Prédation
"Le loup s’installe en zone de plaine"

Depuis le début de l’année, la Drôme concentre un niveau très élevé d’attaques de loups. Une situation inédite. Le point avec Fabien Candy, technicien pastoral à l’Association départementale d’économie montagnarde (Adem) de la Drôme.

"Le loup s’installe en zone de plaine"
Depuis le début de l’année, les attaques de loups se concentrent sur la bordure ouest du Vercors, un secteur qui va de Crest aux Monts du Matin. À ce jour, en Drôme, le niveau des attaques n’a jamais été aussi élevé depuis le retour des loups en 1998.

La courbe des suspicions d’attaques de loups en Drôme n’a jamais été aussi élevée. Comment peut-on expliquer cette situation ?

Fabien Candy : « Depuis le début de l’année, les attaques de loups se concentrent sur la bordure ouest du Vercors, un secteur qui va de Crest aux Monts du Matin. C’est un secteur nouveau où les troupeaux restent à l’extérieur toute l’année et sur lequel les surfaces pastorales sont enclavées au milieu de parcelles cultivées. Un éleveur sur deux n’est pas connu de nos services et certains d’entre eux ne sont d’ailleurs pas des professionnels. Sur ce territoire en front de colonisation où les moyens de protection ne sont pas généralisés comme dans les secteurs historiquement prédatés, les loups font des carnages, avec parfois un nombre conséquent de victimes, parfois quinze ou vingt ! »

Pourquoi cela arrive-t-il cette année ?

À propos des attaques de loups, « la situation vécue en Drôme depuis le début de l’année est absolument inédite », observe Fabien Candy, technicien pastoral à l’Adem.

F. C. : « Je ne suis sûr de rien et je préfère rester prudents. Ce qui est sûr, c’est que le nombre de meutes n’a jamais été aussi important et que les observations de loups ne sont plus rares. L’an dernier, après une opération de hurlements provoqués organisée fin août, au moins quatre meutes avaient été identifiées sur cette bordure ouest du Vercors, contre une seule connue précédemment. Et l’on sait que sur les fronts de colonisation, les attaques de loups augmentent systématiquement. Un autre secteur, celui de Marsanne - Pierrelatte, a lui aussi subi un nombre important d’attaques fin 2021 et début 2022. »

Cela signifie-t-il que le loup quitte les zones pastorales traditionnelles ?

F. C. : « Des meutes de loups quittent la montagne pour s’installer en zone de plaine, ce qui engendre des dynamiques de prédation nouvelles. Mais cela ne signifie pas que le loup disparaît des zones pastorales traditionnelles. Avec un tel niveau d’attaques si tôt dans la saison, on peut penser que lorsque les troupeaux seront en estive la prédation sera à nouveau conséquente. En tous cas, la situation vécue en Drôme depuis le début de l’année est absolument inédite. Jamais on n’avait observé pareil bond sur les courbes de Maploup et de façon générale dans l’évolution croissante de la prédation en Drôme. »

Propos recueillis par Christophe Ledoux

Maploup, un outil de suivi des attaques lupines

Connaître le contexte de prédation lupine sur les troupeaux domestiques, tel est l'objectif de la plateforme web Maploup, un portail web à deux battants : l'un pour la localisation des suspicions d'attaques de loups sur les troupeaux en temps quasi réel, l'autre pour les données historiques. L'outil Maploup est développé dans le cadre d'une collaboration au sein du Réseau pastoral Auvergne-Rhône-Alpes (dont fait partie l’Adem 26) et le Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée (Cerpam). Sa réalisation technique est assurée par l'Inrae de Grenoble. Il est alimenté avec des données fournies par les services de l'État (Dreal). La Région, elle, apporte un soutien financier pour la partie Auvergne-Rhône Alpes.

Maploup permet ainsi de connaître en temps quasi réel, à partir des informations fournies au moment des demandes de constat de prédation, le nombre des attaques. « Il s'agit des suspicions d'attaques transmises par les DDT », précise Fabien Candy, technicien à l'Adem de la Drôme. Elles sont renseignées sur une carte en ligne interactive alimentée pour la Drôme par deux techniciens de l’Adem. Celle-ci est couplée à un système d'alerte automatique : lorsqu'il y a une suspicion d'attaque, un SMS ou un mail est envoyé aux contacts inscrits dans un rayon de dix kilomètres autour de l'alpage, la commune, l'intercommunalité ou le plan pastoral territorial (PPT) pour le ou lesquels ils se sont inscrits. Ce système d'alerte (gratuit) est destiné aux éleveurs, bergers, élus, agents de développement et personnels de l'administration.

La partie « atlas » de Maploup explore, elle, les données historiques officielles de la prédation depuis 2009. « Ce volet est né d'un premier travail d'analyse de l'évolution de la prédation réalisé par l'Adem de la Drôme, puis repris à une échelle régionale par le Réseau pastoral Aura, indique Fabien Candy. Les données consolidées, fournies par l'État (base de données Géoloup), sont valorisées pour donner une approche à la carte à différentes échelles (communes, intercommunalités, départements, territoires pastoraux…). Nous avons hâte de pouvoir intégrer les données 2021 lorsqu’elles seront prêtes à la Dreal. »