Bien gérer l’alimentation des porcs élevés en plein air
En production porcine, l’alimentation constitue un des piliers fondamentaux du système et la principale composante du coût de production (jusqu’à 80 %) : il est donc primordial de bien la maîtriser et de tendre vers un maximum d’autonomie afin de rationaliser les coûts.

En race rustique, on utilise souvent un seul aliment à 15 % de MAT (matière azotée totale) afin qu’il corresponde grossièrement aux besoins de tous les stades pour l’engraissement des porcs. En fonction des besoins des différents lots, il reste ensuite possible de moduler l’alimentation grâce à l’utilisation de céréales ou de protéagineux bruts. Par exemple, cela peut correspondre à un rajout de triticale dans une ration de porcs en finition afin de baisser la teneur en MAT, tandis qu’au contraire il faudra plutôt renforcer sa teneur pour la ration des porcelets, en rajoutant de la féverole par exemple.
Attention : ces ajustements sont possibles lorsque le système de commercialisation est calé sur de la vente directe, ce qui permet de moduler les sorties d’animaux en jouant sur les dynamiques de croissance. Les valeurs alimentaires de référence des principales céréales et légumineuses brutes proposées par l’Itab, conçues à partir d’élevages de porcs bio de races roses classiques en bâtiments, servent de base pour caler l’alimentation. Afin de rationaliser le coût alimentaire, elles sont toutefois ajustables pour les porcs rustiques élevés en plein air qui sont moins exigeants et bénéficient notamment d’une alimentation beaucoup plus diversifiée du fait de leur accès au milieu naturel. Malgré tout, la lysine reste un facteur limitant important chez le porc. Contrairement aux ruminants, les monogastriques ne peuvent subvenir à leurs besoins en acides aminés essentiels qu’à travers l’alimentation. Quel que soit l’aliment, fermier ou acheté à l’extérieur, il faut viser une valeur proche de 1 g/MJ d’énergie nette afin de ne pas risquer de freiner la croissance musculaire et squelettique des porcs. Parmi les matières brutes disponibles, le triticale constitue une céréale de choix pour les porcs car elle a l’avantage d’être la moins pauvre en lysine.
En cas d’aliment fermier, il est aussi important de rajouter du minéral (environ 2 % de la ration) et du sel (environ 0,3 % de la ration), ce dernier étant indispensable au bon fonctionnement des cellules, en particulier pour la gestion des interactions avec le milieu extérieur (variations de température).
Distribution de l’aliment : toujours veiller au grain !
Attention à la granulométrie : la taille des aliments doit être comprise entre 0,2 mm et 1 mm. En dessous de 0,2 mm, cela crée trop de poussières et risque d’impliquer des problèmes respiratoires. Si c’est le cas, il peut être intéressant de mouiller l’aliment avant de le distribuer, ce qui a aussi l’avantage de ralentir la vitesse d’ingestion des cochons. Au-dessus d’1 mm, les aliments ne sont tout simplement pas digérés et sont éliminés dans les fèces ! En plein air, il est primordial d’investir dans des réfectoires pour la distribution des aliments. L’objectif est double : il s’agit de pouvoir rationaliser l’alimentation individuellement afin de maîtriser l’état des animaux en limitant la concurrence, d’économiser des aliments en réduisant le gaspillage, mais aussi de disposer d’un moyen de contention !
