Epandage
Engrais minéraux :  acheter maintenant  pour préparer 2024 ?

Après une flambée des cours des engrais azotés (+ 800 € la tonne) à l’automne 2022, les cours en ce printemps sont retombés à environ 450 €. Une volatilité déconcertante qui décourage toutes les prévisions.

Engrais minéraux :  acheter maintenant  pour préparer 2024 ?
©paysanbreton

«Aujourd’hui, c’est bien difficile de faire des projections, on est bien en peine pour prévoir ce qu’il va se passer, confie Frédéric Moigny, responsable des équipes agronomie - Mes Parcelles à la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme. L’évolution des cours est très déroutante. » Frédéric Moigny rappelle qu’à l’automne dernier des rumeurs de possibles pénuries circulaient, aussi la plupart des agriculteurs ont anticipé leurs achats d’engrais minéraux, en particulier les engrais azotés qu’ils ont payé au prix fort, plus de 800 € la tonne. Pratiquement le double par rapport à l’automne 2021. Aujourd’hui, en cette fin d’hiver, les prix des engrais ont quasiment retrouvé leurs niveaux normaux. Dans le même temps, les agriculteurs constatent une baisse du prix des céréales, du blé en particulier. Cette diminution des tarifs s’explique en partie par les fortes productions russe et australienne en 2022.

Inquiétude sur les rendements

« Actuellement, les agriculteurs subissent ce que l’on appelle l’effet ciseau, se désole Frédéric Moigny. À l’achat d’engrais à des prix très élevés, vient s’ajouter l’augmentation des tarifs des produits phytosanitaires, des carburants, des pièces pour les matériels… Dans le même temps, le blé a perdu en moyenne 100 € la tonne, alors que l’on commence à ressentir des inquiétudes par rapport aux rendements si la sécheresse perdure. Dans ces conditions, le produit hectare risque de ne pas être à la hauteur du niveau des charges. En effet, si l’on se conforme aux conseils de fertilisation de 170 à 180 kg d’azote à l’hectare, au prix de 800 € la tonne d’urée, ça revient à 310 € à l’ha, le coût de la fertilisation s’est donc alourdi de 150 € à l’hectare », décrit-il.

Préparer la campagne 2024

Actuellement, on a très peu de visibilité, on ne peut pas prévoir à long terme. Les cours peuvent subir de brusques soubresauts. « On sait, toutefois, que l’énergie va continuer d’augmenter parce que la demande ne cessera pas de progresser, pronostique Frédéric Moigny. Si l’on est pragmatique, en faisant des achats maintenant, on pourrait avoir le double de quantité pour la même somme dépensée l’an dernier. Cela reste toutefois un peu plus cher qu’en 2021. Compte tenu de la situation actuelle, il serait sage pour ceux qui ont la trésorerie, de préparer dès maintenant la campagne 2024, en procédant aux achats d’engrais minéraux. »

Magdeleine Barralon

Ils témoignent

Christophe Basset Privilégier la pâture

Christophe Basset, éleveur laitier à Saint-Nizier-le-Bouchoux (Ain). Son Gaec produit 670 000 litres de lait sur 76 ha pour Sodiaal et l’AOP crème et beurre de Bresse. Il cultive 30 ha en maïs et sorgho, le reste est en prairie. Le fonctionnement du Gaec est intensif avec un chargement élevé des prairies. « Pour nous, le premier engrais c’est le lisier des vaches que l’on épand à raison de 30 m3 par ha, indique Christophe Basset. On est assez peu dépendant des engrais azotés : 3,5 tonnes d’ammonitrates pour les prairies et 4 tonnes d’urée sur le maïs par an. En 2021, notre budget s’est élevé à environ 2 300 € (environ 5 tonnes d’engrais de fond et magnésie en plus). En 2023, notre budget s’élève à 6 300 €, soit un surcoût de 4 000 euros. »
Pour tenter de diminuer le recours aux engrais azotés, le Gaec ne cesse de faire évoluer ses pratiques en diminuant notamment le nombre de génisses, ou bien en exploitant mieux les effluents grâce à un séparateur de phase. Et plus globalement, en misant sur la valorisation du pâturage.

Éric Viollet   S’adapter pour diminuer les apports d’urée

Céréalier à Leyment, plaine de l’Ain, Éric Viollet cultive sur 175 ha du maïs (41 %), du blé (24 %), du tournesol (15 % et de l’orge (6 %). Une partie est en prairie (17 %) et une autre en jachère (6 %). « En septembre-octobre, alors que les cours avaient doublé, les coopératives et les distributeurs nous ont dit de commander très tôt car ils craignaient des pénuries, raconte Éric Viollet. J’épands essentiellement de l’urée payée 865 € la tonne contre 450 en 2021. Aussi, en 2023, pour tenter d’absorber ce surcoût, je vais faire l’impasse sur les engrais de fond. Pour réduire l’usage d’urée, depuis deux ou trois ans, je mets en place, après les récoltes, des couverts végétaux que je fais ensuite brouter par des moutons. Sur 24 ha, j’ai 250 moutons, cela m’évite de passer les outils mécaniques et leurs déjections apportent de l’azote. Ce qui limite un peu l’apport d’engrais au printemps. »

M. B.