Mardi 21 novembre à Valence, plus de 130 agriculteurs de toute la Drôme ont répondu à l’appel à mobilisation nationale de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs. Une journée d’actions pour rappeler à l’État qu’il n’y aura « pas de transition sous pression », que « la production française est en péril » et que « la souveraineté alimentaire de la France est en danger ».
Le slogan des syndicats FDSEA et Jeunes Agriculteurs de la Drôme, « Alimentation française, bientôt la faim ?! » se voulait choc pour alerter consommateurs et pouvoirs publics sur l’impasse dans laquelle se trouvent les agriculteurs. Le 21 novembre, ils étaient plus de 130, venus de toute la Drôme et de toutes les filières pour crier leur ras-le-bol. « Plus rien ne va », résumait Bastien, 29 ans, viticulteur, arboriculteur et oléiculteur dans les Baronnies. À 9 h du matin, devant le Théâtre Le Rhône à Bourg-lès-Valence, il était l’un des premiers arrivés sur ce point de rassemblement avant le départ de la manifestation. Une trentaine de tracteurs ont été déplacés pour l’occasion, souvent avec des chargements divers et variés prêts à être déversés pour marquer la colère du monde agricole.
Invasion de produits étrangers
En tête des motifs de cette colère : une invasion de produits étrangers, à bas prix, ne respectant pas les normes imposées aux agriculteurs français et qui remplissent les rayons de la grande distribution. Pour le prouver, les manifestants drômois se sont scindés en trois cortèges, direction les magasins Leclerc, Lidl et Grand Frais de Bourg-lès-Valence. Durant près d’une heure, ils ont vérifié les origines des produits en rayon. Des patates douces d’Espagne alors que les maraîchers français en ont en stock, des poires d’Italie alors que la saison française bat son plein, du kiwi bio italiens dont les arboriculteurs drômois estiment qu’il y a « tromperie pour le consommateur car ce ne sont pas les mêmes normes »… Dans l’une des trois enseignes, les producteurs ont trouvé sous une affiche « cerneaux de noix en promotion » portant la mention « origine France » des barquettes de cerneaux provenant en réalité du Chili. Au rayon viande, ils ont découvert que la plupart des tranches de jambon emballées n’étaient pas d’origine française. « Beaucoup de produits sont d’origine douteuse. Il est par exemple fait mention d’un abattage en Belgique mais pas où a été élevé l’animal », constate un des manifestants. Dans tous les rayons, du vin à la farine, en passant par le beurre, les agriculteurs ont trouvé de nombreux produits d’origine non française. Des origines que le consommateur ne peut souvent pas facilement identifier vu la complexité des étiquetages.
« Le consommateur est trompé »
Cette chasse aux produits non français n’est pas passée inaperçue dans les rayons de l’enseigne Leclerc. Au mégaphone, Sylvie, agricultrice, a averti : « Le consommateur est trompé sur l’origine de ce qu’il achète. Soutenez l’agriculture française et les jeunes ! ». Alain, 65 ans, client du magasin, comprend cette colère. « Les paysans ont raison de manifester vu ce qu’ils touchent avec le boulot qu’ils font », affirme-t-il. Un peu plus loin, face à des salariés du magasin dépités par le travail de remise en ordre des rayons qui les attend après cette action des agriculteurs, une autre manifestante explique : « Il faut comprendre les éleveurs laitiers, ils sont à bout ».
Avant de quitter la grande surface, les agriculteurs ont amené jusqu’aux caisses les « caddies de la honte », remplis de produits qui ont traversé l’Europe par camion alors que les agriculteurs français sont en capacité de les produire.
Puis les manifestants ont pris la direction de la préfecture de la Drôme. Là ils ont bloqué le boulevard Vauban de Valence avec leurs tracteurs dès 11 h 30 et jusqu’à ce que le préfet de la Drôme reçoive leurs représentants. Durant deux heures, l’ambiance était bon enfant avec casse-croûte à base de produits drômois, musique et solidarité entre manifestants. Ils y ont reçu la visite de la directrice départementale des territoires (DDT) de la Drôme, Isabelle Nuti, venue prendre le pouls de ce monde agricole en colère. Mais pour la FDSEA et les JA de la Drôme, le message est clair : « Il est primordial de changer de cap avant qu’il ne soit trop tard. Il faut accélérer la sauvegarde de l’agriculture française pour le bien de la santé, de l’économie, pour le bien de la France ».
Sophie Sabot
Pas de transition sous pression
- Pacte et loi d'orientation et d'avenir agricoles : il y a urgence, le moitié des agriculteurs français part à la retraite dans cinq ans.
- Directive sur les émissions industrielles : pas d’ajout de règles inadaptées qui reviendrait à signer la fin de l’élevage français.
- Accords commerciaux internationaux : l’agriculture ne doit pas être la variable d’ajustement.
- Etiquetage et origine des produits : les consommateurs ont le droit de savoir et de choisir en conscience.
- Union Européenne : pas de jachères imposées sinon la sécurité alimentaire est menacée.
- Redevance pour pollution diffuse : son augmentation est une charge insoutenable pour les exploitations agricoles.
- Ressource en eau : sans accès à cette ressource, c’est l’agriculture qu’on assèche.
- Usage des produits phytosanitaires : halte au double discours du gouvernement.
- Zone sensibles : aucun territoire ne doit être exclu d’une production économique.