Ne pas négliger les fourrages
Obligatoires en bio, les fourrages ont l’avantage de permettre de stabiliser l’ingestion des porcs : 10 à 15 % de la ration peuvent être remplacés par des fourrages (ingestion de 1,5 à 2 kg de matière sèche/jour) sauf en fin de gestation car la truie est plus fainéante pour pâturer et dispose de moins d’espace au niveau de l’estomac. Ils peuvent aussi permettre de favoriser plus de calme chez les animaux s’ils sont en déséquilibre, par exemple en calmant des truies qui auraient tendance à écraser des porcelets (effet génétique à prendre en compte également). En revanche, il n’est pas intéressant de dépasser les 15-20 % d’incorporation dans la ration car, au delà le risque est de tomber en excès de cellulose. L’idéal est de fonctionner avec un fourrage à 15 % de MAT. L’enrubannage peut être incorporé sans risque de mycotoxines s’il est bien conservé (pas de trou pour garantir une bonne fermentation anaérobie et une bonne acidification). Concernant le pâturage, contrairement aux idées reçues, le cochon sera d’abord brouteur avant d’être fouisseur tant qu’il a à sa disposition de l’herbe de qualité ! Cela signifie pour lui une herbe riche en sucres. Il est donc primordial de bien gérer la rotation des parcs afin de suivre la pousse de l’herbe, toujours garder les prairies en état, et favoriser une logique agronomique d’utilisation de la matière organique. En cas de période de sécheresse et de manque d’herbe, les cochons peuvent au contraire être stationnés sur une parcelle dite « parking » qui aurait vocation à être débroussaillée ou labourée pour être remise en cultures.
Penser aux coproduits disponibles
Toujours dans l’optique de rationaliser le coût alimentaire, il est important d’identifier en début de projet toutes les sources d’alimentation qui vont être disponibles sur ou autour de la ferme. Il peut notamment être intéressant de faire le tour des coproduits disponibles en bio gratuitement ou à bas prix autour de chez soi, comme :
- Les tourteaux d’huilerie : plutôt privilégier le tourteau de colza au tourteau de tournesol qui peut être moins riche en MAT suivant son mode de pressage, et qui comporte souvent plus de cellulose. Dans tous les cas, il est indispensable de demander une analyse au fournisseur afin de connaître le taux de MAT, à la fois pour déterminer son taux d’incorporation dans la ration, mais aussi pour négocier le prix en fonction de sa valeur.
- Le petit-lait : comme pour les tourteaux, l’analyse du taux de MAT a toute son importance car ce dernier peut varier en fonction de l’espèce (vache, chèvre…) ou du produit (lactique, tomme…) dont il provient. Les porcs en sont très friands et il faut veiller à limiter leur incorporation à hauteur de 10-12 litres/porc/jour afin de ne pas risquer la survenue de diarrhées et une sur-sollicitation des reins (excès d‘urines). Il peut être donné jusqu’à l’abattage, sauf s’il y a une valorisation en charcuterie car cela peut ensuite entraîner des difficultés de séchage des jambons et des saucissons. Dans ce cas, il vaut mieux arrêter d’en distribuer au moins 3 ou 4 semaines avant l’abattage.
- Le son : d’une valeur d’environ 15 % de MAT, il permet d’économiser de l’aliment complet. En revanche, sa teneur en cellulose ne permet pas de dépasser plus de 15 % d’incorporation dans la ration.
Suivant l’environnement autour de la ferme, d’autres produits peuvent être utilisés dans l’alimentation des cochons comme des fruits et légumes non commercialisables, des graines brutes, des drèches de brasserie…
Marie Redon, animatrice technique en élevages (BIO 63)
Pour en savoir plus : Consultez le « Cahier technique : alimentation des porcins en agriculture biologique » en cliquant ici
Aliments protéiques non bio : réglementation européenne
Les aliments des porcs doivent être certifiés bio. Cependant, une part de 5 % d’aliments protéiques non bio reste pour le moment autorisée pour les porcelets de moins de 35 kg jusqu’au 31 décembre 2026. Cette autorisation pourra évoluer en fonction des aliments protéiques bio disponibles sur le marché. Elle reste soumise à plusieurs critères :
- la non-disponibilité en bio en quantités suffisantes,
- une production ou une préparation de ces aliments sans solvants chimiques,
- une utilisation limitée à l’alimentation des porcelets de 35 kg maximum avec des composés protéiques spécifiques et à un pourcentage maximum de 5 % de la ration (en matière sèche) sur une période de 12 mois glissants.