Les 9e Rencontres de l’agriculture, événement porté par le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, se sont déroulées jeudi 21 novembre à Valence. Le thème abordé : « la transmission, une réponse aux enjeux territoriaux ».
La 9e édition des Rencontres de l’agriculture, organisée au siège du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes jeudi 21 novembre, a comptabilisé 223 inscrits. Le « premier financeur des agriculteurs », comme l’a rappelé Jean-Pierre Gaillard, président de la caisse régionale, lors de son introduction, assure que l’action peut découler de l’engagement des organisations professionnelles agricoles (OPA) : chambre d’agriculture, MSA, Cerfrance, Safer… « Aujourd’hui, il faut taper du poing sur la table pour rappeler que nous faisons s’engager les nouvelles générations sans filet, a-t-il déclaré, soulignant l’importance d’être « aux côtés des jeunes ». De quoi introduire le thème de cette nouvelle rencontre organisée autour de « la transmission, une réponse aux enjeux territoriaux ».
Un « changement d’époque »
La soirée a commencé avec l’intervention de Thierry Pouch, docteur en sciences économiques et responsable du service des études économiques à Chambres d'agriculture France, à Paris. Durant plus d’une heure et demi, l’expert s’est livré à une contextualisation chiffrée de la situation de crise dans laquelle se trouve le monde agricole en France, en Europe et dans le monde. « Les défis sont suffisamment importants, il faut les relever », a-t-il déclaré en rappelant que « la France reste la première puissance agricole de l’Europe ». Tout d’abord, Thierry Pouch a décrypté « les raisons plus profondes et anciennes de ce malaise agricole ». L’adoption de la réforme de la politique agricole commune en 1992 et les traités de Marrakech de 1994 ont contribué selon lui à « plonger l’agriculture dans la mondialisation » face « aux concurrences multiples ». L’expert définit cette « crise agricole que nous sentions venir » comme économique, identitaire et psychologique. « Comment se tourner vers l’avenir ? », interroge Thierry Pouch. Difficile de se projeter lorsque « les agriculteurs doivent attendre en moyenne sept à quinze ans pour avoir un retour sur leur investissement ».
Plus de 220 personnes étaient inscrites à ces 9e Rencontres de l’agriculture du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes. ©ME-AD26
Le conférencier fait ainsi référence, entre autres, aux faibles récoltes de blé tendre en 2024 en Europe et les compare à celles d’autres puissances qui s’en sont mieux sorties (Russie, États-Unis, Argentine). Thierry Pouch parle de « changement d’époque profond, comparable aux années 1950 ». Un nouveau travail s’impose pour accompagner cette « nouvelle phase de modernisation » telle que l’identification de sources de financements et des marchés. Enfin, il dresse le bilan de la baisse des effectifs du monde agricole et du vieillissement des agriculteurs : environ 50 % d’agriculteurs partiront à la retraite d’ici 2030. « Les jeunes s’éloignent du métier et du mode de vie de leurs parents », observe ce dernier voyant une « discontinuité entre l’ancien modèle et les nouveaux ». Bien sûr, l’expert a abordé les tensions entre les pays de l’Union européenne, notamment avec le traité du Mercosur. « L’agriculture est le socle de la construction de l’Union européenne », avance l’expert évoquant une « dislocation ». Y a-t-il quelques raisons d’espérer ? La progression de la demande alimentaire mondiale et l’autosuffisance quasi intacte de l’agriculture française feraient partie des éléments de réponse.
La volonté de transmettre
Après la conférence, place aux tables rondes introduites par plusieurs vidéos de témoignages d’agriculteurs, repreneurs ou cédants. Didier Villard, ancien président de la chambre d'agriculture de l’Isère et agriculteur retraité, a témoigné de sa transmission « réussie ». Selon lui « il n’y a pas de bon moment » pour céder son exploitation. Il insiste sur l’importance de « respecter l’innovation et les réflexions des jeunes ». Autre facteur d’importance : l’anticipation. Adeline Nicolas-Brun, conseillère à Cerfrance, et Cécile Pourret, conseillère à la MSA ADL, le confirment. Entre cinq et dix ans sont nécessaires pour penser sa transmission. Didier Villard insiste sur l’importance de quitter les lieux pour laisser la place à un nouveau projet. Lui a aussi vendu sa maison d’enfance et familiale située au milieu de sa ferme. Il a donc anticipé son déménagement. « Quand on veut céder, on doit se convaincre et s’interroger : comment ferait-on si c’était son propre enfant qu’on installait ? », expose ce dernier.
Didier Villard, Adeline Nicolas-Brun et Cécile Pourret ont partagé une table ronde. ©ME-AD26
Seconde table ronde : Ahmed Gaouache, de la chambre d'agriculture 38, Olivia Mroz, agricultrice drômoise, et Marc Fauriel, président du comité Safer 26. Selon ce dernier, une transmission réussie c’est quand « le repreneur va pouvoir s’épanouir à travers son propre projet ». Appuyé par le témoignage de Didier Villard qui a eu recours à la Safer pour l’accompagner dans sa transmission, Marc Fauriel rappelle que « la Safer, ça n’est pas que le foncier, c’est aussi de l’accompagnement, c’est ça notre cœur de métier ». De son côté, Ahmed Gaouache estime que « tous les projets sont légitimes » et qu’aujourd’hui, la majorité des porteurs de projets ne sont pas issus du milieu agricole. Enfin, Olivia Mroz a abordé la transmission de la ferme de ses parents à son frère et elle. Début novembre, la famille a gagné le trophée de la transmission lors des Trophées de l’agriculture. « J’ai réalisé le rêve de ma maman en créant un laboratoire de découpe de viandes sur la ferme », témoigne la jeune femme. Pour l’agricultrice, cette transmission sonne comme « une évidence ».
Morgane Eymin
Des jeunes du Valentin mis à l’honneur
Sur l’une des vidéos diffusées lors de l’événement, plusieurs jeunes étudiants du lycée agricole du Valentin, à Bourg-lès-Valence, témoignent sur la manière dont ils voient l’avenir. « C’est toi ? », « C’est la vidéo ? », demandent deux jeunes filles, probablement étudiantes au lycée, en se retournant vers un de leur camarade. Manon, 20 ans, Julien, 18 ans, Camille, 16 ans… Certains en terminale STAV (sciences et technologies de l'agronomie et du vivant) et d’autres en classe agro-véto post BTS. Moment de légèreté et de rires dans la salle avec les témoignages parfois décalés et plein d’humour des jeunes. La majorité d’entre eux racontent avoir des parents ou des grands-parents agriculteurs. Certains ont une idée précise de leur avenir, notamment sur la ferme familiale et d’autres s’imaginent musiciens avant de penser à s’installer en tant qu’agriculteurs. Des paroles qui ont illustré et parfois contrasté les différents points abordés durant la rencontre.