CONSEILS
Les points clés de la conduite du troupeau caprin  en période estivale

En période estivale, une attention particulière est à apporter au troupeau caprin qu’il soit saisonné ou dessaisonné. Pour les saisonnés, l’objectif est de bien préparer la reproduction ; pour des dessaisonnés, de préparer la lactation suivante. Le point avec Aude Pasquet, conseillère caprin chez Adice*.

Les points clés de la conduite du troupeau caprin  en période estivale
L’été, il est impératif de proposer aux chèvres un fourrage le plus appétent possible. « Pour les saisonnées, l’enjeu sera de limiter la baisse du taux butyreux, souvent importante à cette période. Pour les désaisonnées, il s’agira de répondre aux besoins des chèvres en gestation », explique Aude Pasquet. ©Adice

Que l’éleveur ait fait le choix de conduire son troupeau en saisonné ou en désaisonné, la période estivale est une période clé dans la gestion du troupeau. « Pour les troupeaux saisonnés, c’est le moment de préparer la reproduction », rappelle Aude Pasquet, conseillère caprin chez Adice, qui intervient auprès d’éleveurs dans la Drôme, l’Ardèche et l’Isère. « Sur ces départements, les saillies ou IA pour les troupeaux saisonnés auront lieu majoritairement en août. Depuis trois ans, nous avons de plus en plus de demandes d’éleveurs pour sélectionner les chèvres destinées à une lactation longue (lire encadré). Souvent, l’éleveur souhaite commencer par là quand il s’agit de planifier la reproduction. Mais j’insiste toujours : ce n’est pas le premier critère à prendre en compte. Le plus important est de commencer par sélectionner les chèvres qui vont permettre le renouvellement du troupeau, que ce soit par IA ou saillie naturelle et quels que soient les objectifs de l’éleveur (amélioration des taux, recherche de belles mamelles, quantité de lait…) », argumente la conseillère. Là où certains éleveurs seraient tentés de mettre leurs meilleures chèvres en lactation longue, Aude Pasquet avertit : « Il y a un risque de perdre en génétique. Mieux vaut d’abord penser à faire progresser son troupeau. » 

Éviter tout stress

Une fois les chèvres pour le renouvellement choisies, la conseillère propose aux éleveurs de s’attarder sur les lactations longues. Dans ce lot vont par exemple pouvoir rentrer les chèvres pour lesquelles l’éleveur a noté des difficultés à la mise-bas ou encore des primipares trop maigres. « Pour ces primipares par exemple, une lactation longue va leur permettre de terminer leur croissance, précise la conseillère. Dans tous les cas, il est nécessaire de choisir des chèvres qui ont une bonne persistance de lait, soit entre 2,5 et 3 l/jour avant la période de mise à la reproduction, un peu moins pour les primipares, mais en aucun cas des chèvres en dessous de 2 l/jour ». Outre le choix des lots, bien préparer la reproduction de son troupeau, c’est aussi lui éviter tout stress dans cette période. « Le maître-mot, c’est pas de changement trois semaines avant et trois semaines après la mise à la reproduction, que ce soit sur l’alimentation, les bâtiments, les lots... », rappelle Aude Pasquet. Sans oublier, en cette période estivale, de veiller à prévenir le stress thermique (voir quelques conseils pour les bâtiments en encadré). 

Bien préparer la lactation suivante

Côté alimentation, la conseillère recommande de proposer un fourrage le plus appétent possible. Un conseil valable que le troupeau soit saisonné ou désaisonné. « Pour les chèvres saisonnées, l’enjeu sera de limiter la baisse du taux butyreux, souvent importante à cette période. Pour les désaisonnées, il s’agira de répondre aux besoins des chèvres en gestation », souligne-t-elle. Pour les troupeaux désaisonnés, c’est effectivement durant cette période estivale que se prépare la lactation suivante. « Il ne faut pas négliger cette période entre le tarissement et les mises-bas [soit de début juillet à septembre-octobre, ndlr] afin que les chèvres soient le plus en forme possible au démarrage de la nouvelle lactation. Souvent l’été, elles mangent peu à cause de la chaleur, d’où l’importance de leur distribuer un fourrage appétent et de bonne qualité et de veiller à une complémentation répondant au maximum à leurs besoins en gestation », insiste Aude Pasquet.  

