ÉNERGIE
Prix de l’électricité : menace sur la prochaine campagne d’irrigation

La flambée des prix de l’électricité menace de nombreuses activités agricoles. En Drôme, le syndicat d’irrigation drômois (SID) et la chambre d’agriculture alertent le ministre de l’Agriculture : le coût moyen de l’irrigation pourrait être multiplié par 3,5 en 2023. Ce serait « la fin de l’agriculture dans le département », avertissent-ils.

Prix de l’électricité : menace sur la prochaine campagne d’irrigation
Les besoins du SID en énergie pour faire fonctionner stations de pompage et réseaux sous pression sont de l’ordre de 67 GWh par an. Les réseaux collectifs d’irrigation du SID concernent 2 500 agriculteurs. ©Archives AD26

Depuis quelques semaines, l’inquiétude des filières agricoles face à la flambée du prix de l’énergie est à son comble (lire l’alerte de la FNSEA ci-dessous). Les agriculteurs ou coopératives qui reçoivent actuellement de la part de leurs fournisseurs d’électricité de nouvelles propositions de contrat le confirment : il leur sera impossible économiquement de faire face à de telles augmentations. 

En Drôme, la situation est intenable pour le syndicat d’irrigation drômois (SID). Celui-ci pourrait voir sa facture d’électricité grimper à 30 millions d’euros en 2023, alors qu’il a déjà dû absorber une facture de 7,5M€ en 2022 (contre 2,5 M€ en 2020 et 2 M€ en 2021), répercutée sur ses 2 500 clients professionnels répartis sur 126 communes. Ces chiffres sont ceux annoncés par Bernard Vallon, président du SID, et Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme, dans une lettre ouverte adressée cette semaine au ministre de l’Agriculture. 

Un coût d’irrigation impossible à supporter

Le SID exploite 115 stations de pompage qui permettent d’irriguer 26 000 ha. «  Pour fournir de l’eau aux agriculteurs drômois, les besoins du SID en énergie pour faire fonctionner stations de pompage et réseaux sous pression sont de l’ordre de 67 GWh par an et cette consommation a lieu à 95 % hors période hivernale », rappellent les deux présidents. 

Si la facture d’électricité du syndicat devait grimper à 30 M€, le prix du m³ d’eau, qui était de 0,085 € en 2020 puis 0,12 € en 2022, devrait être porté à 0,60 € pour faire face à la hausse annoncée. « Pour un exploitant agricole, le coût moyen de l’irrigation d’un hectare passerait de 700 € à plus de 2 400 €, ce qui détruirait les exploitations », préviennent les deux présidents. 

L’occasion aussi d’alerter le ministre sur la situation particulière du SID, syndicat intercommunal qui gère une régie d’exploitation et qui, de fait, « n’est considéré ni totalement comme une collectivité ni totalement comme une entreprise », se retrouvant donc exclu des dispositifs d’aides pour faire face à la hausse des coûts de l’énergie. « Inéligible aux aides du plan de résilience, le SID a fait face seul, grâce aux efforts des exploitants agricoles et à sa bonne santé financière, au surcoût 2022. L’effort demandé pour 2023 ne sera purement et simplement pas soutenable pour les exploitations agricoles : c’est la fin de l’agriculture dans le département de la Drôme et du consommer local », avertissent Bernard Vallon et Jean-Pierre Royannez. 

Selon eux, « d’autres structures d’irrigation collective dans des départements voisins sont dans la même situation que le SID. C’est un pan complet de l’agriculture qui risque de s’effondrer si rien n’est fait pour enrayer la flambée du prix de l’électricité. » Et de rappeler en introduction de cette lettre ouverte : « Le président de la République l’a récemment martelé lors d’un déplacement dans le Loiret : la souveraineté agricole et alimentaire est la mère des batailles dans un contexte de crises climatique et énergétique (…) C’est cette souveraineté agricole et alimentaire qui est menacée aujourd’hui dans notre département avec l’explosion du prix de l’électricité. » 

Sophie Sabot

Coût de l’énergie

La FNSEA demande un bouclier tarifaire pour les exploitations

Dans un communiqué du 18 octobre, la FNSEA a relayé la vive inquiétude des agriculteurs face aux nouveaux contrats d’énergie qui leur sont proposés « à des niveaux insoutenables ». Avec des «tarifs parfois multipliés par dix», la FNSEA demande qu’un bouclier tarifaire s’applique aux exploitations agricoles afin de surmonter l’inflation. Ceci d’autant que le cadre européen autorise les États membres à aider les PME depuis le Conseil Énergie du 30 septembre. 

Par ailleurs, le syndicat s'inquiète d'éventuelles coupures d'électricité et veut que le secteur soit considéré comme prioritaire. Et de justifier cette demande : « On ne peut imaginer qu’un bâtiment d’élevage soit privé de ventilation pendant deux heures, que les légumes sous serres ne soient plus chauffés ou que des pommes, des poires, des pommes de terre ne soient plus réfrigérés, étant donné le caractère périssable de ces produits. Et comment justifier l’arrêt des méthaniseurs, dont les procédures de redémarrage sont longues et coûteuses, même pour deux heures, alors que nous manquons cruellement de gaz ? »

HAUSSE DES TARIFS

« Des augmentations délirantes », selon Laurent Wauquiez

Dans un courrier adressé le 6 octobre au président de la République, et envoyé en copie aux chefs d’entreprises, Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, alerte sur les conséquences catastrophiques des hausses des coûts de l’énergie pour l’ensemble des entreprises de la région. Au travers d’exemples, illustrant la situation pour la plasturgie jusqu’aux remontées mécaniques et à l’hôtellerie de montagne, Laurent Wauquiez affirme : « Si nous n’agissons pas dans les plus brefs délais pour empêcher des augmentations aussi délirantes de prix, c’est tout notre tissu économique qui ira au tapis ». Et de conclure en demandant au chef de l’État « des mesures rapides et efficaces pour protéger notre secteur économique qui en a profondément besoin ».