FNSEA
Arnaud Rousseau plaide pour une agriculture nourricière, rémunératrice et attractive

Pour sa première visite dans la Drôme, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, s'est largement exprimé sur de multiples sujets de préoccupations des agriculteurs : irrigation, souveraineté alimentaire, loup, GNR...

 Arnaud Rousseau plaide pour une agriculture nourricière, rémunératrice et attractive
Le 13 juillet, les échanges avec Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, ont débuté sur l'exploitation avicole d'Henry Vignon, à Eymeux. ©AD26-CL

Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, est venu à la rencontre des responsables de la FDSEA de la Drôme jeudi 13 juillet. « Depuis mon élection, je vais une fois par semaine sur le terrain afin d'écouter et de comprendre les problématiques et faire le constat de la diversité de l'agriculture française », a-t-il déclaré à son arrivée. Accueilli par Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA de la Drôme, Arnaud Rousseau a également eu une pensée pour les agriculteurs victimes de la grêle le 12 juillet, principalement sur le secteur du Val de Drôme (lire par ailleurs).

Les échanges ont débuté sur l'exploitation avicole d'Henry Vignon, à Eymeux, avant de se poursuivre dans les locaux de la FDSEA, à Valence. Parmi les nombreux sujets évoqués : la souveraineté alimentaire de la France et la compétitivité des exploitations agricoles, l'eau et la nécessité de son stockage, les loups, les difficultés des producteurs de cerises après le retrait du phosmet, l'emploi et l'attractivité du métier, l'exonération fiscale sur le GNR… (lire ci-dessous)

« Le regard sur l'agriculture doit évoluer »

« La FNSEA veut se ré-emparer du dossier de la souveraineté alimentaire et nous avons besoin de réaffirmer une ambition : produire, c'est d'abord nourrir », souligne Arnaud Rousseau. Le président de la FNSEA  fait aussi de l'agriculture un « vecteur de solutions » au défi de la souveraineté énergétique. « À condition d'avoir des territoires ouverts et des agriculteurs nombreux sur des fermes compétitives ». La question du revenu est également centrale pour la FNSEA. « Près de 50 % des agriculteurs vont partir à la retraite dans les dix prochaines années. Si l'on veut attirer des talents et renouveler les générations, il faudra que l'on soit capable de garantir des conditions de production et de rémunération décentes. L'agriculture est la classe socio-professionnelle qui travaille le plus - 55 heures par semaine en moyenne, 60 h pour les éleveurs. Le regard sur l'agriculture doit évoluer. » Avec un déficit de 70 000 collaborateurs dans les exploitations, la question de l'emploi salarié est aussi une préoccupation pour la FNSEA. « Nos métiers ont besoin de bras », souligne Arnaud Rousseau.

« Rester maître du prix et de la production »

« Nous devons également expliquer que l'on ne peut pas observer durablement de la déflation sur les produits agricoles français », poursuit le président de la FNSEA. Depuis un an et les lois Egalim 1 et 2, « on a rompu avec cette spirale de la déflation. Mais trop de nos compatriotes, aidés en cela par la grande distribution, considèrent que l'alimentation est une commodité qui doit avoir un prix bas voire très bas. Se nourrir avec une alimentation française de proximité et de qualité, cela a un coût, un prix, poursuit Arnaud Rousseau. Si demain on veut une alimentation à bas coût, ce sera essentiellement une alimentation importée avec le risque, comme pour l'énergie, de ne pas être maître du prix et de la production. Il faut expliquer à chaque Français que dans sa préoccupation face au changement climatique, dans son attachement à l'environnement et à un moindre impact des activités économiques, il faut de la cohérence. Produire moins en France, c'est importer plus et donc importer du carbone. » Arnaud Rousseau évoque la nécessité pour la FNSEA de « reparler à la société de l'importance de l'acte de production, qui n'est pas du productivisme ».

