ARBORICULTURE
L’exploitation du Valentin expérimente les brebis sous pommiers

Faire cohabiter élevage ovin et arboriculture dans l’objectif de gérer l’enherbement des vergers, est-ce possible ? C’est la question sur laquelle travaille le Fibl en lien notamment avec l’exploitation agricole du lycée du Valentin à Bourg-lès-Valence. 

L’exploitation du Valentin expérimente les brebis sous pommiers
Les brebis de race Shropshire dans les vergers de l’exploitation du lycée du Valentin en janvier dernier. ©AD26

Depuis 2021, seize brebis de race Shropshire pâturent toute l’année les vergers de pommiers bio de l’exploitation agricole du Valentin. Elles ont été introduites dans le cadre du projet Ecorce, acronyme de « étudier la cohabitation de l’élevage ovin et de l’arboriculture ». Ce projet, financé notamment par la Fondation de France, est porté par le Fibl, institut de recherche pour l'agriculture biologique, dont l’un des sites en Europe se trouve à Eurre. Il associe l’EPLEFPA* du Valentin, l’association Agribiodrôme, la communauté de communes du Val de Drôme et la Scop Agroof. 

Parmi les questions que pose cette étude : celle de la protection du verger vis-à-vis du troupeau, celle du parasitisme interne des animaux soumis à un retour fréquent sur les parcelles, mais aussi la question (déjà étudiée en vigne) du risque d’empoisonnement des brebis par le cuivre au printemps lorsque des traitements sont réalisés sur pommiers bio. 

Ne pas prendre de risques pour le verger

Guillaume Fichepoil, directeur de l’exploitation** du Valentin, revient sur les motivations qui ont poussé l’établissement à s’associer à cette expérimentation. « Nous exploitons 3,5 ha de vergers de pommiers dont les plus anciens ont une quinzaine d’années. Le premier objectif que nous nous étions fixé pour ce verger était de produire des pommes bio de qualité, gustativement intéressantes et de trouver les bons débouchés en circuit court pour cette production », confie le directeur. Cet objectif atteint, l’exploitation est entrée dans une nouvelle phase de réflexion sur l’amélioration de ses pratiques. « Nous étions notamment interpelés par des jeunes ou des adultes en formation au lycée ou au CFPPA sur la possibilité d’introduire des animaux dans les vergers, poursuit Guillaume Fichepoil. Toutefois il n’était pas question de prendre des risques pour le verger et mettre en péril la viabilité économique de l’exploitation. » Un premier test est réalisé en 2019, dans un verger dont l’arrachage est programmé. Dix moutons de Ouessant sont introduits par un pluri-actif agricole pratiquant l’éco-pâturage. Le résultat est mitigé. « Au bout de deux semaines, les moutons avaient attaqué l’écorce des arbres malgré une ressource fourragère toujours présente, résume Guillaume Fichepoil. En revanche nous étions très satisfaits de la dynamique lancée avec les clients de la Musette [point de vente collectif situé sur l’exploitation,ndlr] et avec des agriculteurs du territoire qui s’intéressaient à la démarche. »

Seize brebis Shropshire 

Après cette première expérience, le Fibl propose à l’exploitation du Valentin de participer au projet Ecorce, avec les garanties nécessaires pour limiter les risques sur le verger. « Des recherches bibliographiques nous ont permis d’identifier la race Shropshire citée pour son comportement inoffensif vis-à-vis des arbres », détaille Guillaume Fichepoil. Après une phase d’observation confirmant que les animaux ne s’attaquaient pas à l’écorce, un circuit de pâturage est défini sur les 3,5 ha de pommiers. Les seize brebis y pâturent 1 000 m² par 1 000 m² grâce à des filets mobiles électrifiés et ceci toute l’année, sans complémentation. « Quelques attaques sur feuille et fruits jusqu’à 1,3 m de hauteur ont été observées. Nous les avons réglées en changeant les animaux de parc dès que ces attaques survenaient. Nous avons aussi créé trois paddocks de retrait pour déplacer les animaux lors des traitements sur verger », précise le directeur. 

«  Un certain plaisir à travailler »

L’ensemble des données observées doit à présent faire l’objet d’une synthèse, qui inclura aussi la production de référentiels économiques et juridiques propres à ce type de modèle agricole. Sans extrapoler sur ces résultats, le responsable des vergers du Valentin avance déjà plusieurs observations. « L’entretien du rang par les brebis est précis et limite le passage d’outils, qui en cas de mauvais réglage, peuvent détériorer l’arbre. Nous économisons des interventions mécanisées, du carburant. Il reste toutefois des refus qu’il faut broyer », indique-t-il. À noter, l’exploitation du Valentin est la seule à expérimenter la présence de moutons toute l’année. Ailleurs, il s’agit plutôt de partenariats éleveur / arboriculteur. « La question de la viabilité globale de notre système se pose nécessairement. Le temps de travail (filets à déplacer, abreuvement…) n’est pas négligeable. Notre retour sur investissement [l’exploitation a acheté les agnelles, ndlr] n’est pas bon car nous n’avons pas mis nos brebis à la reproduction pour l’instant, ce qui pourrait encore complexifier le suivi du troupeau. Nous allons travailler plus particulièrement sur ces questions cette année », pointe Guillaume Fichepoil. Il reconnaît toutefois l’impact très positif en termes d’image. Sans oublier « un certain plaisir à travailler » au sein de l’exploitation. « La présence des brebis amène de la vie dans les vergers et procure une satisfaction, un épanouissement pour nos équipes, souligne-t-il. Nous n’avons pas encore pris de décision sur le maintien ou non du troupeau à l’issue de l’expérimentation. » Réponse peut-être lors du salon Tech&Bio, qui aura lieu sur le site, les 20 et 21 septembre prochains. Les résultats du projet Ecorce y seront présentés.

Sophie Sabot

* EPLEFPA : établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricoles.
** L’exploitation compte un troupeau de 45 montbéliardes (70 % du CA ; 250 000 litres de lait collectés par Biolait ; 20 000 litres valorisés en vrac au point de vente La musette de Valentine) ; 65 ha de SAU conduits en agriculture biologique dont 4,5 ha de vergers (20 % du CA) et 0,6 de vignes (5 % du CA). Le tout complété par une activité d’accueil pédagogique.