Histoire
L’agriculture française pendant les JO de 1924 (5/5)

À l’occasion des Jeux Olympiques qui se déroulent en France, nous avons voulu nous replonger dans l’agriculture des années 1920, en particulier de celle de l’année 1924, date des deuxièmes Jeux Olympiques qui se sont déroulés à Paris, après ceux de 1900. Tour d’horizon des sujets agricoles français et parfois internationaux qui ont animé l’actualité de l’époque. 

L’agriculture française pendant les JO de 1924 (5/5)
Illustration de L'Agriculture Nouvelle ©DR

En cet été 1924, l’Agriculture Nouvelle rend hommage à Louis Pasteur, « le grand savant, si sobre, (qui) n’a jamais méconnu les mérites du vin ». Un prétexte pour parer ce breuvage de toutes les vertus car il est « un aliment plastique par ses constituants minéraux, énergétique par son alcool, ses sucres, biologique par ses vitamines, stimulant de toutes les fonctions par son alcool, ses corps de bouquet et antiseptique par son acidité, sans compter l’attrait particulier dû aux sensations de bien-être que procure l’usage modéré de nos vins de France », écrit le directeur de l’Institut œnotechnique de France, un certain L. Mathieu.

L’article qui le jouxte fait état d’une situation vinicole « satisfaisante en France, à part les Pyrénées-Orientales qui souffrent assez fortement de la sécheresse », ainsi que l’Algérie où le sirocco a occasionné d’importantes pertes ce qui peut « avoir une répercussion sensible sur les cours en France ».

L’édition du 9 août propose comme méthode d’identification du bétail et pour lutter contre des « substitutions frauduleuses », le bertillonnage des animaux (lire encadré). Il s’agit en fait de prendre les empreintes du mufle d’un bovin par exemple et de l’inclure dans le livre généalogique de l’animal. Il est étonnant de constater qu’à cette époque, il est question de mettre des boucles aux oreilles des animaux : « (…) des boutons ou des boucles métalliques portant des numéros ou des lettres. Malgré leur ingéniosité, ces systèmes ne donnent pas une sécurité complète, parce que l’on ne saurait empêcher la chute accidentelle d’un certain nombre de marques, ce qui risque de faire naître des contestations… ». Pour le chef des travaux à l’Institut national agronomique, A-M Leroy « l’identification par les empreintes du mufle est la plus sûre ».

1 ha de blé : 90 heures de travail

Le bimensuel annonce également qu’il fera « bientôt » connaître celle qui remportera le titre de « meilleure vache de France ». En effet, pour encourager l’amélioration de nos races bovines laitières (…) et mettre en évidence les qualités laitières et beurrières de races françaises, le journal a contacté en 1923 les adhérents des sociétés de contrôle laitier. Les éleveurs qui avaient jusqu’au 15 septembre pour déposer leur dossier ont vu cette date décalée au 15 octobre « car nous n’avons pas encore reçu tous les carnets » et que « certains résultats d’analyse sont manquants ». En fait, il faudra attendre le 27 décembre 1924 pour connaître l’heureuse élue : Il s’agit de « Merveille », une vache hollandaise (nous dirions aujourd’hui Prim Hosltein) qui appartient à l’élevage de M. Jean Mercier, cultivateur dans le Nord. Sa bête est inscrite au contrôle laitier de Quiévy.

Toujours dans le domaine laitier, la rubrique « Vie agricole » du Figaro du 3 août annonce que le tribunal civil de Loches a rendu un jugement faisant tomber le nom d’origine « Camembert » dans le domaine public. Par conséquent, il désigne non plus un lieu d’origine mais la nature de la marchandise, celle-ci devant être conforme à la définition fixée en 1909 par le Congrès de Paris. Sous la plume du journaliste Jean Chervettes, le lecteur apprend également que la culture d’un hectare de blé exige 90 heures de travail d’ouvrier ; celle des betteraves 407 heures dont 290 environ pour les binages, arrachages et transports. Ils sont seulement de 61 heures d’ouvrier et 87 heures de chevaux pour le blé aux Etats-Unis ainsi que 239 heures d’ouvrier et 197 heures de chevaux pour la pomme de terre. 

Trois litres de vin pour les femmes 

Cette même édition du Figaro annonce que « le Sénat et la Chambre des députés ont adopté un projet de loi qui exonère les syndicats agricoles de la taxe sur le chiffre d’affaires ». La veille, Le Petit Parisien annonçait la réouverture du marché à terme des céréales. Une réouverture « fort bien accueillie à la Bourse de commerce. Le marché spéculatif est en effet considéré comme un régulateur de prix (…) Du fait de la cote rétablie, les agriculteurs connaîtront les cours officiels et n’auront plus de raison de conserver leurs céréales », a estimé de son côté M. Franck, président du syndicat général. Mais ce marché à terme a ses opposants qui craignent une trop vive spéculation qui fasse « monter les prix » comme « cela vient de se produire en Amérique ».

Dans son édition du 10 août, Le Figaro apprend qu’un congrès des travailleurs agricoles réunis à Toulouse « a protesté contre l’invasion de la main-d’œuvre étrangère qui concurrence les travailleurs agricoles français. Les congressistes ont demandé un salaire minimum de 2 francs l’heure pour les journées ordinaires et de 20 francs pour une journée de vendanges de huit heures, plus cinq litres de vin pour les hommes ; de 11 francs plus trois litres de vin pour les femmes ». 

Christophe Soulard

Le bertillonnage 

Le "bertillonnage" ou plus précisément l’anthropométrie judiciaire est le premier système scientifique d’identification des délinquants récidivistes. Il a été mis au point en 1882 par Alphonse Bertillon (1853-1914). Il repose sur la prise d’une dizaine de mesures osseuses qui demeurent constantes toute la vie d’un adulte. A l’aide de matériel spécialisé, (table, tabouret, toise, compas de proportion, tablette et encreur pour prise d'empreintes digitales), cette méthode permet de ficher tout délinquant et de l’identifier. En 1888, le dispositif est complété par des photographies de face et de profil. Ce procédé est à l’origine des services de l’identité judiciaire.