Energie durable
Un tracteur méthane unique au monde

En France, 382 sites de méthanisation agricoles produisent aujourd’hui un fertilisant et un gaz vert à partir des résidus des déchets de l’agriculture. Face à l’essor de ces nouvelles plateformes, une journée technique multi-partenariale s’est déroulée dans la Drôme. L’occasion pour New Holland de présenter son tracteur Méthane Power de série.

Un tracteur méthane unique au monde
La station mobile AgriGNV offre aux agriculteurs de bénéficier d’une autonomie sur la ferme pour le remplissage en biocarburant de leurs véhicules ou tracteurs.

C’est sur le site de Méthavéore à étoile-sur-Rhône qu’a eu lieu, le 20 septembre, une matinée d’échanges autour de la méthanisation dans le monde agricole organisée par la chambre d’agriculture de la Drôme, en partenariat avec GRDF, Prodeval, New Holland et Sicoit. Cette unité de méthanisation - née de la collaboration entre Carine et Olivier Courtial et Bruno Bouchet -, figure comme le premier site raccordé au réseau GRDF en Drôme. Les trois exploitants, qui cumulent environ 500 ha de terres (grandes cultures, semences, ail, vignes), injectent du gaz vert dans le réseau depuis deux ans. « Notre volonté était de devenir autonomes sur la fertilisation de nos cultures, grâce au digestat (co-produit de la production de biogaz) », a expliqué Olivier Courtial, aux quatre-vingt-dix personnes présentes, dont une majorité d’agriculteurs du territoire et des départements voisins.
Pour rappel, la méthanisation est un processus de fermentation de matières organiques et/ou végétales produisant du biogaz. Les résidus et déchets du monde agricole (lisier, fumier, cultures intermédiaires) et les biodéchets organiques sont aujourd’hui les plus utilisés. Le biométhane, gaz 100 % renouvelable produit à partir de ces déchets, peut ainsi servir de carburant. « Il permet de contribuer à la lutte contre le changement climatique avec plus de 80 % de réduction des émissions de CO2 par rapport au diesel », indique les partenaires de cette journée.

Jusqu’à 8 heures d’autonomie

L’occasion pour le constructeur New Holland de présenter le tracteur GNV* T6.180 Méthane Power de série, premier tracteur au monde à être alimenté à 100 % au méthane et commercialisé depuis l’automne 2021. « New Holland travaille sur les énergies propres depuis les années 2000, avec un objectif triple : réduire la dépendance aux énergies fossiles, améliorer l’empreinte carbone des utilisateurs et favoriser les énergies produites par les agriculteurs », explique Nicolas Morel, responsable produits tracteurs chez CNH Industrial France. En comparant les différents carburants alternatifs (fossile, biodiesel, gaz naturel et biométhane, électricité), New Holland peut aujourd’hui affirmer que la seule empreinte carbone négative est celle obtenue avec du biométhane issu d’effluents d’élevage. Le T6.180 Méthane est quasiment identique aux autres séries (puissance de 180 chevaux et 740 Nm de couple), à l’exception d’un nouveau moteur NEF 6 cylindres. « Ce moteur délivre les mêmes performances et présente la même durabilité que son équivalent diesel, mais avec des frais de fonctionnement nettement inférieurs (jusqu’à 20 % d’économie, ndlr) », indique Nicolas Morel. En effet, la combustion du gaz produit du CO2 et de la vapeur d’eau, ce qui va éliminer toute la dépollution compliquée du moteur diesel, sans nécessité d’ajouter de l’AdBlue®. Le gaz est stocké sous pression dans sept bouteilles (remplissage rapide, entre 5 et 7 minutes), pour une capacité de 190 litres de gaz (standard). « En fonction de leurs usages, les agriculteurs vont choisir, soit la polyvalence (chargeur, relevage avant), soit l’autonomie. Dans ce cas-là, il est possible de rajouter trois bouteilles à l’avant (3 x 90 L supplémentaires), dans un cadre de 700 kg », stipule Nicolas Morel. Ainsi, l’autonomie peut varier de 4 h 30 à 8 h, selon l’intensité des travaux réalisés.

Nicolas Morel (responsable produits tracteurs chez New Holland France) et Maxime Flanquart (responsable commercial chez Prodeval) ont présenté un tracteur GNV T6 et une station de recharge AgriGNV.

24 000 € de valorisation crédit carbone

Il existe aujourd’hui une vingtaine de tracteurs T6.180 Méthane en France. « Commercialisé par l’ensemble des concessionnaires New Holland, ce tracteur est destiné aux agriculteurs méthaniseurs, aux agriculteurs raccordés aux réseaux, mais aussi aux collectivités qui souhaitent réduire leurs émissions de CO2 (entretien des bords de route, déneigement, etc.) ou encore les entreprises du paysage et des travaux publics », annonce-t-il. L’investissement, par rapport à un modèle diesel, représenterait 20 % de plus, soit entre 160 000 et 190 000 €. Mais Nicolas Morel rappelle également les atouts du développement de la vente des crédits carbone : « Nous commençons à voir éclore des projets avec l’Association pour la promotion d’une agriculture durable qui vend des crédits carbone à 60 € la tonne de CO2 évitée. Ainsi, pour un tracteur comme le nôtre, après cinq ans d’utilisation et une moyenne de 600 heures par an, on estime à près de 400 tonnes de CO2 économisées, soit potentiellement 24 000 € de valorisation crédit carbone », conclut-il.
Amandine Priolet


