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Élevage caprin

Acidose : des facteurs et des symptômes multiples

L’acidose ruminale subaiguë ou latente est un syndrome régulièrement observé chez les chèvres à niveau élevé de production.
Acidose : des facteurs et des symptômes multiples

Pour produire plus de lait, les animaux ont besoin de rations à haute valeur nutritive, donc riches en concentré. Les caprins, dont le lait est aujourd'hui bien valorisé, n'y font pas exception. Lors de la journée portes ouvertes du Pep caprin au Pradel, Sylvie Giger-Reverdin, chercheur à l'Unité mixte de recherche à l'Inra-AgroParisTech Mosar (1), a montré les limites de ce type de conduite alimentaire, en l'occurrence, les crises d'acidose.

Habitudes et régimes alimentaires en cause

Cette pathologie métabolique se caractérise par un pH ruminal plutôt acide, compris entre 5,5 et 6,2. Plusieurs facteurs peuvent favoriser ces épisodes, à commencer par l'alimentation. « Rien qu'introduire un aliment acidifie le rumen avant même toute fermentation », souligne Sylvie Giger-Reverdin, qui propose une classification de 14 aliments. Par exemple, les pH de solutions d'eau contenant du manioc (5,7) ou de l'orge (5,77) sont plus bas que le pH de celles à base de tourteaux de soja (5,95), de maïs (6,04) ou de sorgho (6,1), prouvant la plus grande acidité du manioc et de l'orge. Elle note aussi l'importance du rythme d'ingestion des animaux. Une expérience menée durant 11 semaines sur 12 chèvres (saanens et alpines) a montré que la rapidité d'absorption de la ration n'est pas anodine. Analysé trois heures après la distribution, le pH ruminal s'avère plus acide lorsque la chèvre a mangé rapidement. Le taux de concentré de la ration n'y est pas étranger non plus. Les chèvres qui passent d'un régime normalement dosé en concentré (52,5 %) à un régime plus riche (70 %) augmentent leur rythme d'ingestion, puis la rediminuent et se régulent afin de contrecarrer une crise d'acidose. L'étude du comportement masticatoire témoigne du lien entre répartition des prises alimentaires dans une journée et acidité du rumen. « Lorsque l'animal fait un gros repas (animal glouton), le risque d'acidose est plus élevé que pour un animal dit grignoteur », explique Sylvie Giger-Reverdin.

Concilier rendement et santé de l'animal

Les conséquences de l'acidose ne se limitent pas aux modifications des comportements alimentaires, hautement révélatrices. Cette pathologie peut déclen-
cher un déplacement de la caillette, des abcès du foie ou encore la boiterie (plutôt chez les bovins). Elle peut aussi toucher à la productivité des animaux atteints : la production de lait peut chuter de façon conséquente (- 50 % sur 4 jours constaté durant l'expérimentation), avec un retour à la normale très progressif, entre 15 et 20 jours. Les acides gras volatils du jus de rumen peuvent aussi être modifiés, conduisant à un changement du taux butyreux du lait. L'objectif est donc « de distribuer une ration riche mais qui n'altère pas la santé des bêtes ». Une réflexion peut également être menée autour de l'introduction de substances tampon (2), par exemple le bicarbonate de sodium (additif), le son de blé ou les graines de lupins, aliments riches en fibres. La salive (pH 8,2), générée lors de la mastication, est le premier de ces agents régulateurs par son apport en constituants basiques. Au contraire, les rations faibles en fourrage sont moins ruminées, ce qui peut aboutir à une baisse du pH.
Malgré tout, Sylvie Giger-Reverdin nuance : « l'apparition de l'acidose dépend de l'animal et elle est imprévisible (3) ». Les chèvres bénéficient d'une certaine aptitude à y faire face, grâce à différents réflexes comme le tri ou la sur-mastication. 
Tiphaine Ruppert
1. Mosar : modalisations systémiques appliquées aux ruminants.
2. Pouvoir tampon : capacité d'une solution ou d'un aliment dans une solution à absorber des acides ou des bases sans changer de pH.
3. On peut conclure à un épisode d'acidose si au moins deux paramètres (chute du pH, de la matière sèche ingérée et de la production de lait) sont observés pendant deux jours consécutifs.