Congrès FNPF
Insuffler la connaissance et la culture du risque en arboriculture

Identifier les risques en arboriculture pour mieux les évaluer et les affronter, tel a été le thème du congrès de la Fédération nationale des producteurs de fruits, le 17 février à Valence.

Insuffler la connaissance et la culture du risque en arboriculture
Après la présentation des premiers résultats de l’étude sur la cartographie des risques en arboriculture, une table ronde a réuni Serge Zaka (agro-climatologue), Etienne Fourmont (agri youtubeurre), Audrey Bourolleau (cofondatrice du campus agricole Hectar), Frédéric Descrozailles (député en charge de la réforme de l’assurance récolte) et Bruno Darnaud (administrateur FNPF). ©AD26CL

Aléas climatiques, interdiction des emballages plastiques, plan pollinisateur, zone de non traitement (ZNT), perte de produits phytosanitaires, pénurie de main-d’œuvre… l’exercice du métier d’arboriculteur se complexifie. Ce constat a poussé la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) à établir une cartographie des risques en arboriculture, ceci « afin d’anticiper et ne pas attendre d’être dans le mur pour réagir », a expliqué sa présidente, Françoise Roch. Pendant un an, avec l’aide du cabinet d’étude en gestion des risques Marsh Advisory, cent experts nationaux de la filière fruitière ont travaillé en ateliers. Par ailleurs, quatre cents producteurs ont été sondés. Les premiers résultats de cette étude ont été dévoilés lors du congrès de la FNPF, le 17 février à Valence.

Douze catégories de risques

Inédite en agriculture, cette démarche a permis d’identifier douze catégories de risques en arboriculture . Chez les experts nationaux, le risque climatique n’arrive pas en tête mais en quatrième place. Sur la première marche du podium, ils placent l’évolution réglementaire et juridique (en particulier sur les produits phytosanitaires), puis le risque sanitaire (maladies et ravageurs) et le risque humain (pénurie de main-d’œuvre et transmission des exploitations). Les producteurs sondés, eux, considèrent comme risque majeur les événements météorologiques extrêmes, suivis des risques sanitaire et humain. Ils ont aussi signalé le risque lié à l’impact du voisinage. Sur le bassin fruitier d’Auvergne-Rhône-Alpes, la gestion de l’eau (ressource naturelle) s’ajoute aux préoccupations.

« 60 % des risques majeurs identifiés sont assurables, totalement ou partiellement, ont précisé les rapporteurs de l’étude. Pour ceux non assurables, des moyens et pistes de solution ont été recensés afin d’initier une démarche d’anticipation. »

Un risque marché qui refait surface

« Cette cartographie démontre la grande richesse de notre métier, épuisant certes mais excitant, a fait remarquer Bruno Darnaud, administrateur à la FNPF en charge de la gestion des risques, lors de la table ronde qui a suivi. Les arboriculteurs sont conscients des risques et ont envie d’être proactifs. » Interrogé sur la quasi absence du risque « marché », « l’étude a été réalisée en 2021 avec un marché plus favorable, a-t-il répondu. Depuis dix ans, d’énormes efforts ont été faits pour se démarquer et mettre en avant les produits français dans les GMS. Mais, a-t-il prévenu, depuis quelques semaines la consommation de fruits est en baisse, le coût des intrants en hausse et la guerre des prix est relancée par les GMS, comme actuellement sur les pommes et endives. »

Les impasses liées à la suppression de produits phytosanitaires peuvent-elles être résolues ? « Oui, selon Bruno Darnaud. Il suffit que le chef de l’État mette en application ce qu’il avait annoncé, à savoir pas de suppression de produits sans alternative. »

Le risque climatique va en augmentant

En matière de risque climatique, « protéger son verger, l’assurer et constituer une épargne de précaution, c’est l’idéal pour un arboriculteur, a affirmé Bruno Darnaud. Et pour que ça marche, on a besoin du législateur et des collectivités locales. » L’agro-climatologue Serge Zaka estime que le risque climatique va en augmentant. « D’ici 2050, il y a 60 % de risque de revivre un gel comme celui d’avril 2021, a-t-il annoncé. Dans le Sud-Est, le risque de canicule est cinq fois plus élevé avec une année sur trente d’ici 2050 puis une année sur cinq. Quant aux sécheresses majeures, elles concerneront un tiers de la France chaque année d’ici 2050. » Ces prévisions inciteront-t-elles les arboriculteurs à s’assurer ? « Aujourd’hui, seulement 3 % des vergers sont assurés », a indiqué le député Frédéric Descrozailles, en charge de la réforme de l’assurance récolte. Pour que ce chiffre augmente, « il faut supprimer la moyenne olympique, a souligné Bruno Darnaud. Et il faut que les assureurs tiennent compte des surfaces déjà protégées. » Selon Serge Zaka, « la moyenne olympique n’est valable scientifiquement que si le climat est stable. Il faut donc revoir ce critère et privilégier, par exemple, la modélisation des rendements à partir des données climatiques. » Selon Frédéric Descrozailles, cette moyenne olympique est « une contrainte internationale qui ne pourra pas se régler d’ici 2023 ». Face à l’ampleur du changement climatique, il évoque la nécessité d’une mobilisation européenne au travers d’un « troisième pilier de la Pac ».