« L'agriculture reste une aventure humaine », poursuit Arnaud Rousseau, qui rappelle que la richesse de la FNSEA est sa « territorialisation » avec un « engagement pour toutes celles et ceux qui ont le goût d'entreprendre.

Christophe Ledoux

 A Eymeux, les responables de la FDSEA sont venus écouter et interroger le président de la FNSEA. ©AD26-CL

Les échanges avec Arnaud Rousseau (président de la FNSEA) se sont poursuivis à Valence. À ses côtés : Sandrine Roussin (présidente de la FDSEA) et Jordan Magnet (vice-président). ©AD26-CL

Ce que dit le président de la FNSEA

Irrigation

« Le stockage de l'eau, ce n'est pas de la privatisation »

« Il est nécessaire de reparler à la société de l'acte de production et de la nécessité de l'eau pour produire. Le stockage de l'eau, ce n'est pas de la privatisation, déclare Arnaud Rousseau. C'est juste essentiel pour nourrir. Malheureusement, aujourd'hui, c'est difficile de parler de ce sujet de manière construite et apaisée. Pour autant, il faut agir vite si nous ne voulons pas que l'agriculture devienne un secteur d'ajustement comme l'industrie l'a été dans son temps. La sobriété reste le cœur de l'enjeu. Mais avec des précipitations erratiques, l'idée du stockage doit être étudiée. Il faut être très pragmatique. L'agriculture a une responsabilité mais je note que l'adduction d'eau potable en France est un panier percé avec 20 % d'eau potable perdue. »

Irrigation

« La France irrigue 6,8 % de ses surfaces »

« En France, il pleut entre 470 et 500 milliards de mètres cubes (m³) par an. L'eau disponible, parce qu'elle ne s'évapore pas, représente de l'ordre 200 milliards de m³ par an. L'eau qu'on utilise en France, tous secteurs confondus, c'est 31 milliards de m³ par an. Et l'agriculture en prélève 3,2 milliards, soit 30 % de moins qu'en l'an 2000, indique le président de la FNSEA, citant des chiffres du ministère de la Transition écologique. Le reste, c'est l'eau potable, celle pour l'industrie, le refroidissement des centrales nucléaires… Pas un secteur n'a fait autant d'efforts que l'agriculture sur les vingt dernières années, ajoute Arnaud Rousseau. De plus, aujourd'hui, avec 1 m³ d'eau, on fait 30 % de biomasse en plus. La France irrigue 6,8 % de ses surfaces, ce qui la place très loin au classement européen des pays qui irriguent : la Grèce est à 27 %, l'Espagne à 25 %... »

©AD26-CL

Prédation

Loup : « Un sujet éminemment politique »

« Le monde agricole a validé l'idée qu'il puisse y avoir un maintien de l'espèce loup qui a été réintroduite. Cela n'est plus à discuter. Le sujet, c'est la préservation de l'activité économique en faisant en sorte que l'animal n'attaque pas les troupeaux. Mais sur le comptage, comment peut-on expliquer qu'il y a moins de loups alors que le nombre des attaques a augmenté de 22 % en 2022 et que le front de colonisation du loup ne cesse de progresser, s'étonne le président de la FNSEA. Le chiffre de 906 loups n'est pas crédible. » Il ajoute : « Le système d'autorisation des tirs n'est plus tenable sur le plan de la complexité. On est arrivé à un tel degré politique que les décisions ne se prennent plus sur le terrain. La détresse des éleveurs après les attaques n'est plus supportable. Une attaque doit faire l'objet d'un tir. Il faut habituer l'animal à ne prédater que des animaux sauvages. » Pour le président de la FNSEA, « les montants engagés pour la prévention et l'indemnisation sont hors de contrôle. Et tout porte à croire que dans les mois qui viennent on atteindra les 80 à 100 millions d'euros, c'est colossal ! On ne peut pas laisser les choses dériver ainsi. La responsabilité est d'avoir un dispositif adapté pour garantir l'élevage. »

