Diversification
Cultiver et valoriser des légumes secs biologiques 

La fédération régionale de l’agriculture biologique (Frab Aura) propose un tour d’horizon des perspectives de production et de valorisation des légumes secs biologiques, signatures des territoires d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Cultiver et valoriser des légumes secs biologiques 
Les surfaces de lentilles et de pois chiches se développent rapidement depuis 2018 en Auvergne-Rhône-Alpes mais restent insuffisantes pour répondre à la demande.

Les légumes secs englobent les pois secs, les haricots secs, les pois chiches, les lentilles, les féveroles et les fèves. Ce sont des cultures à forts intérêts agronomiques comme porte d’entrée d’azote dans les systèmes agricoles, nécessitant peu d’intrants, permettant de diversifier les rotations et favorables au maintien de la biodiversité. Les légumes secs sont plébiscités pour leurs intérêts nutritionnels notamment comme pourvoyeurs de protéines. Ils font l’objet d’une demande croissante des consommateurs, renforcée par la loi Egalim qui inscrit les repas végétariens dans la restauration collective. La production de légumes secs en France s’est développée dans des bassins privilégiés de production par espèce, souvent associés à des signes officiels de qualité. En région Auvergne-Rhône-Alpes, trois territoires historiques sont reconnus pour leurs productions de légumes secs : la Haute-Loire avec la production de la lentille du Puy ; le Cantal avec la lentille blonde et le pois blond de la Planèze de Saint-Flour ; et la Drôme, dans le secteur des Baronnies, avec le haricot coco de Mollans. Les surfaces régionales de lentilles et de pois chiches se développent rapidement depuis 2018 mais restent insuffisantes pour répondre à la demande du marché qui est en augmentation. Dans la région, les récoltes sont valorisées principalement en vente directe ou dans des filières liées à une AOP. Une partie est collectée par des coopératives qui ont développé des filières biologiques ces trois dernières années (85 tonnes de lentilles bio et 38 tonnes de pois chiches bio collectées en 2019, d’après La Coopération agricole Auvergne-Rhône-Alpes).

Conduite des cultures

Les légumes secs biologiques sont des cultures pour lesquelles peu de références technico-économiques sont disponibles de manière générale et pour lesquelles l’offre variétale est très réduite. En Auvergne-Rhône-Alpes, pour accompagner les producteurs, plusieurs fiches techniques sur la culture de la lentille et du pois chiche en agriculture biologique (itinéraires techniques et recueil de pratiques) ont été réalisées par l’Ardab, Haute-Loire Bio, Bio 63 et Agribiodrôme. Elles sont disponibles à l’adresse www.aurabio.org. De plus, un programme d’expérimentations Pepit1, de 2020 à 2022, vise aussi à produire des références techniques, grâce à des suivis de parcelles et à des essais sur les types de lentilles, les variétés de pois chiches et les itinéraires techniques de ces cultures. Plusieurs partenaires sont impliqués, dont Agribiodrôme. Les GAB des différents départements accompagnent techniquement les producteurs.

La récolte et le stockage

La lentille est une culture particulièrement délicate à récolter car les premières gousses sont situées au ras du sol et elle peut subir la verse suite à des orages. Les producteurs drômois ont fait le choix de récolter leur culture à l’aide d’une moissonneuse-batteuse (souvent avec un prestataire). Les récoltes ont lieu fin juillet-début août pour le pois chiche et en août pour la lentille. Sur des parcelles où la pression des adventices est trop forte au moment de la récolte, il peut être fait le choix de couper et d’andainer avant de moissonner. L’andainage permet aussi d’homogénéiser la maturité des grains en particulier pour le pois chiche.

