ECONOMIE CIRCULAIRE
Le « consommateur-vendeur », une nouvelle tendance qui s’impose 

La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer un bouleversement profond des rôles entre vendeurs - souvent représentés par des entreprises - et acheteurs, incarnés d’ordinaire par les ménages. Aujourd’hui, le consommateur-vendeur devient entrepreneur de sa propre consommation. C’est ce que souligne l’Observatoire Cetelem de la consommation.

Le « consommateur-vendeur », une nouvelle tendance qui s’impose 
©Pixabay

«L’économie circulaire va être au cœur de la consommation de demain. Avec les confinements, les ménages et l’ensemble de la société se sont rendu compte de l’impact de la consommation « de masse » qui pouvait exister dans le passé, annonce Charlotte Dennery, administratrice et directrice générale de BNP Paribas Personal Finance. Ces consommateurs ont réalisé qu’ils pouvaient gagner en pouvoir d’achat s’ils participaient à cette économie circulaire ». Mais qu’entendons-nous vraiment par « économie circulaire » ? Ce terme, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), « est un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits, vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement, tout en développant le bien-être des individus ». Aux yeux des Européens, ce concept est souvent résumé avec la règle des « 3R » : recycler, réduire, réutiliser. Si la définition de l’économie circulaire est encore mal connue, elle jouit d’une image positive : « 85 % de la population européenne juge qu’elle est bénéfique à l’environnement et aux ressources naturelles, soit l’un des objectifs majeurs qui lui est fixé », indique l’étude 2022 « Économie circulaire : place au consommateur-entrepreneur » réalisée pour l’Observatoire Cetelem.

Dépenser moins, gagner plus

Le tri des déchets représente d’ailleurs la pratique qui mobilise le plus les citoyens européens : plus de six sur dix s’adonnent au recyclage. Une personne sur deux recycle et réduit davantage ses déchets qu’il y a trois ans, preuve d’une prise de conscience. D’autre part, 43 % des ménages européens s’engagent à promouvoir la réutilisation des produits à travers la vente, le don ou le réemploi de ces derniers. « Cette économie circulaire n’est pas synonyme de décroissance de la consommation, contrairement à ce que l’on peut parfois croire », note Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem. Ainsi, apparaît l’émergence du profil consommateur-vendeur : par le biais de plateformes mettant en relation les particuliers, le consommateur maîtrise sa consommation. Grâce à l’économie circulaire, il bénéficie de revenus complémentaires. C’est d’ailleurs l’un des objectifs des Européens : gagner plus d’argent. Ce changement de mode de consommation est plus fort depuis la crise sanitaire, avec l’idée première de faire des économies. De ce fait, le consommateur devient vendeur, rôle destiné jusque-là aux entreprises. Plus de la moitié des sondés déclarent avoir vendu des produits d’occasion au cours de l’année 2021, avec un revenu mensuel moyen estimé à 77 €. La France et la Norvège sont les deux pays qui recensent le plus grand nombre de consommateurs-vendeurs. Face à la transformation des profils et l’émergence de nouveaux acteurs, l’Observatoire Cetelem s’interroge sur le futur de l’économie circulaire.

La seconde main plébiscitée par tous ?

