CÉPAGES RÉSISTANTS
Variétés résistantes à typicité régionale : quel vignoble demain ?
Du labo à la vigne, la sélection variétale a fait un bond en avant ces trente dernières années. Si on attend des cépages de demain qu’ils soient résistants aux maladies, l’accent est également mis sur l’adaptation aux particularités de chaque vignoble et à la typicité des vins.
Lancé en 2000, le programme ResDur de l’Inrae et l’IFV a permis la création des variétés offrant une résistance durable aux principales maladies fongiques que sont le mildiou et l’oïdium et le black-rot, responsables à elles seules de 80 % de la consommation de produits phytosanitaires. « Pour éviter les mutations des pathogènes, on propose des combinaisons de résistance complémentaires, pour ne pas avoir qu’un mais plusieurs gènes de résistance », souligne Loïc le Cunff, généticien à l’IFV. Le projet ResDur a permis d’obtenir une cinquantaine de variétés résistantes, dont plusieurs ont été inscrites au catalogue officiel français en 2018 (Floreal, Voltis, Artaban et Vidoc), puis en 2022 (Coliris, Lilaro et Sirano en rouges ; Opalor et Selenor en blancs). D’autres devraient suivre d’ici 2025.
Résistants… Et typiques ?
« L’autre défi de la création variétale, sur lequel nous travaillons depuis déjà une dizaine d’années en lien avec les principales régions viticoles, est d’obtenir de nouvelles variétés résistantes et à typicité régionale, souligne Loïc le Cunff. Dans chaque région, on a retenu des cépages emblématiques dont on souhaite conserver les qualités à la descendance. Dans la vallée du Rhône, il s’agit de Syrah et Grenache. Ces cépages sont croisés par hybridation avec des génotypes donneurs de résistances, explique-t-il. Malgré tout, il est difficile à ce stade de savoir à quelle hauteur s’exprimera le caractère typique dans la nouvelle variété créée. C’est comme un enfant : on ne sait pas s’il exprimera les traits de sa mère ou de son père ! »
Une variété ne coche jamais tous les critères !
Ce travail de sélection prend du temps, « environ quinze ans », signale Loïc le Cunff. « Cela nous demande donc de nous projeter dans vingt ans ! » En attendant, une cinquantaine de variétés - parmi les plus de 200 créées par l’Inrae et l’IFV - ont été plantées à Piolenc (Vaucluse) pour être testées et observées dans le vignoble, aux côtés de témoins typiques non-traités (syrah, grenache). « On fait un suivi des maturités, du poids des baies, de l’acidité, du taux de sucre, du poids par cep à la récolte, de l’aspect touffu, ou encore des couleurs des moûts, dans le but de comparer et sélectionner les variétés qui cochent le plus de critères », explique Viviane Bécart, ingénieure à l’Institut rhodanien.
Loïc Le Cunff poursuit : « Dans la descendance d’un cépage typique croisé avec des génotypes de résistance, on peut avoir une énorme diversité… Une variété ne coche jamais tous les critères, il va falloir donc définir quels critères on souhaite garder en priorité. Et là, c’est au professionnel de faire le boulot. »
Génétique, une révolution appelée « Crispr-Cas »
Des chercheurs chiliens ont obtenu récemment une vigne résistante à l’oïdium par la nouvelle technologie génétique Crispr-Cas, ou « édition génomique ». Interdite en Europe, cette technologie fait débat. En résumé, Crispr-Cas s’appuie sur l’utilisation d’une enzyme qui a la capacité de faire des mutations ciblées sur le génome, afin de lui conférer une caractéristique précise. Récemment, une équipe chilienne a ainsi fait perdre leur sensibilité à l’oïdium à des plants de sultanine (cépage blanc de raisin de table) en utilisant cette méthode. En Europe, les nouvelles technologies génomiques sont aujourd’hui soumises à la même réglementation que les OGM. La Chine, le Chili ou encore les États-Unis, eux, ont donné leur feu vert sur les applications agricoles (mais pas seulement) de cette nouvelle technologie.