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ELEVAGE

Aux Prés nouveaux, l’autonomie comme credo

Lilian Berthelin s’est installé à Saint-Uze en 2006, en élevage intensif. Dix-huit ans plus tard, il a transformé son système pour réduire les intrants, tout en améliorant la viabilité de l’exploitation.

Aux Prés nouveaux, l’autonomie comme credo
À Saint-Uze et dans les communes voisines, Lilian Berthelin est installé sur une exploitation de 160 ha, avec des céréales (90 ha), des prairies (70 ha) et même 2 ha de châtaigniers plantés il y a deux ans. ©AD_PDeDeus

À Saint-Uze, Lilian Berthelin est éleveur bovin et céréalier depuis l’âge de vingt ans. C’est en 2006, qu’il rejoint Philippe Morel sur sa ferme laitière en tant qu’associé. Déjà, à l’époque, l’autonomie alimentaire lui trotte dans la tête. Mais avec quelque 70 ha, impossible de mettre en place son projet. Ce n’est que cinq ans plus tard, avec l’achat de terres à son père et son oncle également agriculteurs (25 ha à Claveyson et 30 ha à Fay-le-Clos), que Lilian et Philippe peuvent commencer à réduire l’achat de nourriture, avec des rations constituées d’herbe pour moitié et de maïs, pour la centaine de bêtes. « C’est là qu’on a commencé à gagner de l’argent avec le troupeau », explique Lilian. Car même avec 400 000 litres de lait produit chaque année, les deux associés ne pouvaient se verser un salaire chacun. Cette situation pousse le jeune éleveur à se tourner vers les vaches allaitantes, après le départ de Philippe Morel en 2017. « Je ne voulais pas faire du lait seul, c’est trop contraignant ! Et le prix n’était pas mirobolant », se souvient-il.

Des pâturages tournants

Petit à petit, les Limousine remplacent les Holstein à l’EARL des Près nouveaux. Cette transformation facilite encore la transition vers un système extensif. Désormais, les vaches sont moins nombreuses et peuvent pâturer près de neuf mois dans l’année sur des prairies naturelles. Sur 20 ha, les cinquante bêtes (dont 22 mères) tournent régulièrement. « Par exemple, en ce moment, les 15 génisses sont sur un parc de 6 ha, divisé en trois parties, et déplacées tous les dix jours », illustre l’éleveur. Dès qu’un pré est libéré, Lilian Berthelin s’attèle au broyage de la parcelle pour favoriser encore la pousse de l’herbe et sa qualité. « Vous voyez ces parcelles, dit-il en pointant du doigt deux prés face à l’étable. L’une a été broyée et pas l’autre, et quand on regarde les touffes d’herbe à droite on voit bien la différence. Si je mets les vaches, elles n’y toucheront pas », assure-t-il. 
Pour viser l’autonomie, c’est d’ailleurs principalement sur la qualité nutritionnelle des aliments que s’appuie l’agriculteur, quitte à réduire les rendements. Chaque année, 50 ha de prés sont fauchés dès la mi-avril pour maximiser la valeur alimentaire, avec parfois une seconde coupe à l’été. Sur les parcelles dédiées aux céréales, des couverts végétaux sont aussi semés en interculture pour préserver les sols, en améliorer la qualité et limiter l’érosion. Parmi les espèces privilégiées aux Prés nouveaux, les trèfles sont particulièrement adaptés aux sols acides et sableux du secteur et présentent une source de protéine particulièrement intéressante pour les bêtes, après ensilage. D’autres espèces comme le ray-grass ou la luzerne sont aussi semées chaque année. L’hiver venu, ces stocks constitués avant les chaleurs estivales permettent de nourrir la cinquantaine de bêtes avec 90 % d’herbes. Pour le reste, Lilian Berthelin intègre de l’orge qu’il cultive également sur la ferme. « Mon troupeau est 100 % autonome ! Hormis les minéraux et les pierres à sel, je n’achète plus d’aliments », assure-t-il.

Un système d’agriculture intégrée

Aujourd’hui, Lilian Berthelin tire 70 % de ses revenus de ses 90 ha de céréales (maïs, blé dur, blé tendre, orge, colza). La majeure partie est collectée par la coopérative Drômoise de céréales et le reste est gardé sur la ferme pour nourrir le troupeau. Et si les Limousine ne représentent que 30 % du bénéfice pour de nombreuses heures de travail, l’agriculteur est convaincu de l’intérêt de cet atelier : « C’est important d’avoir des bêtes sur une exploitation ! insiste-t-il. Par exemple, pour le maïs, je ferais 15 quintaux de moins sans fumier… Je dirais qu’au moins 20 % du rendement peut être imputé à l’élevage. » Un amendement naturel qui, là encore, lui permet de réduire la dépendance aux intrants.
Pour les prairies temporaires, l’éleveur envisage même de se passer d’engrais minéraux. « J’avais déjà limité à 100 kg d’ammonitrates et 30 unités d’azote, mais vu les prix cette année, c’est la dernière fois que j’en achète », annonce-t-il. Sans ces engrais, il calcule une perte d’environ une tonne par hectare. « De quatre tonnes de matière sèche, je vais passer à trois », indique-t-il. Désormais, plus question de booster les plantes au maximum, la stratégie de Lilian Berthelin repose sur l’équilibre d’un système autonome. « Si on enlève un élément, ça ne fonctionne plus, c’est un tout », résume-t-il. Un tout basé sur l’élevage, les pratiques agronomiques, mais surtout la surface qui offre une meilleure résilience face aux aléas. « Et ces dernières années, le changement climatique m’a conforté dans ce choix », assure-t-il. Grâce à ses 1 500 m² de bâtiment, il peut notamment stocker le foin nécessaire avec au moins une année d’avance.

L’éleveur de 38 ans apprécie les Limousine pour leur rusticité et leur facilité de vêlage. ©AD_PDeDeus

La génétique, nouvel enjeu

Désormais, pour Lilian Berthelin, l’objectif est d’augmenter légèrement le troupeau : « J’aimerais monter à 25-30 mères pour pouvoir remplir le bâtiment tout en gardant mon autonomie alimentaire. » L’éleveur travaille également l’aspect génétique, avec l’acquisition de génisses Limousine inscrites au Herdbook dans une ferme voisine. « Son taureau était utilisé pour la reproduction, précise-t-il. C’est un très bon troupeau ! » À terme, le travail sur le cheptel pourrait poser la question de la valorisation de la viande. Actuellement, Les Prés nouveaux passent par Dauphidrom pour vendre leur production, sans que la qualité soit toutefois rémunérée à sa juste valeur. « Je réfléchis à ça... Mais la vente directe, j’en ai fait un peu en 2017 et seul ça reste très compliqué. C’est un autre métier ! »

Pauline De Deus