FONCIER
La transmission au cœur du congrès des fermiers et métayers
Après l’évaluation de l’entreprise agricole en 2021 et le portage du foncier en 2022, la transmission s’invite à la 75e édition du congrès de la Section nationale des fermiers et métayers (SNFM), cette semaine dans la Loire.
À Villerest dans la Loire, 120 à 130 délégués étaient réunis du 21 au 23 février pour la 75e édition du congrès de la Section nationale des fermiers et métayers (SNFM).
Avec cette 75e édition, si les sujets peuvent donner l’impression de s’essouffler, Bertrand Lapalus, président de la SNFM, exclut cette idée : « C’est vrai que cela pourrait paraître rébarbatif. Mais de l’intérieur, nous avons plein de nouvelles problématiques très intéressantes où les fermiers ont tous leur place : l’agrivoltaïsme, la mise en place d’un statut d’agriculteur professionnel, les montages sociétaires, les ZNT (zones de non-traitement), la fiscalité et son évolution, etc ».
Trois éditions complémentaires
Concernant les derniers congrès, où les rapports d’orientation ont systématiquement été validés par les délégués, Bertrand Lapalus se veut fier du travail accompli. En 2021, la thématique portait sur l’évaluation de l’entreprise agricole. « Il semble important, si l’on veut réussir une installation, de bien préparer la transmission. Il faut donc partir sur des bases justes. L’évaluation de l’entreprise agricole est réclamée par bon nombre, car aujourd’hui, on s’écarte beaucoup de la réalité économique et on tend trop vers une évaluation patrimoniale. Avec cette dernière, un barrage est alors fait aux jeunes candidats à l’installation. » L’an dernier, le thème de la 74e édition était le portage du foncier agricole et ses solutions. « Nous avons parlé du fonds de portage mis en place par les Safer, mais aussi des GFA (groupements fonciers agricoles), des investisseurs privés qui se comportent en bailleurs, etc. » Avec la thématique de 2023, à savoir la transmission, ces trois derniers congrès se veulent complémentaires. « Cette année, nous terminons avec le sujet de la transmission, car pour que celle-ci réussisse, il faut que les deux thèmes abordés précédemment voient le jour. » Guidés par le sujet du renouvellement des générations, les travaux ont permis de mettre en lumière le constat suivant : « Nous savons qu’en 2026, 50 % des agriculteurs auront atteint l’âge légal de la retraite. 70 % d’entre eux n’ont pas de successeur connu. Donc cela veut dire que l’on aura du sang neuf, des hors cadres familiaux qui viendront et donc, des profils d’agriculteurs différents. Ils auront besoin de partir sur de bonnes bases, d’avoir un outil de travail sécurisé et estimé à sa juste valeur ».
Axel Poulain
La SNFM soutient une évolution du statut du fermage
La Section nationale des fermiers et métayers (SNFM) soutient une évolution du statut du fermage dans le cadre du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricole (LOAA), a-t-elle expliqué le 7 février. Sa position repose sur un projet de réforme, conclu avec la SNPR (propriétaires, FNSEA), qu’il faudrait « reprendre tel quel », a déclaré en conférence de presse le secrétaire général, Patrice Chaillou. L’accord FNSEA vise à limiter les contentieux, inciter les propriétaires à mettre à bail, tout en facilitant l’installation des jeunes dits « hors cadre familial » . Marc Fesneau, dans un entretien le 5 juillet dernier à “Agra Presse”, avait pourtant assuré qu’« il n’est pas question de toucher au statut du fermage » dans le cadre de la LOAA.
Une proposition de loi sur le régime juridique du bail rural a depuis été déposée, le mois dernier, par le député Jean Terlier (Renaissance).
La SNFM exprime des divergences sur plusieurs articles : le maximum de trois renouvellements possibles pour les baux de neuf ans, l’autorisation de sous-location temporaire pour certaines cultures, le défaut d’entretien du fonds comme motif de résiliation d’un bail. S’agissant du renouvellement de bail, cette disposition lui semble insuffisante pour tenir jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite. La section de la FNSEA s’oppose également à l’article permettant au fermier de sous-louer des terres pour certaines cultures, comme le melon ou la pomme de terre. « On ne cautionnera jamais la sous-location, prévient Patrice Chaillou. Ouvrir la porte à certaines cultures, c’est la boîte de Pandore : un jour, toutes les productions y viendront. C’est trop dangereux pour le statut du fermage. »
J.-C. D.
