D’après la chambre d’agriculture, une trentaine d’hectares de cépages résistants sont implantés dans des vignobles drômois. Leur intérêt dans la réduction des traitements phytosanitaires est désormais évident. Mais il faut toutefois poursuivre les observations.
Lancé en 2000, le programme ResDur de l’Inrae1 et l’IFV2 a permis la création d’une cinquantaine de variétés polygéniques offrant une résistance durable aux principales maladies fongiques que sont le mildiou, l’oïdium et dans une moindre mesure au black-rot, responsables à elles seules de 80 % de la consommation de produits phytosanitaires en viticulture. Plusieurs de ces variétés ont été inscrites au catalogue officiel français en 2018 (Floreal et Voltis en blancs, Artaban et Vidoc en rouges), puis en 2022 (Coliris, Lilaro et Sirano en rouges ; Opalor et Selenor en blancs). D’autres arriveront d’ici 2025.
Cette seconde génération de cépages à résistance durable (ResDur 2), s’adaptant peut-être au réchauffement climatique et permettant de lutter contre l’érosion génétique, a été implantée au printemps 2022 dans le secteur des Baronnies provençales. Le 9 août, la chambre d’agriculture de la Drôme a proposé une rencontre technique, à Pierrelongue. « Nous avons présenté les variétés résistantes - Coliris, Lilaro et Sirano, Opalor et Selenor - à pleine maturité, explique Isabelle Méjean, responsable du pôle viticulture à la chambre d’agriculture de la Drôme. Le vignoble étant en seconde feuille, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l’intérêt de ces nouveaux cépages dans cette zone. »
Une baisse de 80 % de l’IFT
Dans la Drôme, une trentaine d’hectares de cépages résistants de la gamme ResDur1 seraient actuellement implantés. « Ils ne sont autorisés qu’en IGP3, précise Isabelle Méjean. On en trouve dans les collines rhodaniennes, dans le Diois et davantage encore dans le Sud-Drôme, à La Laupie et dans les Baronnies, entre autres. Pour l’instant, le cépage le plus planté est Floreal. » Les observations réalisées par la chambre d’agriculture sur certaines parcelles permettent de présenter ces nouveaux cépages aux viticulteurs. « Sur le mildiou et l’oïdium, la résistance est effective, constate la conseillère. En revanche, pour le black-rot, elle est moindre. De toute façon, on fait traiter un peu pour protéger les gènes de résistance et aussi parce qu’il y a du black-rot. Globalement, on considère qu’on a une diminution de l’indice de fréquence des traitements (IFT) de 80 %. » Des mini-dégustations sont également organisées pour évaluer les qualités organoleptiques des vins produits.
Deux variétés en Côtes-du-Rhône
Les variétés dites « résistantes » ne peuvent être utilisées en zone d’appellation car la réglementation européenne actuelle précise que les vins AOP sont issus exclusivement de variétés de l’espèce Vitis vinifera. Or les facteurs de résistance sont à l’origine portés par l’espèce Vitis rotundifolia. Cependant, le Syndicat général des Côtes-du-Rhône a demandé à l’Inao4 la mise en place et le suivi d’un réseau de parcelles plantées avec des « variétés d’intérêt à fin d’adaptation (Vifa) ». Ainsi, « Vidoc (cépage rouge) et Floreal (cépage blanc) vont pouvoir faire l’objet d’essais dans une limitation à 5 % de l’encépagement des Côtes-du-Rhône, indique Isabelle Méjean. Cette introduction de nouveaux cépages nécessitant moins de traitements phytosanitaires peut être intéressante près des habitations ou des cours d’eau eu égard aux réglementations sur les zones non traitées (ZNT) et les distances de sécurité riverains (DSR). »
Taille rase, oui et non
Lors des rencontres organisées sur le terrain, les viticulteurs s’interrogent souvent sur la possibilité de taille rase de ces variétés résistantes. « On n’a pas trop de recul, fait remarquer Isabelle Méjean. Globalement, sur Artaban et Vidoc, ça fonctionne. Sur les deux autres blancs, plus productifs en taille longue (technique du Guyot), mieux vaut ne pas les mener en taille rase. » La chambre d’agriculture poursuit ses observations. « Chaque fois que nous sommes informés qu’un nouveau producteur implante des cépages résistants, on essaie de le suivre, assure la conseillère. Même s’ils ne représentent qu’une petite proportion du vignoble, ces nouveaux cépages sont un des moyens de réduire les IFT et de diversifier. » Encore faut-il qu’ils soient résistants au changement climatique, notamment au sec (voir encadré). D’ici quelques années, des variétés de la gamme ResDur 3 seront disponibles.
Christophe Ledoux
1 Inrae : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
2 IFV : Institut français de la vigne et du vin.
3 IGP : indication géographique protégée.
4 Inao : Institut national des appellations d’origine.
Résistance à la sécheresse
Floreal, Vidoc et Voltis apparaissent vulnérables
Pour la première fois, une équipe de recherche (Inrae, université de Bordeaux) a pu mesurer la résistance à la sécheresse des trente cépages les plus cultivés dans le monde. Une mesure rendue possible par le développement du Mégacavitron, un appareil prototype disponible au sein de la plateforme scientifique Phénobois du campus bordelais. Cette étude a permis de caractériser la résistance à la sécheresse de l’appareil vasculaire de la vigne, et ainsi d’identifier les vignobles les plus à risque dans la perspective d’une hausse globale des températures dans les prochaines années. Parmi les cépages mesurés, les variétés de vignes hybrides - comme Floreal, Vidoc et Voltis - apparaissent comme particulièrement vulnérables à la sécheresse. Les résultats ont été publiés dans la revue Scientific Reports.
« Si ces variétés ont été génétiquement améliorées pour réduire considérablement leur vulnérabilité aux maladies, cette étude démontre le besoin d’utiliser une approche intégrée et multifactorielle de la recherche dans le domaine, en étudiant la résistance phytopathologique conjointement à la résistance à la sécheresse ou au gel tardif », souligne l’Inrae.
Vignoble du Pradel : perpétuer la démarche d’Olivier de Serres
Sur la ferme du Pradel, en Ardèche, 12 hectares de vignes rassemblent autant de cépages et permettent de produire 600 hl dont 130 vinifiés sur place pour élaborer une gamme de vins IGP et 450 livrés à la cave de Montfleury. Cette diversité de cépages est un atout pour mieux comprendre les effets des aléas climatiques. Dans le cadre du projet AdaptEnuer, différents itinéraires techniques permettant à la vigne de s’adapter et d’atténuer le changement climatique sont observés. L’objectif est aussi de définir des pratiques et innovations viticoles aptes à réduire les émissions de gaz à effet de serre. D’autres essais sur les cépages, leur résistance aux maladies via leur système racinaire sont à l’étude. « Une parcelle conduite en agroforesterie est aussi dédiée à l’étude de méthodes alternatives aux produits phytos et à l’intérêt des arbres sur l’ombrage et la biodiversité », indique la directrice de l’exploitation caprine et viticole du Pradel, Clarisse Balagny.
A. L.