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COOPÉRATION

Cave La Suzienne : "des raisins au top !"

C’est la saison des assemblées générales pour les caves coopératives. La Suzienne a tenu la sienne le 21 février. Le point sur l’actualité de la cave avec son président Olivier Salles.

Cave La Suzienne : "des raisins au top !"
20 % des volumes de la cave sont commercialisés en bouteilles au caveau, soit environ 10 000 hl. © Cave la Suzienne

Avec 220 coopérateurs, un vignoble de 1 400 ha et 50 000 hl vinifiés en 2023, Olivier Salles, président, et l’équipe du bureau de la cave La Suzienne ont vécu une campagne viticole particulière. Ils ont en effet pris en main les fonctions administratives de la coopérative. Après une transition de quinze mois avec une nouvelle directrice suite au départ en retraite d’Alain Bayonne fin 2021, les responsables de la cave n’ont finalement pas trouvé en 2023 la perle rare pour assurer les fonctions de direction. « Administrateurs et membres du bureau, nous avons donc décidé de reprendre les dossiers un par un et de gérer la cave. Nous avons aussi eu l’opportunité, par l’intermédiaire du laboratoire Laco de Suze-la-Rousse, de recruter en prestation de services un excellent œnologue », explique Olivier Salles. L’occasion de travailler sur un des objectifs prioritaires pour le président de la cave : faire des vins encore meilleurs pour tirer son épingle du jeu dans un contexte commercial de plus en plus compliqué.

Changement de pratiques

« Dès le départ, l’œnologue a été très clair en nous annonçant que nous devions lui fournir des raisins “au top”. Nous avons donc travaillé sur un nouveau programme de vendanges. Pour les blancs et les rosés, nous avions déjà mis en place les vendanges entre 5 h 30 et 11 h. En 2023, nous avons aussi instauré des horaires pour les rouges, entre 7 h et 14 h. L’autre exigence de l’œnologue, c’était que les coopérateurs attendent la pleine maturité. Avec le réchauffement climatique, les raisins montent facilement en degrés mais ce n’est pas parce qu’ils ont atteint 13 ou 14 degrés qu’ils sont forcément mûrs », rappelle le président. Si ces changements ont fait râler dans les rangs des viticulteurs, les résultats sont à la hauteur. « Nous avons décroché huit médailles à la Foire des vins d’Orange, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps, et quatre au Concours général agricole », se réjouit Olivier Salles. Autre bénéfice de ces nouvelles pratiques : les économies qu’elles permettent, à la fois en électricité pour le refroidissement des raisins et en temps de travail du personnel qui, dès 14 h, peut se consacrer pleinement aux vinifications. « Nous avons fait de gros progrès cette année, mis en place de nouveaux process… Il reste du chemin à parcourir mais ces premiers résultats sont encourageants », estime le président.

Une crise qui n’a que trop duré

Côté commercialisation, la cave La Suzienne peut compter sur des débouchés assurés pour 60 % de ses volumes : 20 % via le caveau qui commercialise 10 000 hl en bouteilles et 40 % via l’Union des vignerons des Côtes-du-Rhône (UVCDR). « Pour le reste, c’est plus difficile, avec un marché du vrac qui n’est pas assez dynamique, se désole Olivier Salles. C’est actuellement ce domaine sur lequel nous travaillons. » Si les blancs sont déjà vendus et les rosés en très bonne voie, restent les rouges, comme sur l’ensemble des Côtes-du-Rhône. Le président de La Suzienne voudrait pourtant espérer que la sortie de crise n’est pas si loin. La distillation l’an dernier et la baisse des rendements sur la dernière récolte ont déjà permis de réduire les stocks. Mais difficile de prédire quand se fera le retour à l’équilibre. « La chance que nous avons c’est que, en Côtes-du-Rhône, la baisse de consommation est faible donc si on retrouve l’équilibre offre/demande, il n’y a aucune raison que les prix restent bas », argumente-t-il. Mais il est inquiet pour les viticulteurs et pour leurs outils coopératifs. « On travaille pour l’instant à perte. Les trésoreries fondent très vite. Il nous faudrait une année blanche sur les emprunts et des exonérations MSA pour passer le cap... », plaide-t-il. D’autant que la moyenne d’âge des coopérateurs continue d’augmenter. « Avec les prix qu’on connaît en ce moment, très peu de jeunes veulent reprendre des vignes. La question des charges de structure pour nos caves va donc se poser. Nous devrons conduire des réflexions sur comment garantir une rémunération aux viticulteurs avec des frais de cave en augmentation », avertit Olivier Salles.

Quels cépages à l’avenir ? 

Des questions sur le renouvellement du vignoble se posent aussi. « Nous essayons de conseiller nos viticulteurs sur le choix des cépages à planter. Mais il y a tellement d’incertitudes. Le blanc est à la mode mais si on plante aujourd’hui, le temps d’arriver en production, le marché ne sera-t-il pas saturé ? », se questionne le président. Faut-il aussi se diriger vers des cépages résistants ? « Certes, des vignes qu’on n’a pas besoin de traiter, on peut y voir un intérêt écologique et économique. Mais il nous faut aussi des cépages qui résistent à la sécheresse. Sur Suze-la-Rousse, nous sommes pénalisés avec un gros secteur très séchant et qui ne peut pas être arrosé », poursuit Olivier Salles. Sans oublier de reconsidérer la place du grenache, qui « manque de couleur et fait beaucoup de degrés », souligne-t-il, au profit de cépages mieux valorisés comme la syrah, le mourvèdre…

À La Suzienne, on recherche en tout cas tous les leviers possibles pour sortir de la crise et mieux s’armer pour l’avenir.

Sophie Sabot

La Suzienne en chiffres

Volumes 2023 : environ 50 000 hl, dont

- AOP Côtes du Rhône Villages rouge : 4 650 hl dont 1 460 hl de Villages Suze-la-Rousse,

- AOP Côtes du Rhône rouge/rosé/blanc : 20 250 hl,

- AOP Grignan les Adhémar rouge/rosé/blanc :  14 560 hl,

- IGP Méditerranée & Drôme rouge/rosé/blanc : 10 100 hl,

- Volume global des rosés : 8 850 hl. 

-  Volume global des blancs : 5 730 hl.

Volumes 2022 : environ 56 000 hl.

Volumes 2021 : environ 58 000 hl.