La génération Z fait son entrée sur le marché du travail. Recruter ses futurs talents nécessite une adaptation des employeurs et de leur entreprise. L’Apecita et l’Anefa ont consacré une conférence à ce sujet au Sommet de l’élevage le 3 novembre à Cournon-d’Auvergne.
Selon une étude Ipsos sortie en juin 2024, les dirigeants des entreprises ont du mal à comprendre la génération de zoomers, plus communément appelée la GenZ (lire encadré). 86 % d’entre eux la perçoivent, en effet, comme différente de la génération d’avant. La majorité des dirigeants trouvent difficile d’identifier les aspirations professionnelles des jeunes de moins de 30 ans ou encore à les faire évoluer dans le monde de l’entreprise. Lors d’une conférence consacrée au recrutement des futurs talents au sein de la GenZ, organisée au Sommet de l’élevage par l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture (Anefa) et l’association pour l’emploi des cadres, ingénieurs et techniciens de l’agriculture (Apecita), Philippe Béaur, délégué régional de l’Apecita Poitou-Charente-Limousin-Auvergne, a rappelé que, pour beaucoup, les personnes de la GenZ étaient perçues comme allergiques à l’autorité, fainéantes, sans ambition et avec aucune envie d’entreprendre.
Sus aux clichés
Autant de clichés qu’il a rapidement démentis : « Il est reconnu que près de la moitié de la génération Z ne rejette pas l’autorité. Ces représentants recherchent simplement de la souplesse, un système plus horizontal et plus ouvert. Cette génération privilégiera les postes où elle a le droit de faire des propositions et d’être prise en considération. Tous ont soif d’apprendre et veulent poursuivre un objectif dans leur vie professionnelle. Ils veulent être fiers d’eux ! » En effet, selon Ipsos, parmi l’échantillon* de la GenZ interrogé, 84 % disent avoir le goût au travail, mais recherchent l’épanouissement professionnel avant tout.
En quête de sens
« Au-delà des missions, qui demeurent primordiales pour moi (et pour l’ensemble de la Gen Z, NDLR), l’humain est plus important que tout le reste. Il faut que les choses se passent simplement une fois la confiance établie », a confirmé Hélène Rivière, en recherche d’emploi et représentante de la GenZ, réaffirmant que l’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle, et que le salaire évidemment, sont importants. À Sylvie Chabanon, conseillère en insertion professionnelle à VetAgro Sup d’ajouter : « Quand ils sont en recherche de leur stage de fin d’études ou de leur premier emploi, je vois des jeunes qui sont en quête de sens et qui n’accepteraient pas d’entrer dans une entreprise qui ne respecterait pas les valeurs auxquelles ils croient fortement comme le bien-être animal ou l’environnement. Ils arrivent sur un marché de l’emploi plutôt positif pour eux, ils ont de quoi être exigeants. Aujourd’hui, plus de 83 % des diplômés de VetAgro Sup entrant sur le marché du travail trouvent un emploi en moins de deux mois. Le plein-emploi est atteint très rapidement ». Pour autant, il est primordial que l’engagement des entreprises, concernant notamment l’environnement, ne soit pas seulement des mots ou une étiquette adossée à une fonction. « Nos étudiants ne sont pas dupes », confirme, dans un sourire, la conseillère en insertion professionnelle. Des aspirations qui ont fait bouger les lignes au sein même des entreprises.
S’interroger sur ses valeurs
En témoigne Sophie Harismendy, responsable des ressources humaines pour le Groupe fromager Dischamps qui, avant d’arriver dans le milieu agroalimentaire, il y a un peu moins de deux ans, a exercé ses fonctions en ressources humaines dans les secteurs du textile et de l’aéronautique. « Il y a aujourd’hui une chose qui est assez nouvelle au sein des entreprises, c’est que l’on s’interroge effectivement sur ses valeurs. Comment nous nous définissons par rapport à elles ? On se dit que si nous avons ses valeurs, les personnes qui nous rejoindront doivent avoir les mêmes. Nous ne définissions pas nos valeurs à ce point-là, il y a vingt ans. » Toutefois, il ne faut pas oublier les attentes aussi de l’entreprise. « Il y a les droits qu’offre l’entreprise, mais également les devoirs que nous avons vis-à-vis d’elle. Tout est question de compromis, comme la vie en somme », souligne Laurent Cohade, chargé de recrutement au Crédit agricole Centre France. « C’est du donnant-donnant », confirme Hélène Rivière.