Marques, enseignes et particuliers se retrouvent désormais en concurrence lors de l’acte d’achat. « Les Européens feront l’acquisition d’un bien d’occasion autant auprès d’une enseigne ou dans un magasin que sur une plateforme d’échanges entre particuliers (41 % et 39 %) », déclare l’Observatoire. Dans ce contexte d’équilibre, il est intéressant d’envisager le devenir des marques et des enseignes face à la montée en puissance des plateformes d’achat et de vente entre particuliers. Selon l’étude, il semblerait que les citoyens européens restent attachés à l’achat neuf (notamment pour les ordinateurs, smartphones, vêtements, petits et gros appareils électroménagers) qui leur procure une garantie certaine, tant par l’indice de durabilité que par celui de réparabilité. « 76 % des Français sont attachés à l’idée de possession mais 24 % se disent ouverts à la location », indique le directeur de l’Observatoire Cetelem. Marques et enseignes n’hésitent pas à se réinventer : elles achètent elles-mêmes des produits d’occasion qu’elles remettent en état, comme neufs, avant de les remettre à la vente sur le marché de la seconde main. « Il y a un véritable levier à activer pour ceux qui seront capables d’apporter des solutions innovantes aux consommateurs », affirme Flavien Neuvy. In fine, l’économie circulaire a redistribué les cartes de la consommation où tous les acteurs ont aujourd’hui leur rôle à jouer. Porteuse de promesses, elle ouvre sur une potentielle transformation structurelle de la consommation. « Avec le développement de l’économie circulaire, le consommateur mute en entrepreneur de sa propre consommation et devient ainsi une figure plus complexe. Cette transformation amorcée va modifier les habitudes des marques et des enseignes, d’autant qu’une césure générationnelle marquée est observée, les plus jeunes endossant plus facilement ces habits de consommateurs-vendeurs que leurs aînés », conclut Flavien Neuvy. 

Amandine Priolet

L’observatoire Cetelem, quésaco ? 

Structure d’étude et de veille économique du groupe BNP Paribas Personal Finance, l’Observatoire Cetelem a été créé en 1985. Cette structure a pour mission d’observer, d’éclairer et de décrypter l’évolution des modes de consommation en France, mais aussi à l’international. L’étude « Économie circulaire : place au consommateur-entrepreneur » a été réalisée du 5 au 19 novembre 2021 par Harris Interactive dans dix-sept pays européens. Au total, 15 800 personnes âgées de 18 à 75 ans ont été interrogées en ligne. 

Baromètre 2021 , retour à l’optimisme

D’après le baromètre 2021, la confiance des citoyens européens dans l’avenir est en nette progression.


« L’année 2021, malgré la crise sanitaire, est une année de forte reprise économique. L’amélioration macroéconomique s’est traduite concrètement sur le marché de l’emploi, avec un taux d’activité très élevé : 67 % des plus de 15 ans sont en activité. C’est un niveau historique », souligne Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem. Cet indicateur impacte directement le moral des ménages. D’ailleurs, la note moyenne donnée par les votants pour décrire la situation générale des pays européens (ici la moyenne sur les dix-sept pays) en 2022 est de 5,4 (contre 4,7 en 2021) : « L’amélioration est générale, à l’exception de la République Tchèque et de la Slovaquie. La France progresse de 1,1 point », poursuit-il. Si la crise liée à la Covid-19 avait encouragé les ménages à moins dépenser avec un fort désir d’épargner (en deux ans, les Français ont épargné 170 milliards d’euros, ndlr), il semblerait que la situation diffère en 2022. « 41 % des ménages européens ont exprimé leur souhait de dépenser davantage en 2022 contre 34 % l’année précédente », prévient Flavien Neuvy. En France, 37 % des consommateurs ont envie de se faire plaisir, soit une augmentation de huit points par rapport à 2021. Parmi les intentions d’achat, les voyages et les loisirs arrivent en tête des dépenses. Toutefois, les consommateurs se montrent prudents et 54 % des Européens entendent augmenter leur épargne. Un comportement qui s’explique par un pouvoir d’achat toujours sous tension. « Le retour de l’inflation inquiète les ménages. Les prix augmentent, et la tentation de garder une épargne dite « de précaution » est très forte », conclut Flavien Neuvy. 
A. P. 

Une loi pour encourager  l’économie circulaire

Promulguée le 10 février 2020, la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) vise à lutter contre toutes sortes de gaspillage et éviter le cercle vicieux du « produire, consommer, jeter ». Cette loi se décline en cinq grands axes, à savoir : sortir du plastique jetable, mieux informer les consommateurs, lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire, agir contre l’obsolescence programmée et enfin mieux produire.