Domaine Giniès : à la conquête de nouveaux clients

À la tête du domaine Giniès à Piégon, Rémi et Julien Weinreich sont la septième génération à en écrire l’histoire avec leur mère, Chantal Giniès. « L’exploitation a toujours été très diversifiée. Beaucoup d’oliviers jusqu’au gel de 1956, des asperges, des tomates et des melons puis des abricots jusqu’à l’effondrement des prix au début des années 1990, raconte Rémi. Dès 1976, notre grand-père avait commencé à vinifier en Côtes-du-Rhône et dès 1990 l’ensemble de l’exploitation est passé en bio. »
En 2007, il rejoint sa mère sur l’exploitation qui compte alors une douzaine d’hectares en raisins de cuve, un hectare de raisins de table, un d’oliviers et un peu de maraîchage. « À deux associés en EARL, ce n’était pas viable. Nous avons donc agrandi au fil des opportunités », précise Rémi. En 2014, son frère Julien s’installe à son tour. Huit ans plus tard, ils exploitent 24 ha de vignes, dont 5 en Côtes-du-Rhône Villages Nyons, le reste en Côtes-du-Rhône, 10 ha d’oliviers, 1 ha de raisins de table, 1 ha d’abricots et 1 ha de courgettes. « Depuis quinze ans, nous avons restructuré l’exploitation qui était vieillissante. Notre priorité, c’était la production et la qualité de nos vins », confient Rémi et Julien.
Développer des circuits rémunérateurs
Le développement rapide du domaine les a conduits à se tourner vers le négoce. « 50 % de nos volumes passent par des négociants. Mais les cours des Côtes-du-Rhône, même en bio, n’ont fait que chuter pour se retrouver aujourd’hui en dessous des coûts de production », regrette Rémi. Désormais, ils comptent développer des circuits de commercialisation davantage rémunérateurs. Avec un agent commercial, ils ont misé sur l’approvisionnement de 55 magasins spécialisés bio, en région Auvergne-Rhône-Alpes et depuis peu en Bretagne et région parisienne. 25 % des volumes empruntent ce circuit qui s’est considérablement développé lors du premier confinement, compensant ainsi les pertes de marché auprès des restaurateurs. « Nous aurions pu passer par la centrale d’achat de ce réseau de magasins mais nous préférons travailler en direct avec chacun. Cela nous permet de fixer nos tarifs et nous offre davantage de sécurité qu’avec un client unique. Nous proposons également nos huiles et nos olives. L’association de nos produits nous ouvrent des portes », estiment les deux frères. Seul obstacle à cette stratégie, la nécessité d’avoir recours à des prestataires pour les nombreuses livraisons. Un fonctionnement qui pourrait lourdement pâtir de la hausse des tarifs engendrée par l’augmentation du prix des carburants.
Donner envie de pousser la porte du domaine
Plus récemment, ils ont fait appel à une agence commerciale pour toucher restaurateurs et cavistes sur Lyon et sa région. Des marchés « en devenir » qui représentent déjà 5 % des volumes. Ils misent enfin sur un développement des ventes locales. « La vente directe au caveau ne représente que 15 % de nos volumes. C’est quelque chose que nous n’avions pas forcément cherché à développer car le domaine n’était pas structuré pour une activité d’accueil. À terme, nous avons intérêt à montrer notre territoire pour faire découvrir nos vins », reconnaissent les associés. Si l’idée d’une activité œnotouristique commence à germer, ils souhaitent d’abord mieux faire connaître leur production localement, notamment leurs trois cuvées en appellation Côtes-du-Rhône Villages Nyons. Une commerciale assurera cette mission auprès des commerçants et restaurateurs locaux. Objectif : donner envie aux consommateurs de pousser la porte du domaine et de découvrir ce terroir si caractéristique de l’appellation.
Sophie Sabot
Le domaine Giniès
- 24 ha de vignes, essentiellement en rouge (grenache, syrah, cinsault) sous appellation Côtes-du-Rhône et Côte-du-Rhône Villages Nyonsais, un hectare en blanc (grenache blanc, clairette et viognier) sous appellation Côtes-du-Rhône Villages ;
- Volume vinifié en 2021 : 1 000 hl.
