RENCONTRE
Loups : les éleveurs veulent une gestion locale de la population
Le 14 septembre, à Gigors-et-Lozeron, les représentants des éleveurs ont reçu Thierry Devimeux, préfet de la Drôme, sur l’exploitation de Nicolas Grimaud. Prédation et futur plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage étaient au programme.
La semaine dernière, au quartier de Charchauve, sur les hauteurs de Gigors-et-Lozeron, Thierry Devimeux, préfet de la Drôme depuis le 21 août, entrait sur un territoire où des meutes de loups sévissent depuis plusieurs années. Nicolas Grimaud qui accueillait cette visite* fait partie des éleveurs confrontés au quotidien à la prédation. Son troupeau de 400 brebis mérinos a subi neuf attaques l’an dernier. Bilan : 47 victimes. Pourtant, l’éleveur a tout mis en œuvre pour les protéger : clôtures électrifiées, chiens de protection, tir de défense renforcé par les lieutenants de louveterie qui a abouti au prélèvement d’un loup... Mais la pression est toujours là. « Cette année, je compte déjà sept attaques sur le troupeau. Vingt-sept brebis ont été retrouvées mortes, une vingtaine a disparu », a déploré l’éleveur.
En Drôme, les chiffres transmis par les services de l’État aux syndicats agricoles affichent un recul du nombre d’attaques indemnisables et de victimes depuis le début de l’année comparé à 2022 (lire ci-dessous). Mais ces chiffres restent plus élevés qu’en 2021. Et, pour la profession agricole, ils sont insupportables. D’autant qu’aux ovins prédatés s’ajoutent désormais des bovins, des caprins, des équins. Les loups s’en prennent aussi aux chiens de protection avec déjà sept victimes recensées sur les six premiers mois de l’année dans le département d’après la direction des territoires (DDT).
Pour une gestion « plus locale » des foyers d’attaque
À quatre jours de la présentation du plan national d’actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage, la profession agricole drômoise souhaitait pointer du doigt ce qui dysfonctionne. Edmond Tardieu, éleveur à Vesc et responsable du dossier prédation au sein de la FDSEA 26, a dénoncé une nouvelle fois la méthode de comptage de la population de loups basée sur les indices remontés par le réseau loup-lynx. « En Drôme, nous savons que la fédération des chasseurs (FDC 26) et l’OFB sont d’accord pour estimer la population à 31 meutes, soit près de 250 loups. La FDC 26 avait proposé de mener une campagne de hurlements à grande échelle. Elle dispose également de pièges photographiques… Appuyons-nous sur des moyens similaires dans chaque département pour effectuer une estimation qui s’approche de la vérité », a-t-il martelé. Il a aussi plaidé pour une « gestion plus locale des foyers d’attaques », c’est à dire que les préfets puissent prendre des décisions pour prélever en fonction de la pression avérée de prédation.
Autre demande des syndicats agricoles : la création d’un permis de port d’arme pour défense du troupeau distinct du permis de chasse. « Nous souhaitons que les bergers et les éleveurs puissent bénéficier d’une formation spécifique sans avoir à passer par le permis de chasse alors que leur objectif n’est pas de chasser mais bien de défendre leurs animaux », ont argumenté Edmond Tardieu et Yvan Jarnias, président de JA 26.
Accompagner aussi les éleveurs équins
Alain Baudouin, président de l’association des éleveurs et bergers du Vercors, a aussi proposé au préfet que des échanges soient organisés entre éleveurs et brigades de gendarmerie. « Il faut que les gendarmes viennent sur nos exploitations comprendre comment fonctionnent nos chiens de protection pour mieux appréhender d’éventuels dépôts de plainte sur ce sujet », a-t-il insisté. Enfin, Nathalie Gravier, élue à la chambre d’agriculture en charge de la filière équine, a alerté :« Nous comptabilisons cette année en Drôme trois attaques mortelles sur des équidés dont deux chez des éleveurs professionnels, sans compter les avortements liés au stress. Les indemnisations couvrent à peine un quart de la valeur de l’animal, parfois elles ne couvrent même pas les frais d’équarrissage. Nous souhaitons que les éleveurs équins drômois puissent bénéficier de diagnostics de vulnérabilité de leur troupeau, qu’on puisse les accompagner pour qu’ils acquièrent des connaissances afin de mieux protéger leurs animaux. »
Thierry Devimeux a confirmé avoir entendu « les dysfonctionnements » soulevés par les éleveurs. Il a assuré que Élodie Degiovanni, qui l’a précédé au poste de préfet, avait fait remonter les propositions des éleveurs drômois, formulées de longue date, pour « rendre plus fluide le dispositif » et disposer dans le plan loup 2024-2029 de « capacité d’ajustements territorialisés aux mains des préfets ». Sur ce dernier point, il a toutefois émis des réserves sur une « gestion locale » de la prédation. « Ce n’est pas forcément pertinent car le loup est un animal très mobile. Il y a nécessité d’avoir une vision nationale, peut-être complétée par une gestion chirurgicale locale. J’ai encore du mal à apprécier cela », a confié Thierry Devimeux. Reste à présent aux éleveurs drômois à digérer et analyser les annonces faites ce lundi sur le nouveau plan loup et à envisager les suites à donner à cette première rencontre avec le nouveau préfet de la Drôme.
Sophie Sabot
*Organisée par la chambre d’agriculture de la Drôme, la FDSEA 26, Jeunes Agriculteurs 26, la fédération départementale ovine, la fédération départementale des producteurs de lait et l’association des éleveurs et bergers du Vercors.
La prédation en Drôme
Selon les chiffres transmis par les services de l’État aux syndicats agricoles, sur les huit premiers mois de l’année, 145 attaques indemnisables pour 325 animaux tués ont été recensées. Mais au total, ce sont 438 victimes (animaux tués indemnisés, blessés ou rejetés) qui ont été déclarées. Parmi elles, 398 ovins, 18 caprins, 11 bovins, 3 équins et 8 d’autres espèces. Si les chiffres montrent une légère baisse par rapport à 2022, année record, 2023 est à ce jour selon les représentants des éleveurs « la troisième année la plus prédatée en Drôme depuis 25 ans ».