Sériculture
Immersion dans l’univers des vers à soie !

Situé à Lagorce en Sud Ardèche, le musée magnanerie Verasoie offre un témoignage vivant de la sériciculture, en disposant du plus important élevage de vers à soie ouvert au public de France. Il met en lumière également l’empreinte culturelle de cette activité quasiment disparue.

Immersion dans l’univers des vers à soie !
De début avril à fin septembre, une cinquantaine d’élevages de vers à soie se succèdent au musée magnanerie Verasoie de Lagorce pour que les visiteurs puissent apercevoir le cycle complet d’un élevage. ©Musée magnanerie Verasoie

Si de nombreuses espèces de chenille produisent des cocons avant de se transformer en chrysalide, seule la chenille du papillon Bombyx mori, communément appelée ver à soie, permet d’entreprendre une production de fils suffisamment importante pour fabriquer du textile, en tissant un fil de 800 à 1 500 mètres de long ! Cette espèce, importée de Chine dès le XIIIe siècle, permettra de développer toute une série de corps de métiers dédiés à l’artisanat de la soie en France, particulièrement dans la première moitié du XIXe, avant l’arrivée de la soie artificielle qui sonnera le glas de la filière. À Lagorce, cette histoire s’expose chaque année au grand public de manière vivante, avec la tenue d’un authentique élevage de vers à soie au musée magnanerie Verasoie. Les naissances y sont échelonnées de début avril jusqu’à fin septembre, pour que les visiteurs puissent apercevoir le cycle complet d’un élevage. Quant aux travaux pratiques, de grands élevages sont régulièrement organisés pour proposer des journées de décoconnage et faire découvrir les gestes de la collecte aux visiteurs.

Le mûrier, élément essentiel d’alimentation

Depuis une vingtaine d’années, Didier Petit est chargé de mener à bien cette activité séricicole avec l’appui de la responsable du musée Delphine Marguerit. Une activité qui allie la reproduction des papillons (grainage), l’élevage des chenilles, mais avant tout la culture des mûriers et la cueillette des feuilles dont ils se nourrissent.
Disposant de quelques plantations aux alentours, le musée entretient également une vingtaine de mûriers de variétés diverses, exposés près de son entrée dans la calade Olivier de Serres. Parmi elles, la variété japonaise Mûrier Kokuso 21, qui produit de grandes feuilles épaisses, très nutritives, sur toutes les saisons d’élevage des vers à soie. Ces derniers réclamant des feuilles en permanence, les mûriers sont conduits en rameaux uniques et basse tige, afin de redémarrer un peu plus vite et faciliter le travail de récolte. « Cela évite aussi d’avoir des fruits sur les rameaux, qui finiraient par salir les feuilles, par attirer les fourmis, qui peuvent causer des problèmes sanitaires pour l’élevage des vers. » Effectuée en « tirant la rame », la cueillette des feuilles est répartie selon l’âge des vers à soie. Les plus tendres, situées à la pointe des gourmands, sont destinées aux plus jeunes chenilles, mais une attention particulière est apportée à l’ensemble de l’élevage. « Ce sont de petites bêtes délicates, plus c’est tendre, plus elles mangent facilement. » Ainsi un mûrier n’est jamais épluché totalement, pour pouvoir apporter des feuilles fraîches de manière régulière.