Sophie Sabot

* Adice : Ardèche Drôme Isère Conseil élevage. 
Prévenir le stress thermique en bâtiment caprin
Les bardages ajourés coulissants peuvent permettre une ventilation optimale des bâtiments caprins en période de forte chaleur. ©Ciirpo

Prévenir le stress thermique en bâtiment caprin

Pour éviter le coup de chaud des chèvres, Aude Pasquet rappelle quelques principes. « Ventiler au maximum est la règle de base. Il faut ouvrir le bâtiment quand c’est possible. Mais pour les éleveurs drômois ou isèrois, la présence du loup complique les choses, notamment pour ventiler la nuit », signale la conseillère. Côté conception, les parois translucides sont à bannir sur les façades ouest, sud et sur le toit. « Si elles existent, il faut les condamner voire les déplacer et, dans l’idéal, qu’elles puissent s’ouvrir pour participer à la ventilation », suggère Aude Pasquet. Autre stratégie pour limiter les excès de température : l’isolation de la toiture. « Il y a un coût mais les études ont montré que c’était efficace », poursuit la conseillère. 
Pour ceux qui seraient tentés par la brumisation, mieux vaut s’assurer préalablement que la ventilation du bâtiment, qu’elle soit mécanique ou naturelle, est suffisante pour évaporer l’eau et ainsi évacuer la chaleur. « Sinon, les chèvres vont se retrouver dans une ambiance chaude et humide, ce qui n’est absolument pas bon pour elles », commente Aude Pasquet. 
Enfin, pour optimiser les possibilités de ventiler, elle suggère de s’intéresser à des solutions comme les bardages ajourés coulissants (voir photo) ou les filets brise-vent. 

S. Sabot 

Lactation longue : des références  à acquérir
Aude Pasquet, conseillère Adice, constate un développement de la pratique des lactations longues choisies dans les élevages en Drôme et Ardèche. ©Adice.

Lactation longue : des références  à acquérir

Si la pratique de la lactation longue - c’est-à-dire dépassant 485 jours - n’est pas nouvelle, elle a eu tendance à se développer depuis la crise de la Covid 19 durant laquelle la filière chevreaux a été particulièrement malmenée. « Cette crise a été un gros déclencheur et, avec le bouche-à-oreille entre éleveurs, je vois vraiment un développement des lactations longues depuis trois ans », commente Aude Pasquet. Que ce soit pour réduire la charge de travail en période de mises bas, pour proposer des produits toute l’année à sa clientèle chez les fromagers, pour mieux étaler le revenu sur l’ensemble de l’année chez les laitiers, pour éviter de réformer des chèvres à bon potentiel génétique suite à un échec de reproduction… les raisons qui vont pousser l’éleveur à maintenir des chèvres en lactation sont diverses. Face à la progression de la pratique dans les troupeaux français, les organismes techniques se sont mobilisés pour acquérir des références. Un premier travail à l’échelle du territoire rhônalpin a été réalisé par Fidocl Conseil élevage* qui a enquêté puis suivi treize élevages (saisonnés et désaisonnés) entre 2018 et 2020, dans le cadre d’un projet Pepit** financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Il a permis de lister des points de vigilance pour la pratique des lactations longues choisies. L’Institut de l’élevage, Idele, poursuit également ses travaux pour apporter un maximum de réponses aux éleveurs. Les premiers retours d’expérience ont été présentés lors de la journée portes ouvertes du Pradel en octobre dernier (infos à retrouver sur idele.fr). Aux éleveurs qui veulent développer la pratique, Aude Pasquet recommande de ne pas dépasser 40 à 45 % de l’effectif du troupeau en lactation longue. Au-delà, selon elle, il y a un vrai risque de compliquer le renouvellement si jamais le taux d’échec à la reproduction pour le reste du troupeau devait être élevé. 

S.Sabot

* Fidocl : Fédération inter-départementale des entreprises de Conseil élevage du Sud-Est.
** Pepit : Pôle d’expérimentation partenariale pour l’innovation et le transfert.