Manifestations
Deux nouveaux points de mobilisation en Drôme

Les actions de blocage par les agriculteurs se multiplient depuis mardi en Drôme. Les blocages initiés mercredi par la FDSEA et les JA sur Bourg-de-Péage et Montélimar sont prévus pour durer.

Deux nouveaux points de mobilisation en Drôme

Dès 4 heures du matin mardi 23 janvier, environ 70 agriculteurs et une trentaine de tracteurs ont bloqué les voies de l’autoroute A7 dans les deux sens, au niveau des entrées et sorties de secours de la zone Axe 7 à Albon, dans le Nord-Drôme. La préfecture a dû déclencher le plan Palomar (déviation Paris Lyon Marseille par Grenoble) pour permettre aux voitures et camions d'emprunter les axes secondaires. Sur place, les agriculteurs ont fait part de leur exaspération, se plaignant de crouler sous les normes et de ne pas gagner assez bien leur vie. Parmi les multiples revendications : des simplifications administratives, aucune nouvelle interdiction de pesticides, pas d’augmentation du prix du gazole non routier, être indemnisé plus vite après des calamités ou encore la pleine application de la loi Egalim censée obliger les industriels et les grandes surfaces à mieux payer les agriculteurs.

« Pour une durée indéterminée »

Toujours dans la journée de mardi, FDSEA et Jeunes agriculteurs (JA) de la Drôme ont appelé leurs adhérents à se mobiliser mercredi 24 janvier en deux points du département : à Bourg-de-Péage et Montélimar Sud, dès 9 h 30. Pour le secteur de Bourg-de-Péage, le rendez-vous avait été fixé sur le parking du centre aquatique Diabolo avec pour objectif de bloquer la liaison autoroutière entre Valence et Romans (Lacra), laquelle relie les autoroutes A7 et A49. À Montélimar-Sud, le point de rassemblement était le rond-point extérieur du péage avec pour objectif de bloquer l'autoroute A7. Des renforts du Vaucluse, de l'Ardèche devaient rejoindre les Drômois, lesquels ont annoncé une mobilisation « pour une durée indéterminée ». Dans ce secteur du Sud-Drôme, des opérations vers des centrales d'achat de grandes enseignes de la distribution étaient également projetées.

Au moment du bouclage de L'Agriculture Drômoise, mardi soir, la détermination des responsables syndicaux étaient fortes pour qu'aboutissent leurs revendications : « Nous attendons un discours et des actes concrets depuis le plus haut niveau de l’État. Cette semaine de mobilisations n'est qu’une étape... »

E.B. et C.L.

FDSEA et JA : des revendications

- Stop aux importations de produits alimentaires qui sont en totale distorsion de concurrence avec les produits français. Les agriculteurs français subissent un empilement de normes, de contraintes et de contrôles. « Nous n’avons aucune garantie que les produits importés respectent ces normes alors qu'ils viennent concurrencer les produits français et tirer le revenu des agriculteurs vers le bas », expliquent les deux syndicats.

- Stop au double discours qui dit vouloir maîtriser l’inflation alimentaire tout en protégeant les agriculteurs. « Les décisions prises, qui ne font qu’augmenter les charges énergétiques des agriculteurs, nous prouvent le contraire », constatent FDSEA et JA.

- Stop à tous les freins distorsifs qui empêchent les producteurs français de produire et d’assurer la souveraineté alimentaire de la France : prédation toujours grandissante, impossibilité de développer la ressource en eau, suppression de matières actives sans alternative... FDSEA et JA exigent aussi une application systématique des clauses miroir dans les accords commerciaux internationaux.

- Stop aux promesses politiques qui ne sont pas suivies d’actes. « Le grand plan élevage annoncé au Sommet de l’Élevage 2023 n’en n’est pas un : dans les faits, les agriculteurs attendent toujours des mesures concrètes, constatent les deux syndicats. Les membres du Gouvernement doivent être responsables de ce qu’ils annoncent et le faire appliquer par leur propre administration. » FDSEA et JA fustigent « une administration incapable de verser la totalité des soutiens de la Pac en temps et en heure alors que les agriculteurs ont tenu leurs engagements et respecté toutes les formalités qui leur sont imposées ». Ils dénoncent aussi les retards de versement des aides liées aux évènements climatiques.