* GNV : gaz naturel pour véhicule

Une station GNV, pour valoriser le biogaz

Leader dans le traitement et la valorisation du biogaz issu de la méthanisation des déchets organiques, Prodeval, société drômoise, a profité de cette matinée d’échanges pour présenter la station GNV AgriGNV®, réservée aux unités de méthanisation. « Nous avons développé la station AgriGNV®, qui intègre un module épuratoire, pour permettre de poursuivre le processus de valorisation du gaz », souligne Maxime Flanquart, responsable commercial chez Prodeval. « L’idée est de répondre aux enjeux d’indépendance énergétique, de valoriser du biogaz en sortie de digesteurs pour sortir du biométhane et ainsi permettre aux agriculteurs de substituer le carburant fossile par ce bioGNV pour faire fonctionner leurs véhicules ou tracteurs, poursuit-il. Cette station, en production continue, a une capacité équivalente à trois équivalents poids lourds par jour (sachant qu’un camion est capable de faire 550 km avec un plein) », ajoute-t-il. Facile à mettre en place sur site, cette solution offre ainsi aux exploitants agricoles la possibilité de rendre leurs fermes autonomes via un système d’économie circulaire. Côté investissement, il faut compter environ 350 000 €, équipé, livré et mis en place sur site (hors génie civil). Prodeval propose également une autre station du même type, CN’GREEN®, pouvant quant à elle se raccorder au réseau GRDF, dans une ville ou un site privé. 
A. P. 

Selon les besoins d’autonomie de l’agriculteur, des bouteilles de gaz peuvent être intégrées au châssis avant. © New Holland France
Biométhane

Le gouvernement intègre l’inflation au prix de rachat

Dans un communiqué paru le 23 septembre, le ministère de la Transition écologique annonce deux mesures en faveur de la filière biométhane, dont les projets valorisés par injection dans le réseau sont actuellement en grande partie à l’arrêt à cause de l’inflation des matériaux de construction et des prix de l’électricité. Comme demandé par l’association Biogaz Vallée, le ministère annonce d’une part « la revalorisation du tarif d’achat de biométhane pour tenir compte de l’inflation » (indexation sur l’inflation observée au moment de la signature du contrat d’achat) ; et d’autre part « un allongement du délai de mise en service des projets dont les procédures administratives sont achevées mais qui avaient pris du retard par rapport à leur construction ». Un décret doit paraître prochainement, annonce le ministère. Dans le détail, la filière attend un allongement du délai de construction des projets afin de donner le temps aux porteurs de projet de négocier des contrats d’électricité à meilleur marché. Pour 8 TWh de biogaz injecté actuellement dans le réseau via la méthanisation, 17 TWh seraient en projet, à comparer à une consommation française de gaz de 450 TWh, dont 75 d’origine russe habituellement, selon Biogaz Vallée.  

Les Cive, pari gagnant ?

Pour produire du méthane, diverses matières doivent être introduites dans l’unité de méthanisation : boues d’épuration, fumier, lisiers, effluents, déchets d’abattoirs, déchets de la restauration, déchets d’agriculture. Ces derniers contiennent notamment des menues pailles, des pailles de maïs, des déchets de céréales et de fruits ou encore des ensilages de cultures principales, de prairies permanentes ou de Cive d’hiver (seigle, triticale, orge, avoine, féverole, pois fourrager…) ou d’été (sorgho, tournesol, pois fourrager...). « Ces cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) sont implantées et récoltées entre deux cultures principales dans une rotation culturale », rappelle Stéphanie Chaverot, conseillère agronomie et environnement à la chambre d’agriculture de l’Ain. L’implantation des Cive a un intérêt agronomique majeur (couverture des sols) mais ces cultures permettent aussi de mobiliser et recycler des éléments nutritifs du sol, de lutter contre l’érosion et les adventices. « C’est également une grosse source de stockage de carbone », poursuit-elle. Toutefois, l’implantation des Cive présente quelques limites : pour les cultures d’été, il est nécessaire d’avoir des sommes de température et de pluviométrie suffisantes. Il est ainsi recommandé de favoriser des espèces résistantes à la sécheresse. « Eu égard au contexte drômois vis-à-vis de la ressource en eau, les Cive d’été sont à proscrire sur les territoires des bassins versants en déséquilibre quantitatif du point de vue de la ressource en eau, ajoute Olivia Isaac, conseillère grandes cultures à la chambre d’agriculture de la Drôme. Mais elles peuvent être envisagées sur des territoires moins affectés par le manque d’eau. » Enfin, les Cive d’hiver peuvent être utilisées dans l’alimentation du méthaniseur, à condition qu’elles s’intègrent dans une pratique agronomique vertueuse. 

 A. P.