Biotechnologies
L’agriculture biologique contrainte de changer de paradigme
Pour se développer et être plus productive, l’agriculture biologique doit accepter de cultiver des variétés de plantes résistantes aux maladies et aux prédateurs, obtenues par mutagénèse ou par cisgénèse, défend l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV).
L’édition génomique ou la mutagénèse (1) seront-elles un jour agriculture biocompatibles ? Georges Freyssinet, président de l'AFBV, l’espère vivement. Lors d’un point de presse tenu en marge du 10e colloque de l’association, il a déclaré : « Après avoir refusé d’utiliser les plantes génétiquement modifiées (dites OGM), il faut souhaiter que les acteurs de l’agriculture biologique auront l’opportunité d’utiliser des variétés issues des nouvelles techniques de sélection (comme l’édition des gènes) si celles-ci sont soumises à une réglementation adaptée ». Dans l’Union européenne, l’agriculture biologique est appelée à s’étendre sur près d’un quart de sa surface agricole utile d’ici 2030. Elle devra assurer la souveraineté et la sécurité alimentaires des Vingt-sept pays membres. Ses paysans seront contraints d’être rentables et compétitifs pour rendre leur filière biologique rémunératrice et attractive. Pour toutes ces raisons, l’agriculture biologique européenne doit être plus productive. Pour y parvenir, les agriculteurs biologiques doivent accéder à de nouvelles variétés résistantes aux insectes et au stress hydrique, selon l’AFBV. Ces plantes doivent aussi être en mesure de faire face à des conditions de cultures de plus en plus imprévisibles et extrêmes.
400 projets de recherche
Mais ces nouvelles variétés ne pourront être obtenues que par mutagénèse ciblée et par cisgénèse. Les techniques de sélection traditionnelle sont trop fastidieuses et l’obtention d’OGM est inenvisageable. « Se passer de ces deux nouvelles technologies pourrait signifier, à terme, que les agriculteurs conventionnels disposeront d’une pomme de terre résistante aux parasites et aux maladies comme le mildiou, qui pourra se développer sans pesticides alors que les agriculteurs bio auraient encore des sels de cuivre ou des pesticides autorisés par les normes du bio », selon le docteur Urs Niggli, directeur de l’institut de recherche sur l’agriculture biologique (FIBL-Suisse). Le Join research centre (JRC) de la Commission européenne a recensé 400 projets de recherche de mutagénèse et de cisgénèse en cours dans le monde. La Chine et les Etats-Unis en pilotent la grande majorité. Mais seules deux variétés éditées de tomate et de soja sont commercialisées.
Pour rattraper son retard, la France prévoit de consacrer une partie des fonds du plan de relance de 30 milliards d’euros aux nouvelles technologies de sélection variétale (NBT- mutagénèse et cisgénèse).
Consciente des enjeux que soulèvent le Green deal et la PAC, la Commission européenne s’apprête, pour sa part, à revoir la réglementation européenne sur les OGM et les biotechnologies qui date de plus de vingt ans. « Il faut espérer que cette action conduira rapidement à la mise en place d’un cadre réglementaire à part, permettant, comme dans tant d’autres pays déjà, la culture des variétés éditées », explique l’AFBV. L’association a d’ores et déjà transmis à la Commission et à différents ministères en France et en Allemagne une proposition d’adaptation de cette réglementation pour faciliter le développement des plantes éditées. Mais si elle est acceptée, « on se privera de la transgénèse (type OGM Bt) pour lutter contre les virus », souligne l’AFBV.