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Prédation, sécheresse... dans le Diois, la préfète sensibilisée aux préoccupations des agriculteurs

Le 12 juillet, à l’initiative de la FDSEA, la préfète de la Drôme, la sous-préfète de Die, les élus locaux ainsi que les représentants de la chambre d’agriculture ont visité deux exploitations du Diois. Prédation, sécheresse, réglementation sur les huiles essentielles ont été  les principaux sujets évoqués, mettant ainsi en lumière les inquiétudes des différentes filières.

Prédation, sécheresse... dans le Diois, la préfète sensibilisée aux préoccupations des agriculteurs
Prédation, sécheresse, hausse des charges... Pour en parler, la FDSEA a convié la préfète de la Drôme, Élodie Degiovanni, à deux visites d’exploitations dans le Diois. Plusieurs élus locaux étaient également présents aux côtés de responsables agricoles. ©EP

Sous l’œil attentif d’Elodie Degiovanni, préfète de la Drôme, Alain Aubanel décrit son exploitation de lavande et lavandin répartie sur 50 hectares, à Chamaloc, au pied du Col de Rousset. Avec Cécile Aubanel et Maxime Méjean, il gère deux structures implantées à la distillerie des 4 vallées : un Gaec pour la production et une SARL pour la transformation et la commercialisation. Un tiers de la production est vendu en direct, un autre tiers en ligne et le reste à des TPE/PME. L’équipe développe également une activité touristique en permettant de visiter la distillerie. « Nous proposons des ateliers distillation, des balades, des ateliers cosmétiques, d’initiation à l’aromathérapie », précise Alain Aubanel.
Presque tous les systèmes de distillation sont mis en œuvre sur l’exploitation. « Sur des distillations très particulières, on peut utiliser les alambics en cuivre, nous avons deux cuves en inox de 5 000 litres que l’on utilise plutôt pour les lavandes en bio, nous avons aussi un vase de 1 000 litres utilisé pour les produits bio mais sur les petits volumes comme du basilic, de l’immortelle, du chanvre..., explique l’exploitant. La partie en bas de l’exploitation est dédiée aux gros volumes, la lavande, le lavandin, les sauges et depuis deux ans on a développé la distillation de conifères. »

La surproduction fait baisser les prix

Après les présentations viennent les préoccupations et Alain Aubanel, également président de Ppam* de France, en a évoquées plusieurs. Hormis le gel et la sécheresse, l’inquiétude porte sur le développement des Ppam dans d’autres territoires que ceux historiques. « Pendant une quinzaine d’années tout a été très bien, explique Alain Aubanel. Certains collègues, et c’est parfaitement logique, ont abandonné des cultures pour aller sur la lavande et le lavandin. » Comme par exemple dans les plaines : « Tant que c’est resté dans la Drôme ou le Vaucluse, ça nous a arrangés parce que les territoires traditionnels de montagne sont les plus touchés par les aléas climatiques ». Mais aujourd’hui, la surproduction fait baisser les prix. « L’an passé, les producteurs de lavandin ont perdu en moyenne 1 000 euros par hectare. Pour pouvoir réinvestir dans nos productions, il faudrait vendre à 23 euros le kilo. Mais aujourd’hui c’est plutôt 15 euros, certains vendent même à 10 euros. »

L’inflation pèse

La guerre en Ukraine n’a rien arrangé, l’inflation pèse sur tous les achats logistiques de la distillerie : des bidons en plastique en passant par les flacons de conditionnement des huiles essentielles. En 2021, des panneaux « lavandes en danger » ont été posés sur des parcelles de la Drôme et autres territoires historiques de la filière. Une modification de la réglementation européenne pourrait considérer certaines molécules des huiles essentielles comme dangereuses pour la santé. « Aujourd’hui, il y a énormément d’entreprises qui travaillent sur un plan B », témoigne Alain Aubanel. Certains réfléchissent à remplacer les produits naturels par des produits de synthèse : « Une entreprise ne peut pas perdre ses marchés. Si l’utilisation du produit naturel devient compliquée, les entreprises ne l’achèteront plus », déplore l’agriculteur. En réponse, la préfète a insisté sur le fait d’éduquer les consommateurs : « Avec votre travail de visite à la distillerie, vous faites de vos consommateurs des ambassadeurs de vos produits », a-t-elle souligné. Suite à cette discussion, une visite de la distillerie a été organisée, l’occasion de découvrir le processus de distillation.