Attirer la main d’œuvre

Autre phénomène d’ampleur ces dernières années, la pénurie de main-d’œuvre. « Sur le social, les marges de sécurité des exploitants sont très faibles car beaucoup d’exploitants utilisent encore beaucoup d’entraide familiale, a constaté Audrey Bourolleau, cofondatrice du campus agricole Hectar situé près de Paris. C’est un risque à sécuriser et pour cela on a besoin de données sociales mais aussi de formation des exploitants au processus d’accueil des salariés. » Elle estime que l’attractivité du métier passe aussi par les nouvelles technologies.Quant à Etienne Fourmont, éleveur présent depuis quatre ans sur Youtube (une vidéo par semaine, 94 000 suiveurs), il est venu dire que ce réseau social donne « une bonne image des agriculteurs ». Il incite les arboriculteurs à suivre son exemple « sinon, d’autres le feront à leur place ».

Plus tôt dans la matinée, dans un message vidéo, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a rappelé que le dispositif d’allègement des charges des saisonniers TODE était prolongé jusqu’en janvier 2023. Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA, a demandé sa pérennisation.

Christophe Ledoux

Le 17 février dans le nouveau Palais des congrès de Valence, quelque 250 personnes ont participé à la dernière matinée du 75e congrès de la FNPF.

Françoise Roch, présidente de la FNPF « Donnez-nous de la visibilité »

« Laissez-nous le pas de temps de la recherche », a lancé la présidente de la Fédération des producteurs de fruits, Françoise Roch, en clôture du congrès. Un message volontairement « politique » à « faire passer » au ministre de l’Agriculture, a-t-elle souligné. Prenant en exemples l’interdiction du plastique dans les emballages de fruits et légumes (loi Agec) et l’interdiction de phytosanitaires sans l’existence d’alternatives, Françoise Roch a fustigé « toutes ces lois, ces décrets et ces plans » qui sont de surcroît « complètement déconnectés [de ce que permet] l’Europe » et qui risquent de décourager les professionnels de l’arboriculture, secteur déjà à la peine pour recruter de la main-d'œuvre.

« Nous, les arboriculteurs, on fait partie des cultures pérennes. Cela veut dire qu’on investit pour vingt ou trente ans des sommes incroyables dans nos vergers. On n’a pas le droit de se tromper, il nous faut de la visibilité ! », a-t-elle étayé. Elle a aussi appelé les arboriculteurs à « se prendre en main » et à travailler collectivement pour faire face aux nombreux défis rencontrés par la filière.

Gestion des risques climatiques : sénateurs et députés d'accord en CMP

Réunis en Commission mixte paritaire (CMP) le 16 février, députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur le projet de loi portant sur la gestion des risques climatiques en agriculture. Les sénateurs, qui demandaient davantage de visibilité sur la réforme, ont notamment obtenu que les modalités techniques (taux, seuils) soient fixés sur une période de trois ans. Ils ont également acquis l'inscription d'objectifs portant sur la dépense publique (600 millions d’euros par an). Fruit de nombreuses négociations, un rapport annexé au projet de loi mentionne également des objectifs concernant plusieurs modalités techniques :franchise à 20 %, subvention des primes d'assurance à 70 %, seuil de déclenchement de l'intervention publique à 30 % pour les productions où l'assurance est peu développée (prairies, arboriculture par exemple) et à 50 % pour les autres.

Gel 2021 : à propos de la prise en charge des cotisations sociales

En ouverture du congrès de la FNPF, le 16 février à Valence, la présidente Françoise Roch a promis d’être vigilante sur plusieurs points « noirs ou gris » concernant le gel printanier de 2021, en particulier la prise en charge des cotisations sociales. Celle-ci fait partie des aides européennes dites « de minimis », dont le versement par exploitant est plafonné à 20 000 euros sur trois exercices fiscaux glissants. Pour contourner la difficulté d’un plafond déjà atteint, la FNPF souhaite que l’aide MSA puisse être étalée sur plusieurs années et qu’elle bénéficie aussi aux groupements d’employeurs.