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À vos malts lance un appel aux producteurs locaux d’orge bio

Une quinzaine d’agriculteurs ont répondu présent à l’invitation de Valence Romans Agglo et de ses partenaires (voir encadré), jeudi 3 octobre. Cette rencontre autour de l’orge bio et local, organisée à la malterie À vos malts, a attisé leur curiosité. Ils sont venus des quatre coins du département, et même au-delà puisque certains venaient d’Ardèche et du Rhône. Voilà trois années que Jean Girardeau-Montaut, épaulé par sa compagne Tiphaine, a fondé l'entreprise. Ce dernier, ingénieur de profession, a lui-même conçu son système de malterie et signé un contrat d’exclusivité avec un chaudronnier. Près de 30 systèmes conçus par ses soins ont été vendus à travers le monde. Avec un approvisionnement de 36 % chez des producteurs régionaux, l’entreprise souhaite aller plus loin. « Nous ne sommes pas obligés d’aller en Allemagne ou en Belgique pour trouver du malt. Nous voulons jouer le jeu du local, et nous comptons sur les brasseries pour faire de même », souligne le chef d’entreprise.

Des critères de sélection bien précis 

Jean Girardeau-Montaut dresse le portrait du grain idéal. La variété qui « plaît le plus » selon lui, c’est la RGT Planet. D’autres variétés, comme la Lauréate ou l’Explorer peuvent aussi convenir. Le chef d’entreprise vise une pureté variétale d’au moins 93 %. Autre critère important, le taux de protéines qui doit se situer entre 9 et 11 % (ou 8 % pour les mauvaises années). Le calibrage doit lui aussi remplir certaines exigences : 90 % des grains doivent faire au moins 2,5 millimètres. Pour le taux de germination, « il faut que 95 % des grains aient germé en trois jours », précise Jean Girardeau-Montaut. Venu témoigner de sa collaboration avec la malterie depuis deux ans, Samuel Douville, exploitant dans le Rhône, a expliqué aux producteurs intéressés sa manière de fonctionner. « Nous pour le calibrage, on a un trieur rotatif. Il y a parfois un petit stress avec le risque que le camion revienne si les grains ont un défaut, confie ce dernier. Ça reste plaisant de se dire qu’on valorise en local ». Il s’interroge toutefois sur la mutualisation du stockage qui permettrait de faire baisser les coûts, notamment via une Cuma. Une réflexion dont prennent note les experts présents.

Chambre d’agriculture, agglomération et associations ont assisté à la rencontre. ©ME-AD26 


Pour appuyer ces propos, les agriculteurs ont bénéficié d’un itinéraire technique présenté par Jean Champion, conseiller spécialisé grandes cultures bio à la chambre d'agriculture de la Drôme. « L’orge a un intérêt pour le bio et pour les rotations, notamment avec le blé. Elle est plus résistante, explique-t-il. Il faut une alimentation azotée mais pas un taux de protéine trop important. L’orge ne doit pas être plantée derrière de la luzerne ou de la lentille par exemple. » Conseil : opter pour des variétés de printemps, « les préférées de la filière », qui ne sont pas exposées à la jaunisse nanisante de l'orge (JNO). Ces variétés de printemps peuvent être plantées en automne malgré le risque de vague de froid. « Une orge bien implantée peut tenir jusqu’à -15 voire -18 degrés », selon Jean Champion. Il s’appuie sur des essais variétaux¹ d’orge brassicoles bio réalisés depuis trois ans dans la région. 

« On est là pour parler de volumes »

« Où trouver les semences ? Quelle fertilisation ? », s’interrogent les agriculteurs présents. Pour réaliser des semences fermières, Jean Champion conseille de conserver les meilleurs grains donc « les gros calibres ». « Il faut s’assurer qu’il n’y a pas de mélanges. Ça serait une rupture de confiance et la fin du contrat », prévient Jean Girardeau-Montaut. Concernant l’épandage, « tant qu’on peut se passer d’engrais organiques du commerce, c’est mieux », préconise le conseiller de la chambre d’agriculture en ajoutant : « Le fumier de volailles par exemple, il n’y a rien de mieux pour fertiliser ». Jean Girardeau-Montaut souhaite commercialiser des lots d’au minimum 30 tonnes « et augmenter au fil des années, 90 tonnes, c’est bien. Aujourd’hui, on est là pour parler de volumes ». En effet, À vos malts possède une capacité de 1 500 tonnes actuellement. 

Jean Girardeau-Montaut a fait visiter la malterie qui s’étend sur un bâtiment de 2 000 m². ©ME-AD26 

Une quantité qui fait réfléchir les producteurs. « La diversification permet de trouver un équilibre en agriculture. Il faut innover et redonner de la valeur ajoutée grâce à des marchés de niche, estime Patrick Crémillieux, exploitant à Saint-Bardoux. Ce qu’il va me manquer, c’est la superficie agricole utilisée pour produire 30 tonnes ». Pour Mélanie Chancel, productrice à Allex, « le problème c’est le stockage. On ne peut pas investir dans un autre bâtiment, déclare celle qui travaille avec une coopérative. On a subi une baisse de prix l’année dernière et donc un déficit. Ça m’intéressait de venir car je produis de l’orge bio quand je suis coincée derrière un blé et au niveau de l’irrigation. C’est pratique pour les rotations ».
Jean Girardeau-Montaut conseille de travailler avec des silos ventilés et de stocker à une température d’environ 15 degrés précisant aussi que la présence d’insectes n’est pas souhaitable. Il rappelle aux producteurs qu’actuellement la filière fourragère valorise l’orge autour de 280 € la tonne contre « au moins » 150 € de plus pour la filière brassicole. À la question, « jusqu’à combien de tonnes vous souhaitez monter pour la malterie ? » Le chef d’entreprise voit grand avec ses 3 000 m² de réserve foncière. «  Aujourd’hui nous sommes à capacité mais on va doubler d’ici deux ans. Donc, la limite c’est le ciel »…

¹ Trois chambres d’agriculture participent aux essais depuis 2022 : la Drôme, le Puy-de-Dôme et l’Isère. 

La filière brassicole

  • 33 litres de bière/an par habitant français.
  • 1er pays européen en nombre de brasseries.
  • 1 500 brasseries en France dont 750 en bio et 144 en Auvergne-Rhône-Alpes.
  • 4 malteries dans la région.

Les « fabriques », des groupes d’experts identifiés

Dans le cadre de son projet agricole et alimentaire durable du territoire (PAADT), Valence Romans Agglo appuie la structuration des filières locales et accompagne les porteurs de projets. Pour organiser cette rencontre autour de l’orge bio et local, elle s’est appuyée sur un groupe d’experts techniques réunissant : le Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes, la chambre d’agriculture de la Drôme, le Club drômois d’alimentation et Agribiodrôme. Mis à disposition selon les besoins des filières depuis 2023, ce type de groupe d’experts est appelé les « Fabriques ».

Morgane Eymin