- 10 ha d’oliviers (commercialisation d’huile et olives de table en AOP Nyons) ;
- 1 ha de raisins de table ;
- 1 ha d’abricots (vente directe de nectars et confitures et vente à un semi-grossiste).
- 1 ha de courgettes de plein champ (vente à un semi-grossiste).
Trois cuvées en Côtes-du-Rhône Village Nyons

©AD26-S.S.
Taronés, Vieilles vignes et L’Auria : depuis le millésime 2020, ces trois cuvées du domaine Giniès peuvent revendiquer l’appellation Côtes-du-Rhône Villages Nyons. « Elles étaient jusqu’à présent en Côtes-du-Rhône Villages et nous avions déjà nos marchés. À présent, nous pouvons mettre une identité sur notre terroir. Nous offrons ainsi quelque chose de nouveau au client et répondons à sa demande de savoir d’où vient le produit », résume Rémi Weinreich.
Pour l’instant, seule la cuvée Taronés 2020 est sortie des chais. « Sur cette première cuvée, nous avons pu constater deux types de réactions : les clients qui s’y connaissent et comprennent le cheminement de la montée en appellation et ceux qui n’y connaissent rien mais associent Nyons à son huile et ses olives », expliquent les vignerons.
« Un défi qui a uni le monde viticole local »
Il aura fallu 22 ans au syndicat des vignerons du Nyonsais, réunissant quatre communes, Mirabel-aux-Baronnies, Nyons, Piégon et Venterol, pour obtenir cette reconnaissance du terroir « Nyons ». Un défi qui a uni le monde viticole local, soulignent Rémi et Julien Weinreich. « Nous travaillons tous dans un but commun : faire connaître cette appellation même si chacun a sa propre typicité de produit. C’est aussi une porte ouverte sur une multitude d’évènements où l’appellation est désormais bien identifiée alors qu’avant nous étions noyés dans la masse des Côtes-du-Rhône Villages », poursuivent-ils.
En bons ambassadeurs des Côtes-du-Rhône Villages Nyons, ils n’oublient pas d’en vanter les spécificités : l’altitude, entre 300 et 500 mètres, qui permet de conserver la fraîcheur des vins et le Pontias, ce vent local, quasi quotidien qui dissipe les rosées matinales et freine les maladies. « Le Pontias, c’est notre force, surtout en bio. Il nous permet aussi de pousser les maturités au maximum », affirme Julien.
Si les efforts doivent à présent se poursuivre pour que l’appellation gagne en notoriété, les frères Weinreich sont confiants : « Nous avons des appels de personnes qui ont lu des articles et veulent découvrir ces vins. L’intérêt pour le “Nyons“est réel. »
S.Sabot
« La dynamique est bonne, la machine est lancée »
Maxime Laurent, responsable de l’appellation « Côtes-du-Rhône Villages Nyons » au sein du syndicat des vignerons du Nyonsais a le sourire : « Tous les metteurs en marché qui ont joué le jeu de l’appellation pour cette première année ont de très bons retours des clients ».
Une centaine d’hectares ont ainsi été engagés pour ce premier millésime sur les 345 que comptent l’appellation. « Il est encore trop tôt pour comptabiliser les volumes 2020 puisque tout n’a pas encore été mis en bouteilles », précise Maxime Laurent. Trois caves coopératives (celle du Nyonsais, la Comtadine et la Vinsobraise) et trois indépendants ont déjà lancé leurs cuvées. Deux nouveaux domaines pourraient rejoindre l’aventure dès 2022. « Nous sommes sur une bonne dynamique, la machine est lancée », se réjouit le responsable de l’appellation. Surtout, les occasions de promouvoir les « Côtes-du-Rhône Villages Nyons » vont se multiplier cette année : l’appellation et ses vignerons seront présents sur des évènements locaux (le tour des crêtes à Venterol le 1er mai, Baronnies sport aventure les 10 et 11 juin, le marché de Dieulefit le 8 juillet, la fête du Tilleul à Buis-les-Baronnies le 10 juillet….) ou lors d’évènements organisés à Avignon aux côtés des 21 autres appellations Côtes-du-Rhône Villages. Enfin, rendez-vous est donné le 17 juillet à Nyons pour fêter le premier anniversaire de l’appellation.