ÉVÈNEMENT
Foncier agricole et renouvellement des générations au programme

Les universités des ruralités écologistes, co-portées par la députée de la 3e circonscription de la Drôme Marie Pochon, se sont déroulées à Die début octobre. L’événement a été l’occasion d’interroger différentes problématiques liées aux ruralités à travers des ateliers variés. Zoom sur l’agriculture paysanne et la chasse. 

Foncier agricole et renouvellement des générations au programme
Débat sur l’agriculture paysanne avec de gauche à droite : Valentin Cèze, animateur, Dominique Potier, Claire Delfosse, Benoit Gilles, Josette Fournier, Noé Guiraud et Bénédicte Pasiecznik, animatrice. ©EP-AD26

C’est Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle qui a ouvert l’atelier sur les leviers pour l’agriculture paysanne, proposé lors des universités des ruralités écologistes, organisées à Die du 6 au 8 octobre. L’élu a expliqué que les enjeux du foncier constituent la problématique fondamentale de l’agriculture en France. Co-président d’un groupe transpartisan à l’assemblée nationale sur le foncier agricole, il a identifié trois solutions : « La création d’une autorité foncière où l’État aurait une place plus importante qu’il n’a aujourd’hui, le renforcement du statut de fermage qui est menacé et la régulation égale de tous les marchés fonciers ». L’atelier accueillait également Claire Delfosse, directrice du Laboratoire d’études rurales de l’Université Lyon 2 et co-responsable de la Chaire partenariale Transitions alimentaires. Elle a tenu à mettre en lumière des données chiffrées : entre 2010 et 2020, la France a perdu de nombreuses exploitations, environ 20 % pour les plus petites (en élevage ou polyculture-élevage) contre 3 % pour les plus grandes. 

Qui veut faire ce métier ? 

Un des enjeux forts lors de ce moment d’échange a été de s’interroger sur l’envie des nouvelles générations de devenir paysan. Les jeunes qui ont un projet d’installation hors cadre familial semblent idéaliser le métier et sous-estimer le niveau de technicité requis pour s’installer. C’est ce qu’a rapporté Benoît Gilles, enseignant au CFPPA de Die, qui conseille toujours à ses stagiaires de devenir ouvrier agricole avant de s’installer : « Ça permet de compléter les neuf mois de formation du BPREA, a-t-il témoigné. Si on s’installe, il faut avoir sa technique en main ». 
Josette Fournier, porte-parole d’Agribiodrôme - association fondée en 1987 - et éleveuse bovin a de son côté rappelé l’importance de revaloriser le métier. « On a besoin de paysannes et de paysans et il me semble qu’il faut que ce métier soit mieux valorisé. Dans nos esprits, ce n’est pas un honneur d’avoir un enfant paysan aujourd’hui en France alors que ça l’est en Allemagne par exemple ». 

Des verrous à lever 

Outre l’attractivité du métier, les « verrous » sont multiples pour l’agriculture paysanne, selon Noé Giraud, chercheur sur les questions de résilience alimentaire en milieu rural, qui participe aux travaux de l’association Les Greniers d’Abondance. Parmi ces verrous, les politiques commerciales et agricoles qui rendent compliqué « pour des systèmes agro-économiques locaux » la possibilité de se positionner sur ces marchés. « La structure des filières ne permet pas de changer de système agricole », a-t-il expliqué. 
À noter qu'un quart des exploitations en 2020 disaient vendre en circuit court. En termes de chiffre d'affaires agricole cela représente à peu près 10 %. Cette « part de marché » en circuit court reste donc assez faible. Benoît Biteau, député écologiste au Parlement européen, est intervenu suite à l’atelier en remettant en question le système assurantiel ou encore la Pac. Des sujets également évoqués par le public présent et qui auraient nécessité bien des heures de discussion.  

Elodie Potente  

Chasseurs et écologistes

Sortir des discours caricaturaux

L’atelier était particulièrement attendu : Rémi Gandy, président de la fédération des chasseurs de la Drôme a pu dialoguer avec Laura Rouaux, co-responsable de la commission condition animale d’EELV, Charles Fournier, député d’Indre-et-Loire, porteur d’une proposition de loi sur le dimanche sans chasse et Kattalin Fortuné, conseillère départementale écologiste dans l’Aude, le tout animé par François Thiollet, conseiller municipal de Valencisse dans le Loir-et-Cher et secrétaire national adjoint EELV. Loin de la passion médiatique qu’on connaît entre pro-chasse et anti-chasse, le débat a été plutôt serein, malgré les différences de points de vue.
Laura Rouaux a démarré l’échange en reprenant quelques propositions faites par le parti EELV concernant la chasse, comme l’instauration de jours sans chasse, l’abolition de certaines pratiques ou encore un meilleur encadrement. « Il y a autant de types de chasseurs que d’écolos, tant qu’on n’aura que des discours caricaturaux les uns sur les autres, on ne pourra pas arriver à se parler, a souligné Kattalin Fortuné après avoir décrit son territoire Audois de 16 000 habitants où la chasse a une place importante. Cette perception caricaturale de la chasse est inaudible sur les territoires ruraux. » Pour elle, la chasse n’est pas un enjeu des ruralités et « occupe trop de place dans les débats nationaux ». 
Rémi Gandy a rappelé les chiffres de sa fédération en Drôme : 10 000 chasseurs, un chiffre en baisse mais une fédération qui « travaille sérieusement ». Il a évoqué « un lien serein » avec la députée Marie Pochon et l’importance pour les élus ruraux de connaître les chasseurs locaux, tout comme pour les chasseurs locaux de connaître leur maire. Pour terminer, Charles Fournier est venu questionner la place de la chasse dans différentes instances, l’asymétrie « qui pose une difficulté quand on veut aborder ces sujets ». Avec sa proposition de loi « un jour sans chasse », le député a été la cible de harcèlement. Originaire de Sologne, il y a dénoncé les chasses en enclos, une pratique loin de ce que prônent et font les fédérations locales. Plusieurs autres sujets ont été évoqués par le public : le loup, la chasse privée, notamment en Dombes, les accidents… 
Rémi Gandy s’est dit « enrichi » en sortant de l’échange, lui qui était surpris d’avoir été invité. Très nuancé, l’atelier a rassemblé de nombreuses personnes et a prouvé qu’un dialogue est possible loin des postures que l’on retrouve sur les plateaux télé.
E. P.