Aide-toi et le Père Pedro t'aidera

«Bienvenus à Akamosoa ». Une grande banderole suspendue accueille les visiteurs. Fondée il y a trente ans, sur les hauteurs de la capitaleTananarive par le Père Pedro, figure emblématique, cette petite « ville » est le fruit de sa dévotion et de son amour pour Madagascar. Le lazariste argentin, aujourd'hui âgé de 71 ans, a sorti des milliers de familles de la misère en trois décennies (lire plus bas). Ce sont ces mêmes familles qui, tous les dimanches matin, après avoir enfilé leur plus belle tenue, viennent assister à sa messe, mélange de cérémonie formelle et de folklore populaire.
Ce dimanche 1er décembre, le stade couvert de Manantenasoa, où se déroule la cérémonie, est plein à craquer. Entre 10 000 et 11 000 personnes prennent place là où habituellement les enfants d'Akamasoa s'entraînent. Les anciens, les hommes, les femmes et leurs nouveau-nés en écharpe s'installent de part et d'autre des gradins. Les enfants de l'école primaire du village du Père Pedro s'assoient calmement sur d'énormes toiles posées à même le sol, en plein milieu de la salle.
Le symbole de la maison
Les chants et les danses s'enchaînent pendant que les sourires et la joie s'installent sur les visages. Grands et petits entonnent des chants religieux qui s'apparentent à des chansons très joyeuses, invitent à bouger et à suivre les mouvements de la foule. L'envie de danser commence à se faire sentir. « Vous pouvez observer que les enfants et la couleur de leurs habits forment une maison. Les élèves vêtus en bleu symbolisent la porte, ceux qui représentent le toit portent de l'orange, du rose pour ceux qui indiquent l'entrée de la maison. Enfin, ce petit noyau d'élèves en jaune indique les piliers qui tiennent la maison.
A côté, une file indienne d'enfants en vert bien alignés forment un arbre », explique Nirina Lorette Yvonne Hantalalao Lalao, responsable pédagogique de l'école primaire du Père Pedro Manatanasoa. C'est elle et ses collègues qui ont encadré les élèves. « Les répétitions ont duré seulement cinq jours. Toutes les semaines, une école différente joue le jeu et vient chanter de nouveaux chants, proposer de nouvelles danses. Primaire, collège, lycée, et même les universitaires. Tout le monde s'investit. Dimanche prochain, ce sera au tour des collégiens d'Akamasoa », indique-t-elle.
Des percussions et des danses liturgiques
Sur la tribune, près du Père Jean Lucien, qui remplace ce dimanche le Père Pedro, les enfants de cœur donnent le « la » aux premières notes des chants rythmés. Ils sont accompagnés, quelques rangs plus bas, par cinq musiciens en fusion complète avec leur instrument : un accordéoniste, un guitariste et trois tambourineurs. Parmi eux, Brice Hugues Rakoto, 27 ans. « Je suis arrivé dans le village d'Akamasoa en 1994, à l'âge de 2 ans. Cela fait dix ans que je joue à la messe du Père Pedro. Il arrive même que je sorte ma batterie pour certaines occasions. Mon frère de 12 ans,
Tony, joue du tambour aussi depuis trois ans. Le Père Pedro est le papa de tout le monde ici. On l'adore », s'exclame-t-il. Dans cette messe atypique entre deux danses liturgiques entrainantes, des rites plus classiques, proches de ceux réalisés pendant les messes données en Europe, marquent les temps forts de la cérémonie religieuse. Au bout de presque deux heures, une longue procession se met en place, des gradins jusqu'à ce qui fait office d'autel. Au moment de la communion, une horde de fidèles s'avance pour aller chercher l'hostie. Un vieil homme courbé s'arrête face à la représentation du Christ en croix. Accroupi, il se recueillera un long moment avant de rejoindre sa place et de poursuivre jusqu'à la fin de la messe.
Alison Pelotier
Projet de vie / Akamasoa, c’est le nom d’une petite ville fondée par le Père Pedro sur les hauteurs de la capitale malgache.