Marie-Cécile Seigle-Buyat
*. 1 000 personnes représentatives de la population française âgées de 18 à 28 ans.
Qui est la génération Z
La génération Z, souvent appelée les zoomers, regroupe les personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, généralement entre 1997 et 2012. Elle succède à la génération Y et précède la génération Alpha. Elle est définie comme une génération née alors que les communications numériques étaient déjà bien installées dans la société.
Source wikipédia
Une offre d’emploi qui matche
Selon Hélène Rivière, la représentante de la GenZ à la conférence donnée par l’Anefa et l’Apecita au Sommet de l’élevage, une offre d’emploi qui matche est une offre structurée, complète et qui « va droit au but ». Pour attirer l’attention d’Hélène, doivent apparaître dans l’offre d’emploi : un salaire, le statut, les avantages (télétravail…), un descriptif précis des missions ou encore un contact à qui demander des précisions... Par ailleurs, pour elle, le vouvoiement dans l’offre est de rigueur. Toutefois, selon Sophie Harismendy, responsable des ressources humaines pour le Groupe fromager Dischamps, l’annonce est une chose, mais très vite il faudra « accrocher l’humain. Il faut rapidement passer un coup de fil, en discutant. Maintenant, quand je reçois une candidature, je sais que dans les quarante-huit heures, il faut que je réponde ».
Comment la génération Z perçoit l’agriculture ?
En 2020, à l’occasion des 70 ans de l’Ihedrea, l’école d’agro-management, les élèves en troisième année ont présenté une étude autour des agricultures et de la génération Z.
La génération Z est en quête de sens, d’un travail porteur de valeurs environnementales et humanistes. Autant de valeurs que semblent offrir les métiers de l’agriculture. Pour autant, quelle perception cette génération des moins de trente ans a-t-elle de l’agriculture ? Il y a bientôt cinq ans, en janvier 2020, les étudiants de l’école de l’Ihedrea ont conduit une enquête autour du thème « Agriculture et génération Z ». Dans le panel, on retrouve des élèves de l’Ihedrea, donc sensibles à la cause agricole, et des élèves d’autres écoles supérieures non liées à l’agriculture. Et la perception entre « Ruraux’z » et « Z’urbains » diffère parfois. Toutefois, une chose semble les relier, parmi les 250 personnes interrogées, plus de 75 % d’entre elles sont en relation avec des personnes du milieu agricole, que ce soit par la famille, les amis ou le travail.
Ruraux’z et Z’urbains
Quant à la vision de l’agriculture, elle demeure meilleure chez les « Ruraux’z » que chez les « Z’urbains ». En effet, l’enquête révèle que 48 % des « Ruraux’z » ont une très bonne image de l’agriculture quand seulement 38 % des « Z’urbains » partagent cette opinion. Il est important de noter que la majorité des deux groupes a une bonne image de l’agriculture (51 % des Z’urbains et 43 % des Ruraux’z). Toutefois, fait étonnant : quand aucun Z’urbain ne perçoit l’agriculture de manière négative, 7 % des ruraux’z ont une mauvaise image de l’agriculture.
Nature et diversité
Alors, qu’est ce que cette génération apprécie-t-elle le plus dans l’agriculture ? Plus de 70 % des ruraux indiquent aimer la nature et la diversité du monde agricole, près de 62 % son utilité et enfin plus de 54 % ses valeurs et ses principes. Pour autant, les jeunes futurs acteurs du monde agricole étaient, au moment de l’enquête, inquiets concernant leur avenir. En effet, plus de 72 % d’entre eux considéraient le revenu des agriculteurs trop faible. L’utilisation des pesticides, sujet d’importants questionnements au sein de la population, était également un élément d’inquiétude.
M.-C. S.-B. d’après l’étude de l’Idhedrea
250 personnes, environ 60 % de femmes et 40 % d’hommes dont la moyenne d’âge est de 21 ans. Le questionnaire a été destiné à la tranche d’âge de 17 à 27 ans, correspondant à la génération Z.