Les étapes incontournables de l’élevage

Du côté de l’élevage, là aussi, « nous travaillons un peu comme au XIXe siècle », poursuit Didier Petit. Une chambre d’incubation permet de chauffer les graines pour relancer artificiellement leur développement embryonnaire, tout en veillant à vérifier la santé des œufs. Durant une quinzaine de jours, les chenilles vont éclore et être gardées dans cette nourricerie. Elles rejoignent ensuite des tables d’élevage durant un mois, alimentées quatre à six fois par jour de feuilles de mûrier selon leur âge. Idéalement, elles évoluent avec une hygrométrie de 80 % et une température de 24°C. « Il y a beaucoup d’hygiène et d’observation à respecter car leur alimentation influe sur leur développement et l’homogénéité de l’élevage. Tous les vers doivent être synchronisés pour entrer en mue à la même période, sinon on obtient très peu de rentabilité sur la formation de cocons. » Une fois arrivée à maturité, la chenille se déplace sur des rameaux de bruyère (encabanage) ou autres supports, sur lesquels elle grimpe et s’accroche pour filer un cocon durant trois jours. Passé ce délai, les cocons sont détachés (décoconnage) pour en retirer les brindilles de bruyères ainsi que les premiers fils de soie (déblazage ou débourrettage), excrétés par le ver pour s’accrocher aux rameaux. Rapidement, il convient alors d’intervenir sur la chrysalide, avant qu’elle se transforme en papillon et abîme le cocon en cherchant à s’en extraire. « Historiquement on pouvait intervenir par étouffement, à l’étuvée ou à l’aide d’une chambre à air chaude, explique Delphine Marguerit, en veillant à laisser un certain nombre de chrysalides se transformer en papillon pour la reproduction » !

A. L.

Le musée ouvre ses portes du 6 mai au 30 septembre 2024. Du lundi au vendredi, des visites guidées sont proposées (sur réservation) de 9h30 à 12h30, puis des visites libres de 14 h à 18 h. Plus d’infos sur www.lagorceardeche.com 
et au 04 75 88 01 27.

Didier Petit, chargé de l’élevage des vers à soie, et Delphine Marguerit, responsable du musée magnanerie Verasoie. ©AAA-AL

Des cocons vendus  en local 
©AAA-AL
PRODUCTION

Des cocons vendus  en local 

Le musée magnanerie Verasoie met en vente quelques cocons de soie issus de son élevage pour les visiteurs, mais l’essentiel de sa production rejoint une savonnerie artisanale locale (Mas Sophia) où ils sont associés à de la fleur de thym pour la fabrication de savons. Car au-delà de leur utilisation dans le secteur du textile, les cocons de soie peuvent être très prisés en cosmétique, pharmacie et phytothérapie. 

Entre patrimoine et entretien des savoirs
Le musée retrace l’histoire de la sériciculture, ses origines en Chine dès le XIIIe siècle, son implantation en France et les corps de métiers dédiés à l’artisanat de la soie. ©Didier Petit

Entre patrimoine et entretien des savoirs

Traverser les salles d’exposition du musée, c’est aussi découvrir le monde de la filature, qui consiste à dévider les cocons de soie pour en extraire les fils, celui du moulinage, permettant le tissage, apercevoir les liens historiques entre le Gard, l’Ardèche et le Rhône pour ces trois activités industrielles, mais aussi leur empreinte culturelle sur ces territoires. On y aperçoit le quotidien des « éducateurs » (éleveurs) dans les magnaneries, les protocoles de prévention de Louis Pasteur pour lutter contre l’épidémie de pébrine qui décime les élevages en 1885, l’effervescence des marchés séricicoles… « Aubenas était le second marché le plus important d’Europe après Milan au XIXe siècle », mentionne la responsable du musée Delphine Marguerit. Au-delà de l’exposition de ce patrimoine, des élevages qui s’y succèdent, le musée magnanerie Verasoie s’inscrit dans « la pédagogie, la transmission et l’approfondissement des connaissances », explique Delphine Marguerit. « Il y a des manuels techniques mais la pratique et l’observation permettent d’aiguiser ses connaissances. C’est un métier particulier », ajoute Didier Petit, qui a été formé par un ancien sériciculteur ardéchois en activité dans les années 1990. Le musée accueille ainsi des professionnels ou porteurs de projet, comme en février dernier où une rencontre centrée sur la relance de la filière a été organisée avec des sériciculteurs et techniciens de la soie en activité dans le Gard.  
 A. L.