Akamasoa, la cité de l’espoir
«La pauvreté, ce n’est pas une fatalité ». C’est grâce à cette conviction personnelle que le Père Pedro a réussi à sauver 25 000 familles de la misère la plus extrême en trente ans. Pour elles, le souvenir de l’énorme décharge d’Andralanitra dans les rues de la capitale, n’est heureusement plus qu’un lointain souvenir.Afin de sortir ces familles de ce lieu inhumain, le religieux a mis tous les moyens de son côté pour permettre à une véritable ville dans la ville de voir le jour sur les hauteurs de Tananarive. Ici, plusieurs dizaines de petites maisons blanches aux fenêtres bleues et vertes ont pris place au fil des années, les unes à côté des autres.
« La condition pour accéder à un logement, c’est le respect de règles simples. Les parents doivent travailler, leurs enfants doivent être scolarisés et chaque habitant doit respecter une certaine discipline de vie en communauté », explique Michel Chevallay, membre du conseil d’administration de l’association des « Amis du Père Pedro ».
La discipline à suivre à Akamasoa s’appelle la « Dina », une convention élaborée par les habitants eux-mêmes (pas de drogue, pas d’alcool, pas de jeux et pas de prostitution), mais elle est souvent difficile à appliquer, la vie restant encore trop dure pour beaucoup.
« On a du travail, on a de la chance »
« Alors qu’il y a trente ans encore des familles habitaient dans cette carrière, reprend-il, aujourd’hui plus personne n’y vit ». Dans cette « arène de pierres », les habitants de la colline d’Akamasoa y travaillent pour un euro par jour. « Il y a quelques temps, je m’y suis rendu. Un groupe de femmes était en train de casser des cailloux avec le sourire aux lèvres. Lorsque je leur ai demandé si ce n’était pas trop dur, elles m’ont répondu : Oui, un peu mais ce n’est pas grave, on a du travail, on a de la chance ». A cette carrière, les villageois y sont particulièrement attachés. C’est elle qui leur permet de se nourrir et de construire leur village. Ils l’appellent la « cathédrale » car c’est ici aussi qu’ils assistent à la messe du dimanche, lorsqu’il n’y a pas assez de places dans le gymnase. « Ce lieu est tellement grand qu’une myriade de personnes peut y rentrer », précise Michel Chevallay. Quant au loyer, ceux qui ne gagnent pas assez pour le payer entièrement, le Père Pedro, les aide par le biais de l’association.
Des centres d’accueil d’urgence
C’est grâce à l’association des « Amis du Père Pedro » qu’il peut bénéficier tous les ans de plusieurs aides collectées lors de tournées régulières sur des continents plus favorisés.
Cette aide temporaire, d’urgence et passagère, soutient des personnes qui ensuite retournent dans leur logement en ville. « Dans les cinq centres de la capitale nous avons une maternité. Les plannings familiaux sont présents aussi, sauf dans le village d’Andralanitra. Nous encourageons les femmes à avoir moins d’enfants. Ce n’est pas simple car la contraception ici n’est pas bien comprise et acceptée par les mères de famille », ajoute-t-elle. Une piqûre contraceptive tous les mois ou tous les trois mois leur est proposée mais cela demande une certaine régularité à laquelle elles ne sont pas habituées. Les Malgaches ont en moyenne quatre enfants avec un taux de mortalité qui s’élève à plus de 45 %. L’actuel président du pays, Andry Rajoelina est le seul chef d’Etat à être venu visiter le village du Père Pedro depuis sa création. Il a affirmé qu’il « sortirait son peuple de la misère ». Une promesse difficile à tenir dans un pays rongé par la corruption. L’ONG Transparency International classe la « Grande Île » parmi les pays les plus corrompus au monde, au 152e rang sur 180 pays. Une corruption présente à tous les niveaux et un combat titanesque à réaliser pour l’éradiquer.
Alison Pelotier
1 l’autre nom de la capitale de Madagascar, Tananarive.