Points de vue

Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA de la Drôme

« Nous voulons du revenu et de la reconnaissance »

« Notre colère n’est pas nouvelle, nous tirons la sonnette d’alarme depuis des années. Ce qui se passe aujourd’hui est le trop-plein d’un contexte où nous ne sommes pas entendus, considérés et respectés. Ce que nous voulons, c’est redonner une forme de dignité à notre métier, être rémunérés justement dans le respect de la loi Egalim et être compétitifs sur les marchés », indique Sandrine Roussin. Ces propos, et d'autres, elle en a fait part directement au préfet Thierry Devimeux lors d'une entrevue, le 22 janvier à Valence. « Face au matraquage écologique et sociétale que notre profession subie, nous voulons de la considération et de la reconnaissance : nous souhaitons redonner de la dignité à notre métier d’agriculteur. Nous ne voulons plus de surtransposition des normes, de suppression de matières actives sans alternative crédible, de produits importés qui ne respectent pas nos standards de production, de nouvelles taxes... Nous voulons du revenu, de la compréhension, de la reconnaissance et de la considération. »

Propos recueillis par Ch. Ledoux

Jean-François Giguel, secrétaire général de la FDSEA 26, nuciculteur à Saint-Laurent-en-Royans. 

« La mobilisation est faite pour durer »

« C’est une colère inédite ces dernières années qui est en train de gagner le monde agricole. J’ai 38 ans et je n’ai pas souvenir d’une telle grogne nationale, qui je le rappelle est portée par le syndicalisme majoritaire FNSEA-JA », confie Jean-François Giguel. Joint mardi après-midi, en pleine préparation des actions prévues en Drôme dès mercredi (lire ci-dessus), le responsable syndical assure que le téléphone n’arrête pas de sonner, que quelque chose de fond se soulève parmi les agriculteurs et que l’action qui va démarrer « est faite pour durer ». Et de citer les raisons d’une colère grandissante : l’explosion des coûts de production, le retrait de produits phytosanitaires sans autre alternative, la mise en place de l’assurance climatique « qui ne marche pas » pour certaines productions... « L’État ne fait que se désengager », déplore Jean-François Giguel qui se tient désormais prêt pour plusieurs jours de mobilisation.

Jordan Magnet, premier vice-président de la FDSEA 26, installé en polyculture-élevage à Soyans.

Ne plus être « les dindons de la farce »

Tout comme Jean-François Giguel, Jordan Magnet espérait dès ce mardi après-midi qu’un mouvement d’ampleur se dessine pour cette fin de semaine. Suite à la première mobilisation des agriculteurs drômois le 21 novembre dernier à Valence, il estime qu’aucune vraie réponse n’a été apportée. « C’est assez symptomatique de l’incompréhension entre les attentes des agriculteurs et les réponses de l’État », souligne Jordan Magnet. Des réponses qu’il résume en une phrase empruntée à l’humoriste Coluche : « Si vous avez besoin de quelque chose, je vous dirai comment vous en passer ». « Les agriculteurs français n’en peuvent plus d’être bafoués par un gouvernement qui répond à côté à chaque fois », commente le syndicaliste. En Drôme, le ras-le-bol est d’autant plus grand selon lui que de nombreux agriculteurs ont pris l’orientation de productions qualitatives (AOP, IGP, bio…) et répondent aux enjeux environnementaux. « Mais finalement on est un peu les dindons de la farce. L’empilement des normes fait que même lorsqu’on respecte déjà des cahiers des charges qualitatifs, on nous demande d’aller encore plus loin. Mais là, on ne peut plus, économiquement ça ne suit plus », dénonce Jordan Magnet. 

Benjamin Aubert, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs 26, installé en polyculture-élevage à Montoison.

« En Drôme, le ras-le-bol est général »

Entré dans le syndicalisme Jeunes Agriculteurs il y a une dizaine d’années, Benjamin Aubert l’affirme : « Je n’ai encore jamais assisté à une mobilisation de cette ampleur. Je pense que certains sous-estiment le blocage qui se prépare. Nous visons la longueur et nous en avons averti le préfet en bonne et due forme. » Depuis quelques jours déjà, la pression des adhérents est grande pour se lancer dans la mobilisation. « Nous avons d’abord voulu cadrer les choses, permettre à nos agriculteurs de s’exprimer mais dans un cadre structuré. Nos priorités sont le rapport de force mais, avant tout, la sécurité ». Il rappelle qu’en Drôme le ras-le-bol est général car « la Drôme est une petite France agricole, on y cumule toutes les difficultés ». Pour lui, plus question de laisser le dialogue avec les pouvoirs publics noyé sous une masse de dossiers dont aucun n’avance. « On veut savoir par où on attaque et qu’on ait des résultats en face », annonce Benjamin Aubert. Il est prêt à tenir la mobilisation jusqu’à ce que les agriculteurs obtiennent des avancées concrètes.

Propos recueillis par Sophie Sabot