L’élevage du lapin bio : un métier en émergence
Chaque année, 48 millions de lapins sont produits en France en moyenne, dont pas plus de 20 000 lapins conduits en agriculture biologique. Une offre de viande de lapin bio encore faible face à une demande forte et grandissante sur le marché national.

«La filière est balbutiante dans le reste de l’Europe, 95 % du lapin bio est produit en France », constate Thierry Gidenne, directeur de recherche à l’Inrae*, spécialisé sur les systèmes cunicoles. Cette production s’est construite sur un cahier des charges national mis en place en 2000 puis en 2010 pour développer la filière et apporter des éléments de connaissances sur la conduite de cet élevage. La réglementation européenne évoluera à nouveau dès le 1er janvier 2022. « Globalement, nous possédons peu de connaissances sur la conduite du lapin en bio. C’est un métier en émergence mais un vrai métier, une technique qui s’apprend au même titre que d’autres élevages. Il y a beaucoup de choses et de choix à faire en tant que cuniculteur », affiche Thierry Gidenne.
La production de lapin bio peut combiner plusieurs ateliers, de l’élevage à la vente, en passant par l’engraissement, l’abattage et la transformation, d’où l’intérêt de « trouver une bonne complémentarité entre la conduite de son élevage et la vente de sa production », prévient Thierry Gidenne. « La saisie des performances et des actions de reproduction est essentielle. »
Les principes clés du dernier cahier des charges français « lapin bio » reposent sur une alimentation 100 % bio et à 70 % fournie par l’exploitation, un accès important au sol et au pâturage, ainsi qu’un apport d’au moins 60 % de fourrage grossier dans leur alimentation et d’éléments fibreux si le pâturage est insuffisant.
Accès à l’herbe et apports alimentaires
« Le lapin est un véritable herbivore qui consomme des aliments très diversifiés », confirme Thierry Gidenne. « Ses prairies peuvent être semées et doivent être riches en protéines via les légumineuses, présenter un bon équilibre. » Leur ration alimentaire basée sur les fourrages et le pâturage doit être complétée, particulièrement pour les femelles en lactation, par un mélange de céréales (ou d’aliment complet granulé). Cette ration peut être diversifiée, avec des racines (betteraves, etc.) des déchets de légumes, des châtaignes… Le lapin est un animal sensible aux variations de son environnement, prévient Thierry Gidenne, qui réclame une observation quotidienne de son état de santé. « Il faut absolument le vacciner pour deux maladies majeures : la myxomatose et la VHD (variant 2). Il faut aussi gérer le parasitisme intestinal (coccidies, vers), par exemple en assurant une rotation de parcs de pâturage avec d’autres espèces, ou avec des cultures (céréales, légumineuses). » Pour un plein-temps en cuniculture AB, il faut gérer un troupeau d’environ 80 lapines, pour une surface de pâture de 4 à 5 ha, et autant de céréales. L’élevage de lapins en bio s’associe utilement à celui de la volaille ou d’autres espèces pour offrir une vente diversifiée à la ferme, et réduire les risques économiques liés à une monoproduction.
A. L.
* Inrae : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
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Lapin bio : performances et clés de réussite
La filière lapin bio se développe doucement face à une forte demande. Ce type d’élevage nécessite de bien raisonner la conduite et les performances de son troupeau.
Différents bâtiments d’élevage existent pour la conduite du lapin bio, le plus souvent conçus de manière artisanale. « Chaque éleveur a sa propre façon de faire mais attention à bien protéger les parcs extérieurs de fil électrique contre la prédation, avec des filets à petits trous pour éviter que les lapins ne se coincent dedans. » À partir du 1er janvier 2022, la réglementation européenne imposera aux abris une surface minimum de 2,5 m2 et une hauteur suffisante pour que les animaux puissent se tenir debout les oreilles dressées. Les lapins peuvent être élevés dans des enclos fixes de prairies ou mobiles quotidiennement déplacés, des parcs individuels (pour mettre à l’abri les mères notamment) ou collectifs (communément utilisés pour l’engraissement), des bâtiments offrant un espace extérieur d’herbe… Les enclos doivent être ventilés, ombragés et protégés de la chaleur. Les enclos mobiles peuvent être très utiles pour les rotations de parcs, conseille Thierry Gidenne de l’Inrae. « En période de pacage, on peut en installer près du pâturage également, ce qui peut permettre à des producteurs qui auraient peu de terrain de s’installer dans cette filière. » La prochaine réglementation applicable aux parcs collectifs utilisés pour l’engraissement stipule de mettre en place un parc par lot.
Reproduction et engraissement
Les races de lapins les plus présentes en production bio sont celles du géant papillon et de l’argenté de Champagne, plus ou moins fortes en matière de prolificité et de croissance. Le choix de la race doit avant tout s’adapter au secteur géographique du producteur, conseille Thierry Gidenne. « Les races connues pour avoir une forte prolificité ne sont pas adaptées aux conduites en bio car elles réclameront une alimentation plus intense, moins compatibles avec le pâturage. » Le ratio conseillé est d’un mâle pour cinq femelles, et une moyenne annuelle de quatre à cinq mises bas/lapine. Déployée fin 2020, l’application smartphone Gaela permet aux cuniculteurs de saisir toutes les données relatives aux performances de reproduction des lapins : accouplements, saillies, taux de fertilité, mises bas, palpations… Cet outil permet de veiller aux taux de perte, de mieux connaître son troupeau et gérer son évolution grâce à un calendrier d’actions. « Les performances peuvent être très différentes d’un élevage à un autre, donc les marges de progression sont très importantes », explique Thierry Gidenne. Il n’y a pas de cycle de reproduction chez la lapine. Les fortes chaleurs d’été peuvent impacter la qualité de semences des mâles, avec des effets sur la reproduction observés deux mois plus tard, nécessitant de les tenir au frais ou à l’ombre (arbres, etc.). Les lapereaux sont élevés par leur mère pendant au moins une cinquantaine de jours, voire davantage. « Attention à bien préserver l’intégrité des portées lors du passage en phase d’engraissement et veiller au transit intestinal entre les périodes de sevrage et d’engraissement. » Leur abattage intervient à l’âge de 4 à 6 mois selon le type d’élevage, en cages ou en parcs, leur alimentation et la pousse de l’herbe.
A. L.