Bertrand Lapalus :“ Le travail accompli a trouvé un vrai consensus national ”
Président de la Section nationale des fermiers et métayers depuis 2019, Bertrand Lapalus achève son mandat, au terme de la 75e édition de son congrès national.
Qu’est-ce que la Section nationale des fermiers et métayers ?
Bertrand Lapalus : « Elle est à la base de la création de la FNSEA. Lorsqu’elle a vu le jour, tous les agriculteurs étaient fermiers. Ils n’avaient pas cette sécurité et changeaient de ferme tous les deux-trois ans, voire tous les ans, parce qu’il n’y avait pas de stabilité. C’est à partir de là qu’est apparu le syndicalisme, avec cette idée de s’unir pour faire changer les choses et que l’agriculture soit enfin reconnue comme une profession à part entière qui a besoin d’un outil de travail stable. La FNSEA s’est donc créée avec les grandes lois d’orientation, en gardant ses spécificités. La SNFM fait désormais partie de ses quatre sections sociales, avec les propriétaires-bailleurs, les agricultrices et les anciens exploitants. Aussi, la SNFM est la seule section qui est transversale, qui concerne toutes les productions et tous les agriculteurs. »
Quelles en sont les priorités ?
B. L. : « Les responsables fermiers départementaux doivent faire la promotion du statut du fermage au sein des établissements d’enseignement agricole. Ils ont également pour objectif d’intégrer, lors du Plan de professionnalisation personnalisé (PPP), au minimum deux heures d’intervention pour expliquer le statut et la manière dont les jeunes doivent s’y prendre avant de s’installer. Ce qui amène au point suivant : le besoin de le simplifier. Finalement, lorsque l’on cumule ces lacunes, à savoir un statut du fermage compliqué et méconnu, on se retrouve avec des jeunes qui signent n’importe quoi dès leur installation. »
Le statut du fermage a évolué, ses priorités aussi ?
B. L. : « Bien sûr ! Après-guerre, le peuple français avait pour préoccupation première de se nourrir. Les agriculteurs devant produire, les propriétaires n’hésitaient pas à mettre leurs terres à leur disposition. Aujourd’hui, comme les ventres n’ont plus faim, certains nouveaux profils de propriétaires vont prioriser la rétention foncière, soit pour un usage de loisir, soit pour spéculer. Nous insistons alors beaucoup pour redonner de l’attractivité dans la mise à bail, en laissant plus de sécurité pour le fermier et davantage de liberté pour le bailleur afin qu’il ne se sente pas contraint par la signature d’un bail. Les notaires aussi sont des partenaires. On sait qu’ils sont les premiers interlocuteurs auxquels le client demandera un avis. Malheureusement, aujourd’hui, de moins en moins de notaires sont spécialisés en droit rural et connaissent le statut du fermage. »
Comment êtes-vous devenu président de la SNFM ?
B. L. : « Un peu par hasard ! Après deux mandats comme secrétaire général à la FDSEA, on m’a proposé d’intégrer le conseil d’administration de la SNFM. Trois ans après, Luc Roland, me demandait de devenir son secrétaire général. Ce dernier est décédé en cours de mandat, j’ai donc pris sa place en 2019. On ne se connaissait que très peu, mais nous étions complémentaires. Grâce à la dynamique qu’il a voulu insuffler, nous avons souhaité révolutionner le statut du fermage, partant d’une feuille blanche pour le
reconstruire en tenant compte des enjeux actuels. Les attentes sociétales ont bien évolué, le profil des agriculteurs n’est plus le même non plus. Avant, il était fréquent qu’un propriétaire ait trois ou quatre fermiers. Aujourd’hui, c’est l’inverse, un fermier a trois ou quatre propriétaires. Cette évolution complique les choses, c’est plus dur à gérer. On construit une carrière sur des terrains en location, les propriétaires nous font confiance. Mais dans une situation de petites parcelles, il n’est pas rare d’avoir des dizaines de propriétaires. Dans ces cas-là, on s’éloigne, il n’y a plus de contact direct ce qui complique les relations et la conclusion du bail rural. »