Elodie Potente

* Ppam : plantes à parfum, aromatiques et médicinales.

Plusieurs systèmes de distillation sont mis en œuvre à la distillerie des quatre vallées, à Chamaloc. ©EP

Sécheresse et prédation : des producteurs à cran

A quelques kilomètres de là, chez Jean-Louis et Marie-Armelle Mancip, producteurs de noix, de céréales et éleveurs de brebis en bio à Montlaur-en-Diois, de nombreux agriculteurs présents ont évoqué leurs inquiétudes face à la prédation du loup et au manque d’eau. La préfète et la sous-préfète, ainsi que le directeur adjoint de la DDT, ont écouté les doléances de ces producteurs à cran. Face aux représentants de l’État, plusieurs d’entre eux ont tenu des propos forts concernant la prédation du loup sur les élevages, dénonçant un manque d’actions et de soutien. Jean-Louis Mancip, installé depuis trente ans sur l’exploitation familiale, estime que la situation s’est fortement dégradée, l’éleveur a d’ailleurs réduit son cheptel de 30 %. La prédation rend de plus en difficile les conditions de travail et plusieurs éleveurs sont contraints de rentrer leur troupeau en bergerie tous les soirs, même si c’est « une aberration technique ». Prendre des patous n’est pas non plus une solution pérenne : « Dès que le voisin est aussi bien protégé que nous, on subit des attaques », souligne l’éleveur du Diois. « L’état nous a laissés tombés », ont dénoncé des éleveurs.
Après l’annonce de la présence de 921 loups sur le territoire français, 174 loups pourront être prélevés pour l’année 2022, ont indiqué les services de l’État.

« Des cultures ancestrales ne poussent pas »

Les agriculteurs ont aussi longuement parlé de la sécheresse, qui ajoute des difficultés au quotidien et les laisse sans solution. « Quand on voit que même des cultures résistantes ou ancestrales comme le petit épeautre ne poussent pas, c’est inquiétant, a souligné Yvan Jarnias, président des Jeunes Agriculteurs de la Drôme. Il nous faut une assurance récolte car c’est aussi pour nous une assurance pour nos fermes. »
Si plusieurs d’entre eux ont des projets de retenues collinaires, la longueur des dossiers et certains discours contradictoires découragent. Jérôme Mellet, maire de Luc-en-Diois, a exposé un projet en étude avec l’association Biovallée, pour détourner les eaux des station d’épurations afin d’irriguer. « Nous nous demandons si l’utilisation de cette eau pourrait compromettre la labellisation en bio », a-t-il exposé à la préfète.
Plusieurs représentants des associations syndicales de propriétaires (ASA) des canaux de Luc-en-Diois et Châtillon-en-Diois ont également témoigné des difficultés pour maintenir ces canaux qui servent à l’irrigation de certaines parcelles.

La santé mentale des agriculteurs en danger

Jean-Louis et Marie-Armelle Mancip sont fiers, leurs trois filles sont intéressées par l’agriculture, deux d’entre elles ont même des projets d’installation sur la ferme familiale. Pour autant, ils sont inquiets sur l’avenir du métier d’agriculteur et des conditions de travail de plus en plus difficiles. « Aujourd’hui on veut quoi, a exprimé un agriculteur du Diois. Est-ce qu’on est là pour maintenir des espaces verts ou nourrir la population ? Est-ce qu’il faut finir au bout d’une corde pour que cela bouge ? »
La préfète s’est voulue rassurante. « Je dis bienvenue à toutes les bonnes idées pour l’eau, pour que l’été que l’on passe, qui est un enfer, ne se reproduise plus ». Elle a aussi évoqué l’adaptation des productions, là où les cultures traditionnelles n’arrivent plus à pousser, et s’est dite prête à l’expérimentation. Concernant le loup, elle a assuré que pour les prochains mois des mesures renforcées seraient prises.
E. P.