Santé
Des sentinelles pour lutter contre le mal-être en agriculture

En 2021, face à l’urgence de la situation, l’État mettait en place une charte interministérielle dédiée à la prévention du mal-être et du risque suicidaire dans le monde agricole. Depuis, différentes actions ont été mises en œuvre par les acteurs mobilisés sur les territoires. 2023 marque le début d’un vaste déploiement de « sentinelles ».

Des sentinelles pour lutter contre le mal-être en agriculture
Depuis le début de l’année, la MSA recrute des volontaires bénévoles pour créer un réseau de « sentinelles » destiné à repérer et orienter des personnes en situation de mal-être ou de détresse. ©armorique.msa.fr

Alors que le monde agricole présente une surmortalité par suicide et un risque supérieur de 43 % au reste de la population en âge d’être actif (étude MSA et SNDS 2016), l’État et les différents acteurs territoriaux tentent de réagir. Le 23 novembre 2021, le gouvernement présentait sa feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté. Une charte interministérielle chargeait alors les DDT (direction départementale des territoires), les ARS (agences régionales de santé), les chambres d’agriculture, les associations et les agences pluridépartementales de la MSA (Mutualité sociale agricole), de développer des actions dans ce domaine. Des comités pléniers et techniques étaient ensuite organisés pour agir au mieux, au cœur des territoires.
Bien que l’ensemble de la population, affiliée ou non à la MSA, soit concerné par ces dispositifs, ils visent particulièrement le monde agricole en raison des enjeux qu’il représente. Selon Julie Malsert, chargée d’études mal-être à la MSA Ardèche-Drôme-Loire, cela peut s’expliquer par de nombreux facteurs tels que la dureté du travail et l’implication qu’il nécessite au quotidien face à un manque important de reconnaissance voir à l’agribashing (dénigrement des pratiques agricoles), mais aussi au contexte économique et à la forte exposition aux aléas climatiques.

Accueillir et orienter

Ainsi, depuis le début de l’année 2023, un réseau de « sentinelles » se crée. Celui-ci consiste à former des citoyens volontaires et bénévoles à repérer les personnes à risque, à évaluer la gravité de leur état de santé mentale et à accueillir leur parole pour enfin les orienter vers la structure la mieux adaptée. Durant une journée, organisée localement lorsque plusieurs sentinelles en font la demande, ceux-ci apprennent à la fois leur champ d’action mais aussi leurs limites. En effet, n’étant pas issus du corps médical, ces personnes n’ont pas fonction d’accompagnement. Au contraire, leur rôle est de donner, à la personne qui en ressent le besoin, les clés pour recevoir une aide adaptée. En ce sens, ils disposent d’un livret répertoriant les numéros et structures spécialisées.
Les sentinelles bénéficient également d’une information sur leur propre santé mentale mais aussi la gestion et l’accueil de la parole des personnes en danger. En Ardèche-Drôme-Loire, la MSA a mis en place une cellule de prévention ainsi que des moments d’échange.
Julie Malsert donne d’ailleurs trois numéros de téléphone à retenir et à composer en cas de besoin : « le 15, à contacter dans le cadre d’une crise suicidaire, lors d’une urgence ; le 3114, numéro national pour la souffrance et la prévention du suicide, qui offre une écoute adaptée à chacun ; enfin, joignable 24h/24 et 7j/7 au 09 69 39 29 19, Agri’écoute est un service spécialisé dans le dialogue et l’écoute anonyme des agriculteurs et salariés agricoles. »

Une solidarité nécessaire

Cette mobilisation citoyenne permettra de renforcer le maillage territorial des acteurs concernés dans la prévention, la détection et le soin du mal-être, spécialement en milieux ruraux et dans les déserts médicaux. Ce dispositif nécessite donc la participation de nombreuses sentinelles pour en augmenter l’efficacité. Les personnes intéressées par la formation sont d’ailleurs invitées à contacter Julie Malsert par téléphone au 04 75 75 68 95 ou au 06 34 12 67 31.
En ce sens, des campagnes et des évènements sont organisés par la MSA et d’autres établissements afin de sensibiliser les populations et de « recruter » de nouveaux volontaires.

Ainsi, en partenariat avec l’organisme de protection sociale, la Compagnie des oliviers donnera trois représentations de la pièce de théâtre « Un temps de cochon ». Durant 1 h 20, le spectacle mis en scène par Jean-Pierre Georges tente de refléter le quotidien difficile de nombreux agriculteurs. À Montbrison (42), Bourdeaux (26) et Saint-Victor (07), un temps d’échange avec des professionnels de la santé mentale clôturera chaque séance. 
Clara Serrano

 

« Un temps de cochon »  le 30 mars à Bourdeaux
La pièce permet de suivre l’histoire d’une éleveuse confrontée à certaines difficultés au quotidien. Ce spectacle - émouvant plutôt que triste et choquant - porte un message d’espérance.
Théâtre

« Un temps de cochon »  le 30 mars à Bourdeaux

Mis en scène par Jean-Pierre Georges, « Un temps de cochon » est un spectacle signé de la Compagnie des oliviers. Un groupe créé il y a plus de 25 ans et dont les membres ont à cœur d’aborder, en partenariat avec des organismes de prévention, des sujets difficiles. En effet, Jean-Pierre Georges explique que cet engagement « fait partie de l’ADN de la compagnie. Nous considérons que le théâtre est destiné à faire grandir l’humanité ». Parmi eux, la vieillesse, le suicide des jeunes, les violences faites aux femmes, la maltraitance, le handicap ou encore la ruralité et le monde agricole.
À la demande de la Mutualité sociale agricole (MSA) du Languedoc, Jean-Pierre Georges s’est rendu auprès d’agriculteurs qui sont (ou ont été) concernés par le suicide et le mal-être, mais aussi de familles qui ont perdu un proche. Grâce à leurs témoignages, il a mis en scène cette pièce de théâtre qui s’exporte aujourd’hui à d’autres départements.
Une dimension de réel
Le spectacle se découpe en différentes parties. En effet, la pièce de théâtre permet de suivre l’histoire d’une éleveuse confrontée à certaines difficultés au quotidien. Après une tentative de suicide, nous la retrouvons à l’hôpital. Elle fera ensuite de nombreuses rencontres qui l’aideront à faire son propre cheminement. « De manière à apporter une dimension plus réelle », les scènes sont entrecoupées de quelques témoignages vidéo tournés auprès des personnes que Jean-Pierre Georges a rencontrées. « Je mets en valeur la parole des agriculteurs que je pense qu’il est très important d’écouter », précise-t-il.
Bien que le sujet soit difficile, le metteur en scène tient à préciser que le spectacle - émouvant plutôt que triste et choquant - porte un message d’espérance. Il ne concerne également pas que les agriculteurs : « Tous types de personnes peuvent être intéressés. Cela permet aussi au grand public de se rendre compte du quotidien et des difficultés rencontrées par les agriculteurs. »
Trois séances sont programmées : à Montbrison (42), espace Guy-Poirieux, le 24 mars à 20 h 30 ; à Bourdeaux (26), salle des fêtes Pierry-Belle, le 30 mars à 20 h 30 et, toujours à la même heure, le 31 mars à Saint-Victor (07), dans la salle des fêtes Pouyols. Chacune est gratuite et ouverte à tous dès 8 ans, de même que les temps d’échange avec des professionnels de la santé mentale qui suivront. « Je pense que c’est important que les personnes échangent sur ce qu’ils ont vu et entendu à la suite du spectacle » conclut le metteur en scène.