Souveraineté alimentaire

« Produire moins en France, c'est importer plus »

«  En fruits, nous produisons à peine 60 % de nos besoins et en légumes moins de 40 %. Produire moins en France, c'est importer plus, estime Arnaud Rousseau. La consommation de viande bovine en France représente 1,5 million de tonnes. Dans cette filière, la baisse de la production s'est traduite par davantage d'importations depuis l'Europe et l'Amérique latine car la consommation, elle, est restée stable. Depuis dix ans, le nombre des éleveurs a baissé de 25 % et on compte un million de vaches productives en moins. Quand on perd des capacités de production, on livre à d'autres la nécessité de nous nourrir. On a donc besoin de compétitivité pour conserver une agriculture nombreuse sur tous nos territoires. »

Par ailleurs, « la part de l'alimentation dans les ménages représente 18 % du revenu disponible. C'était 13 % avant la remontée récente des prix mais 30 % dans les années 1980. Il faut expliquer aux Français que se nourrir avec les standards les plus élevés de la planète a un coût, indique le président de la FNSEA. L'agriculture française a une qualité et donc un prix. »

©AD26-CL

Phytosanitaires

« N'importons pas l'agriculture dont nous ne voulons pas »

« La décision concernant l'interdiction du phosmet est européenne. Si la contrepartie, c'est d'importer des cerises turques traitées au phosmet, c'est totalement incompréhensible. À court terme, on a un objectif d'indemnisation des producteurs français mais nous demandons aussi des moyens de recherche et d'innovation pour trouver des solutions comme l'insecte stérile, souligne Arnaud Rousseau. Si des matières actives posent problème, regardons quelles sont les alternatives. Si elles ne sont pas crédibles, voyons ce qui peut être mis en place en termes de recherche et donnons un pas de temps pour trouver des solutions. Mais n'interdisons pas de manière abrupte une molécule sans se soucier de ce qui se passe sur le plan économique. Car on détruit des filières, des emplois et on sait que ça se traduit inévitablement par de l'importation. Cette forme de naïveté n'est pas entendable ni par les agriculteurs, ni par un certain nombre de consommateurs. N'importons pas l'agriculture dont nous ne voulons pas. »

Détaxation du GNR

« Un mauvais “coût” pour l'agriculture »

« L'annonce d'une suppression progressive de la détaxation du gasoil non routier (GNR) en agriculture, c’est un mauvais “coût” pour l’agriculture française. Sans compensation, sans soutien et aides aux carburants renouvelables, c’est l’explosion des charges assurée pour la Ferme France. À ce stade, c'est une taxe supplémentaire alors que les agriculteurs n’ont aucune alternative de carburants suffisante. L'agriculture devra contribuer dans les trente ans qui viennent à la décarbonation de l'activité économique de la France : sur l'azote, les carburants et le méthane entérique des ruminants. Pas de problème pour relever les défis à la condition que le ministre de l'Économie ne touche pas à la fiscalité sur le GNR qui représente 1,4 milliard d'euros pour l'agriculture. Pendant la crise Covid, l'agriculture est restée au travail et n'a pas pris de chèque. Si on nous prend un centime, on veut récupérer un centime en mesures fiscales. »

Propos recueillis par Christophe Ledoux

Qui est Arnaud Rousseau ?
©AD26-CL

Qui est Arnaud Rousseau ?

Arnaud Rousseau est céréalier à une quarantaine de kilomètres à l’est de Paris, à Trocy-en-Multien (Seine-et-Marne) dont il est le maire. Avec sa femme et quatre salariés, il cultive sur 700 ha du colza, des protéagineux, du blé, de la betterave et du maïs. Âgé de 49 ans, il est aussi à la tête de la Fop - l’association spécialisée des producteurs d’oléoprotéagineux de la FNSEA - et du groupe Avril, le leader français des huiles végétales.