Le tri, une étape nécessaire

Afin de procéder au tri des légumes secs, la récolte passe généralement plusieurs fois par un nettoyeur-séparateur, un trieur alvéolaire et une table densimétrique. Pour le tri de la lentille, le toboggan et surtout le trieur optique (matériel très onéreux) sont des outils efficaces mais dont les agriculteurs disposent rarement. Une majorité procède à un dernier tri manuel très chronophage. En effet, la présence de cailloux ou encore de poacées dans la récolte complexifie cette étape. Pour le pois chiche, le tri est nettement plus facile avec sa graine ronde qui se distingue facilement des cailloux ou d’autres graines. Des projets sont en émergence pour construire des outils de tri et de conditionnement collectifs dans les zones où la concentration de producteurs est suffisante et où il n’y a pas d’outils de tri assez performants pour éviter le tri manuel de la lentille. La production de légumes secs ne sera pas suffisante pour valoriser de tels outils mais le tri des céréales et des semences de ferme pourrait permettre de trouver les volumes suffisants pour rentabiliser de telles unités.

Les légumes secs englobent les pois secs, les haricots secs, les pois chiches, les lentilles, les féveroles et les fèves. ©stockadobe

Débouchés et rentabilité économique

Dans la Drôme, la majorité des agriculteurs producteurs de légumes secs vendent leur récolte en direct (à la ferme, magasins de producteurs, marchés). Ils vendent majoritairement en petits conditionnements de 0,5 kg, 1 kg et 5 kg à des prix entre 5 et 6 €/kg pour la lentille et 6 et 7 €/kg pour le pois chiche. Dans l’ensemble, le débouché « vente directe » ne semble pas saturé pour la lentille dans la Drôme, contrairement au pois chiche dont la demande est moins forte. Des filières de proximité restent à construire et à consolider. Pour développer l’attractivité du pois chiche auprès du consommateur, plusieurs scénarios sont à l’étude : construire une IGP sur le modèle du petit épeautre de Haute-Provence, identifier des recettes attractives et faciles à mettre en œuvre, approvisionner des entreprises agro-alimentaires en pleine croissance qui proposent déjà des produits à base de pois chiche prêts à consommer.
A l’échelle régionale, l’étude menée en 2020 par la Frab Aura, avec les GAB et la Coopération agricole, a montré une inadéquation entre l’offre et la demande en lentilles bio et locales. L’utilisation de la lentille en restauration collective reste anecdotique. D’autre part, lorsqu’elle est cuisinée, elle est non locale et rarement biologique (ou du biologique importé). Les lentilles et les pois chiches biologiques locaux sont considérés comme trop chers pour ce débouché. De plus, le pois chiche bio local ne se trouve pas en conserve, qui est le conditionnement attendu. Les légumes frais ont été étudiés également dans le cadre de cette étude. Les résultats des enquêtes menées auprès de différents acteurs des filières ont confirmé l’hypothèse que la demande en légumes secs et en légumes frais biologiques devrait augmenter fortement dans les années qui viennent. Cependant, à l’heure actuelle, les filières ne sont pas suffisamment adaptées pour répondre à cette augmentation. Des efforts sont à faire pour les rendre plus souples et capables de prendre en charge les spécificités de la demande. Par ailleurs, des marges de progrès ont été identifiées pour amener la demande à s’approprier les spécificités des productions agricoles. C’est en travaillant à l’échelle de ces deux maillons que des équilibres organisationnels émergeront. Plusieurs leviers sont susceptibles de structurer les filières biologiques pour un débouché en restauration collective. Ils relèvent des politiques publiques comme la valorisation du métier et de la rémunération des producteurs (notamment à travers les appels d’offres), le soutien pour l’investissement agricole, l’encadrement des marchés publics, mais aussi des organisations professionnelles agricoles (via la recherche-développement, la formation, la sensibilisation et l’accompagnement des producteurs comme des acheteurs). Enfin, d’autres leviers sont communs aux organisations professionnelles agricoles et aux politiques publiques, et relèvent de l’accompagnement des conversions et installations en bio, de la veille pour rendre le marché lisible (équilibres organisationnels, outil de suivi des besoins…) ou encore du soutien d’acteurs locaux pour optimiser la logistique, le transport et la transformation des produits bruts.

La filière bio légumes secs en chiffres

Réseau des groupements de producteurs bio en Aura
1. Le compte-rendu des essais 2020 est disponible ici : https://bit.ly/2OBEYL4