Au lendemain des votes en session plénière du Parlement européen sur la loi sur la restauration de la nature et la directive sur les émissions industrielles, Jérémy Decerle, eurodéputé centriste (Renew), regrette la forte politisation des débats, qui a empêché de discuter du fond des dossiers.
Que pensez-vous du compromis trouvé au Parlement européen concernant la loi sur la restauration de la nature ?
Jérémy Decerle : « Si nous avions rejeté le texte en plénière, le signal aurait semblé meilleur pour les agriculteurs, mais il aurait été mauvais pour la nature. Nous avons choisi politiquement une issue qui peut servir les agriculteurs et la nature. Malheureusement, le lobbying des Verts, de la gauche et de l’extrême gauche et la croisade lancée par le PPE sur le sujet ont piégé tout le monde. Il n’a donc pas été possible de débattre du fond. Toute la partie du texte portant sur l’agriculture a été supprimée, donc il n’y a pas trop de contraintes qui pèsent sur le dos des exploitants européens selon ce qui a été voté. Mais lors des négociations avec les États membres, le texte devrait être rééquilibré. J’espère qu’un accord entre le Parlement et le Conseil sera trouvé d’ici fin 2023. »
Le vote du Parlement européen sur les émissions industrielles a-t-il pris en compte les contraintes du secteur agricole ?
J.D : « Je suis satisfait que la position de la commission de l’Agriculture ait été reprise en session plénière dans la position du Parlement européen. Le secteur agricole ne fera pas plus que ce qu’il fait aujourd’hui, selon le vote. Politiquement, ce statu quo était la seule issue possible car la Commission européenne a refusé de discuter du fond et de prendre en compte l’impact de ses propositions sur le secteur de l’élevage. L’assimiler à une industrie aurait été inconcevable. Mais nous aurons du mal à obtenir ce statu quo à l’issue des négociations avec les États membres. Au cours des pourparlers avec le Conseil, j’espère toutefois que les seuils d’entrée dans le dispositif seront les plus élevés possible. Il faudrait aussi amener, dans la recherche d’un compromis, la prise en compte d’éléments techniques comme la densité ou le chargement et d’autres notions économiques pour les élevages porcins et avicoles. Il conviendrait par exemple d’établir des différences entre les poules pondeuses et les poulets de chair. Le Parlement européen devra aussi faire valoir après du Conseil le besoin de clauses miroirs sur les produits importés. »
Cet accord au Parlement européen sur la nature aura-t-il un effet sur le dossier de l’utilisation durable des pesticides ?
J.D : « J’ai toujours pensé qu’on aurait dû traiter tous les sujets du Pacte vert européen (la restauration de la nature, les pesticides, les NBT, les sols, la séquestration du carbone) dans un seul et même paquet. Pascal Canfin (Renew), président de la commission parlementaire de l’Environnement, est aussi de cet avis et il pourrait proposer d’aller dans ce sens. Pour restaurer la nature, il conviendrait d’être pertinent sur les autres sujets, dont les NBT, les ambitions sur les pesticides, ou encore les sols. Politiser le débat ne servira à rien. Cela ne fera que mener une nouvelle fois à une bagarre peu constructive. »