Une projection débat sur l’agriculture régénérative a été organisée mardi 4 février au Palais des congrès de Valence par la fondation Evertea. Des agriculteurs drômois ont témoigné.

Une foule importante s’est rendue au palais des congrès de Valence mardi 4 février. Le documentaire américain « Common ground » (sol commun en anglais) était diffusé à 19 h à l’initiative de la fondation Evertéa. Un débat avec agriculteurs drômois s’est déroulé à l’issue de la projection. Common ground, film réalisé par Joshua Tickell et Rebecca Harrell Tickell en 2023, met en scène des agriculteurs américains qui ont intégré l’agriculture régénérative à leur mode de culture. D’une durée d’1h45, le documentaire regorge d’images poignantes, de terres désertiques appauvries par le travail du sol, de témoignages poignants sur fonds de musiques touchantes et d’apparitions de célébrités engagées. À la fin de la projection, Tarik Zniber, agronome à l’Adaf, Alexandre Berger, du Gaec des Péris, à Châteaudouble, Bruno Darnaud, arboriculteur à La Roche-de-Glun, Lucas petit, chercheur au Fibl, et Gaëtan Aubert, céréalier à l’EARL Le pré neuf à Lens-Lestang, ont pris la parole pour parler de leurs expériences.
Des « caricatures » qui résonnent
Le sol est « notre point commun », une « identité collective » qui « doit être préservé », a déclaré Delphine Delaunay, directrice générale fondation Evertéa en guise d’introduction. Le film est dédicacé à Gabe Brown, agriculteur dans le nord du Dakota et considéré comme un des pionniers de ce mode de culture aux États-Unis.
Ce dernier montre la différence entre ses parcelles et celles de son voisin qui produit de manière intensive. Si les terres du pionnier sont enherbées, celles de son confrère sont labourées et montrent des traces importantes d’érosion. Ainsi, Gabe Brown donne quelques-uns des principes de l’agriculture régénérative : pas de labour, utilisation réduite des produits chimiques, différentes espèces plantées et présence de troupeaux. Le documentaire met en avant l’augmentation du stockage du carbone dans la terre grâce à ces changements de pratiques. Si les applaudissements ont retenti dès la fin de la projection, Bruno Darnaud n’a pas manqué de donner sa réaction « à chaud ». L’agriculteur a épinglé les « caricatures » montrées dans le film « avec les fermes industrielles américaines non-représentatives de la France ».
« Un apprentissage de tous les jours »
Bruno Darnaud a tenu à rappeler à la salle son parcours. Installé en 1990, l'arboriculteur a installé un brise-vent, a ré-enherbé pour ramener de la vie dans ses vergers et a broyé le bois de taille plutôt que le brûler. Grâce à ces pratiques, il a gagné « presque un point » de matière organique. « Moi je fais peut-être partie de l’agriculture conventionnelle mais l’agriculture évolue. Nous essayons tous d’évoluer. Les phytos, j’en utilise moins que dans les années 1990 mais je suis loin de la suppression totale des produits. La chimie reste encore importante même si, aujourd’hui, elle n’est plus l’unique réponse », a-t-il témoigné. Des propos appuyés par Gaëtan Aubert : « Pour le désherbage, c’est compliqué de faire sans produits. On ne peut pas enlever le travail du sol et les produits en même temps ». Ce dernier s’est lancé en 2017 en agriculture régénérative. « J’ai découvert ça lors d’un séjour organisé sur des exploitations qui fonctionnaient comme ça. C’était une révolution pour nous de ne pas labourer. On ne savait même pas que ça existait », confie-t-il.
De nombreux spectateurs ont assisté à la projection débat. ©ME-AD26
Gaëtan Aubert a fait partie de plusieurs groupes d’expérimentations agricoles notamment l’un pour réduire les produits phytosanitaires. Le céréalier s’est formé auprès de l’Adaf. « C’est un apprentissage de tous les jours et une totale remise en question des pratiques », explique celui qui constate une légère baisse de production sur ses cultures de blé.
Attentif aux témoignages de ses confrères, Alexandre Berger, presque entièrement en agriculture régénérative, confirme leurs propos. « Le film est très américanisé. Il ne faut pas croire que c’est le pays des bisounours. Sans la chimie, chez moi, ça ne marcherait pas. Je vous donne un exemple piquant : essayez d’attraper la grippe et de ne pas vous soigner ».
Tarik Zniber a quant à lui rappelé l’existence des groupes d’échanges entre agriculteurs sur les techniques en agriculture régénérative animés par l’Adaf. « En bio, souvent les exploitants se passent de labour mais pas de produits. L’agriculture régénérative peut être mise en place en agriculture bio et conventionnelle, ajoute l’agronome. Les agriculteurs veulent évoluer mais le contexte économique ne permet souvent pas de le faire ».
Morgane Eymin
* La fondation Rovaltain devenue Evertea, est une fondation scientifique reconnue d'utilité publique fondée en 2013 par la Région Aura, le Département de la Drôme, Valence-Romans Agglo, la CCI de la Drôme, la CNR, l'Inrae, l'Ineris, l'École des mines de Saint-Étienne, Grenoble INP, Grenoble UGA, l'université Claude Bernard 1.
La Fondation Evertéa ouvre une école à Valence
La fondation Evertéa accueille le public pour des conférences au sein de son école, située 3 rue Henri Chalamet à Valence. Limités à dix personnes sur inscription, ces conférences animées par des chercheurs sont gratuites. La prochaine est prévue mercredi 12 mars, de 14 h à 17 h sur le thème « polluants de l'environnement et maladie métabolique », avec le chercheur Étienne Blanc. Plus d’informations sur le site fondationevertea.org ou par téléphone au 09 70 65 03 50.