés d’hiver a été définie afin de représenter la diversité génétique mondiale. « Chaque partenaire du projet s’est vu remettre des semences de cette collection pour mener chacun de leur côté une étude, avec des essais au champ, sur la résistance aux stress environnementaux, comme les maladies (septoriose, fusariose), la sécheresse. Un travail est également réalisé pour faire face aux carences en azote, dans un contexte où les apports de fertilisants azotés sont limités par la loi nitrate. Ce projet est dit « précompétitif, car chacun des 28 partenaires a la possibilité d’utiliser les données issues de BreedWheat pour ses propres travaux », explique Jacques Le Gouis, de l’Inra GDEC, qui succède à Catherine Feuillet en tant que coordinateur du projet.
Puce de génotypage BreedWheat. Cette puce à ADN permet d’établir la carte génétique de plus de 7 000 lignées de blé.
Une sélection multiple et complexe
Les blés sont étudiés sur leur phénotype et leur génotype. Ils sont d’abord sélectionnés sur leur phénotype, c’est-à-dire sur leurs caractéristiques observables  : rendement, taille et poids des grains, précocité, sensibilité à la verse ou aux maladies, etc. Selon les observations collectées, les blés sont ensuite sélectionnés en fonction des caractéristiques recherchées. Sur cet échantillon, le génotype de chaque blé est alors étudié. Les chercheurs analysent au niveau moléculaire les caractères héréditaires de chaque blé, afin de mettre en évidence des concordances avec les caractéristiques observées lors des tests au champ. Ainsi, à l’aide de ces deux niveaux d’observations, ils peuvent définir des profils types de gènes résistants à la sécheresse ou aux maladies par exemple. L’avantage de cette sélection moléculaire est qu’elle est beaucoup plus précise et rapide que celle réalisée avec le phénotype : on peut ainsi connaître le potentiel d’un blé encore à l’état de graine.
Le génome du blé est l’un des plus complexes du monde végétal, notamment à cause de sa taille. Il possède 17 milliards de paires de chromosomes de bases, soit cinq fois le génome humain. Il est également hexaploïde, c’est-à-dire que chacun de ses chromosomes existe en six copies. Et enfin, il est très répétitif.
Des avancées technologiques indispensables
Le blé est donc une espèce difficile à étudier, et génère de gros volumes de données. Mais l’évolution technologique de ces dernières années ouvre de nouvelles perspectives au projet. Sur le modèle de sélection génétique des bovins laitiers, BreedWheat a créé l’une des plus importantes puces de génotypage jamais développée chez le blé. Cette puce à ADN permet d’établir la carte d’identité génétique de plus de 7 000 lignées de blé regroupant aussi bien des variétés élites que des lignées exotiques. Ce génotypage est réalisé sur la plateforme de génotypage à haut débit, Gentyane, du centre Inra Auvergne-Rhône-Alpes.
À l’aide de toutes les données produites, et des sélections qui en découleront, les acteurs de la filière blé pourront introduire par croisements naturels de nouvelles variétés de blé plus adaptées à un environnement changeant. Cependant, si la fin de ce projet est prévue pour décembre 2019, et que 70 % des objectifs ont déjà été atteints, il va falloir patienter encore un peu. Les nouveaux blés ne seront, en effet, pas disponibles avant quelques années car il faut compter 10 à 12 ans pour créer une nouvelle variété.
Manon Laurens