ÉCONOMIE CIRCULAIRE
Recycler ses bouchons de liège : un geste écologique et solidaire

La fédération française du liège a lancé depuis 2010 une filière de collecte des bouchons de liège. 400 tonnes sont déjà recyclés chaque année en France mais le potentiel serait dix fois plus important. Où et pourquoi recycler ses bouchons ? Explications.

Recycler ses bouchons de liège : un geste écologique et solidaire
Un bouchon recyclé ne redeviendra jamais un bouchon. Broyé en granulés, il entrera dans la fabrication de matériaux divers et deviendra ainsi une nouvelle ressource. © Cave de Tain.

Et si après avoir débouché vos bouteilles de vin vous mettiez de côté les bouchons de liège pour les déposer dans un point de collecte en vue de leur recyclage ? C’est le réflexe que rêve de voir se développer la fédération française du liège (FFL) qui regroupe treize entreprises de bouchonniers liégeurs. Depuis plus d’une dizaine d’années, la FFL construit une filière de recyclage des bouchons de liège. Deux mille points de collecte sont déjà en place en France, gérés par des acteurs aussi divers que des associations, des cavistes, des vignerons indépendants, des caves coopératives, des épiceries, des ressourceries ou négoces en matériaux écologiques ou encore le musée du liège et du bouchon de Mézin (Lot-et-Garonne). Depuis 2010, « 600 millions de bouchons, soit l’équivalent de 2 500 tonnes, ont déjà été recyclés », affirme la FFL. Mais que deviennent-ils ?

Un potentiel de 4 000 tonnes par an

La première chose à savoir est qu’un bouchon recyclé ne redeviendra jamais un bouchon. À la fois pour des questions de qualité mais aussi pour éviter tout risque de contrefaçons. Les bouchons collectés sont expédiés au Portugal où ils sont broyés en granulés. Le groupe Amorim, multinationale d’origine portugaise et leader du marché du liège, y a inauguré en 2009 sa première ligne de recyclage du liège. Les granulés ainsi obtenus sont destinés à la fabrication de matériaux très divers utilisés dans la construction (isolant, parquet…), l’ameublement, l’aérospatiale, l’automobile ou encore l’industrie de la chaussure. On en retrouve jusque dans des surfaces de sport, des scellages et joints, des sacs à main, des objets de design et créations artistiques…

Si la filière permet pour l’instant de recycler en France 400 tonnes de bouchons par an, Jean-Marie Aracil, chargé de mission à la FFL, estime que le potentiel annuel est de 4 000 tonnes. Même en atteignant ce potentiel, il reconnaît que cela reste de petits volumes qui ne peuvent permettre de financer une filière de recyclage rentable en France. D’où la nécessité de travailler de façon transversale au niveau européen, notamment en s’appuyant sur les savoir-faire portugais. Mais qui dit collecte et recyclage dit forcément transport. D’où l’enjeu de s’assurer que le bilan environnemental du recyclage reste cohérent.

Plus de 800 000 € pour des actions caritatives

L’inconvénient du bouchon de liège, c’est sa masse et sa taille. Selon la FFL, il faut entre 120 000 et 150 000 bouchons pour constituer trois palettes de 250 kg chacune, la quantité minimum requise pour un enlèvement. La FFL propose d’organiser des sites de massification et de trouver avec les partenaires la solution optimale pour assurer le transport des bouchons des points de collecte secondaire vers leur point de collecte principal. « Nous disposons d’une vingtaine de centre de massification en France », précise Jean-Marie Aracil. Les bouchons sont ensuite expédiés vers l’usine française du groupe Amorim en Gironde, adhérent de la FFL. De là, il seront expédiés au Portugal en profitant des voyages retour des camions livrant l’industriel.

Les bouchons collectés sont vendus par la FFL au groupe Amorim. Ils sont valorisés à la tonne de liège broyé. L’intégralité de l’argent récolté est reversé aux centres de collecte pour financer des actions humanitaires ou caritatives ou encore la plantation de chênes lièges en France. Ainsi la FFL estime que, depuis 2010, la collecte des bouchons de liège en France a déjà permis de redistribuer 800 000 euros à des associations et de planter plus de 9 000 chênes lièges sur 18 ha.

Sophie Sabot

Pour connaître les conditions de rémunération des bouchons collectés et triés, en fonction des quantités, contacter la Fédération française du liège : [email protected]
Pour trouver un point de collecte près de chez vous, rendez-vous sur : recyclage.planeteliege.com
Cave de Tain (Drôme)

Une collecte pour les personnes en situation de handicap

Que ce soit dans ses deux boutiques, dans la salle de dégustation, dans l’espace événementiel de la Villa Caroube ou encore dans la partie production, la Cave de Tain a installé des collecteurs de bouchons de liège et synthétiques. Cette collecte, organisée depuis plusieurs années, est une évidence pour ses responsables dans le cadre de l’adhésion de la cave au label RSE* « Vignerons engagés ». Ce label prône, entre autres, de favoriser l’écoconception, de diminuer les déchets et de développer du lien social et solidaire.

« En 2022, nous avons réuni 200 kg de bouchons dont 90 % en liège », précise Benoit Petit, responsable communication de la cave. Ceux-ci ont été confiés à l’association tainoise « Plein les yeux ». En revendant ces bouchons dans le cadre de la filière nationale de recyclage, l’association peut ainsi récolter des fonds pour financer du matériel spécifique pour des personnes en situation de handicap sur Tain-L’Hermitage et sa périphérie. La Cave de Tain espère à l’avenir développer davantage cette collecte au bénéfice de l’association. « Sur nos réseaux sociaux, dans notre newsletter, nous communiquons sur la possibilité de nous ramener les bouchons », insiste Benoit Petit. Il espère aussi que partout en France, là où sont consommés les vins de la Cave de Tain, leurs bouchons sont déposés dans d’autres points de collecte, au profit d’autres associations.

S.S.

* RSE : responsabilité sociétale des entreprises.
Cavistes Nicolas

Recycler les bouchons pour replanter des arbres

Depuis 2013, les cavistes Nicolas, enseigne du groupe Castel, collabore avec la fédération française du liège pour le recyclage des bouchons. « Dans nos 500 points de vente en France, nous avons mis en place un schéma de collecte. Des urnes permettent de déposer les bouchons de liège, sans aucune obligation d’achat et ceci que les bouchons proviennent ou non de bouteilles achetées chez Nicolas », indique Christopher Hermelin, directeur marketing de l’enseigne.

En 2022, 5,3 millions de bouchons, soit 21 tonnes, ont ainsi pu être collectés. La logistique pour rediriger ces bouchons vers leur lieu de recyclage est simple. « Nos cavistes sont livrés tous les quinze jours, voire toutes les semaines. Quand leur urne est pleine, il leur suffit de la laisser dans le sas où sont déposées leurs commandes », poursuit Christopher Hermelin. Le livreur prend alors en charge les bouchons et les réachemine vers la plateforme logistique. Les volumes collectés dans toute la France sont ensuite expédiés vers les acteurs de la filière recyclage. En partenariat avec la fédération française du liège, l’intégralité des fonds ainsi récoltés est réinvestie dans la plantation de chêne-liège dans les Pyrénées-Orientales. Plus de 8 000 arbres ont déjà été plantés via ce partenariat. Christopher Hermelin assure que toute structure souhaitant participer à cette collecte, mais ne disposant pas de moyens logistiques, peut se mettre en relation avec les cavistes Nicolas. Ceux-ci pourront récupérer les bouchons et les faire entrer dans le circuit de recyclage mis en place par la marque.

S.S.